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Quadrivium dans la tradition syriaque

Notre perception de l’enseignement des savoirs profanes en syriaque demeurant quelque peu floue, la tentation est grande d’essayer de plaquer sur le monde moyen-oriental ce que nous savons du modèle de la paideia, c’est-à-dire de l’éducation, grecque qui connut une large diffusion autour du bassin méditerranéen sous la forme de deux regroupements disciplinaires désignés trivium (voir Farina 2017) et quadrivium. Le terme « quadrivium », inventé par le philosophe latin Boèce (480-524 AD), renvoie à un ensemble de quatre disciplines mathématiques : géométrie, musique, arithmétique et astronomie. Leur unité d’enseignement s’est, semble-t-il, imposé dans le monde grec au cours du 1er s. AD avec Nicomaque de Gérase (Hadot 2001). Dans le monde latin, elle ne s’est diffusée que tardivement par l’intermédiaire de Martianus Capella (5e s.) (Guillaumin 2007) ; en contexte syriaque, elle est attestée pour la première fois au début du 6e siècle sous la plume du médecin et philosophe néoplatonicien Sergius de Rešʿayna (m. 536 AD) (Commentaire sur les Catégories I, 6) ; on la retrouve encore dans deux encyclopédies syriaques plus tardives, le Causa causarum anonyme du 10e – 11e s. siècle (éd. Kayser, p. 281-282) et le Livre des dialogues de Jacques bar Šakko (m. 1241 AD). Selon une croyance antique, formulée dans plusieurs œuvres de Platon, ces disciplines avaient pour point commun de permettre à l’âme de s’élever graduellement des formes matérielles vers des objets intelligibles et ainsi de se rapprocher du divin. Voici ce qu’en dit Sergius de Rešʿayna : « la nature a posé pour nous, dans l’intervalle, les mathématiques (yulpānē) […], grâce auxquelles nous sommes exercés à connaître ce que sont les intelligences incorporelles et nous sommes élevés vers elles peu à peu » (Commentaire sur les Catégories I, 7, trad. Hugonnard-Roche). Le terme yulpānē utilisé par Sergius pour désigner les mathématiques admet le double sens de « mathématiques » et « disciplines », faisant de lui un parfait équivalent culturel du terme mathemata utilisé par les philosophes grecs de la même époque. Sergius précise encore que « les [êtres] intermédiaires qui sont appelés mathématiques sont en vérité disciplines des choses ; je parle de la géométrie, de l’arithmétique, de l’astronomie et de la musique » (Commentaire sur les Catégories I, 6, trad. Hugonnard-Roche). Plus tard, les auteurs syriaques privilégièrent la transcription du terme grec matemaṭiqon à l’expression syriaque yulpānē, comme le savant Jacques bar Šakko, qui a explicité dans la 4e partie de son Livre des dialogues les raisons d’une unité d’enseignement de ces quatre disciplines.

De récentes synthèses rappellent l’existence d’une littérature mathématique syriaque qui, bien que peu abondante, est souvent restée inédite (Takahashi 2011, Hugonnard-Roche 2014, Villey 2016). Au-delà des seuls traités mathématiques, il convient aussi de sonder les encyclopédies, les commentaires de la Genèse et les traités philosophiques conservés en syriaque qui rendent compte de la manière dont les chrétiens syro-occidentaux, mais aussi syro-orientaux, percevaient ces disciplines et quel type de savoirs ils leur associaient.

 Géométrie

Yulpānā d-maḥārutā est l’expression syriaque généralement employée dans les textes les plus anciens (5e-6es.), puis dans la tradition médiévale syro-orientale pour désigner la géométrie. Les syro-occidentaux en revanche, influencés par le grec, lui préférèrent le terme geomeṭriya dès le 6e siècle. Nous ne savons pas quelle place les syriaques accordaient exactement à l’enseignement de la géométrie dans leurs écoles. Tout au mieux pouvons-nous constater la circulation et le recours à des manuels grecs et recenser quelques témoignages au sujet d’ouvrages géométriques rédigés en langue syriaque.

Tout comme chez les encyclopédistes latins et les philosophes grecs, la diffusion des connaissances géométriques en contexte syriaque est allée de pair avec la transmission des Eléments d’Euclide, traité de géométrie qui fit autorité durant l’antiquité tardive et tout au long du Moyen Âge. La plus ancienne traduction syriaque des Eléments d’Euclide qui soit parvenue jusqu’à nous a été réalisée à l’époque du calife al-Maʾmūn (9e s.) dans le milieu d’al-Ḥağğāğ (publiée dans Furlani 1924). La question a été débattue de savoir si cette traduction, partiellement conservée (propositions 1-23 et 27-40 du livre I) dans un manuscrit du 15e-16e s. (Cambridge Gg. 2. 14, f. 355-362), avait été réalisée à partir de l’arabe (Brentjes 1994) ou plutôt du grec (Hugonnard-Roche 2014).

Nous conservons également en syriaque deux compilations des définitions du livre I des Eléments d’Euclide. L’une d’elles se trouve dans l’encyclopédie intitulée Livre des dialogues que l’on doit à Jacques bar Šakko aussi connu sous son nom d’évêque de Bartela, Sévère bar Šakko. On sait de Jacques bar Šakko qu’il s’était formé auprès du même maître musulman que le célèbre Naṣīr al-Dīn al-Ṭūsī, à savoir Kamāl el-Dīn Mūsā ibn Yūnus, et qu’il avait travaillé au monastère de Mar-Mattaï près de Mossoul. La compilation des Eléments que l’on trouve insérée dans la 4e partie de son encyclopédie est du même type que celle que Martianus Capella a insérée dans le Livre VI de ses Noces de Philologie et Mercure ; mais à la différence de l’encyclopédiste latin, le compilateur syriaque agrémente le texte d’illustrations géométriques. Si le compilateur médiéval ne se réfère explicitement qu’aux enseignements d’Euclide et d’Archimède (De la Sphère et du cylindre), il a été montré que son travail s’inspirait également des définitions des volumes d’Héron d’Alexandrie et présentait des points de contact étroits avec deux sources arabes : le Kitāb mafātīḥ al-ʿulūm de Muḥammad ibn Aḥmād al-Ḫwārizmī (« Les clés des sciences », composé entre 975 et 991) et l’encyclopédie philosophique des Iḫwān al-Ṣafāʾ du 10e s. (Ruska 1896).

La seconde compilation se trouve dans un manuel astronomique composé par celui qui avait obtenu en 1264 la plus haute charge de l’Église syriaque orthodoxe (‘maphrien d’Orient’), à savoir Grégoire Abū al-Faraj bar ‘Ebrōyō, communément appelé Barhebraeus. On sait, de par son propre témoignage, que Barhebraeus avait séjourné durant les années 1272-1273, puis en 1279, à Maraga, où se trouvait l’observatoire astronomique dirigé par Naṣīr al-Dīn al-Ṭūsī (Chronique ecclésiatique, t. III, coll. 443-444 et col. 449-450). Il nous est même précisé qu’il était venu à Maraga pour dispenser deux enseignements : un cours sur les Eléments d’Euclide (1272) et un autre sur l’Almageste de Claude Ptolémée (1273). Son cours d’astronomie nous est parvenu sous le titre de Livre de l’ascension de l’esprit sur la forme du ciel et de la terre (cf. Cours d’astronomie). Certaines similitudes entre cette compilation et celle de Jacques bar Šakko indiquent que le maphrien avait connaissance du texte de son prédécesseur qu’il a manifestement cherché à simplifier. Il convient de rappeler que, tout comme Jacques bar Šakko, Barhebraeus avait résidé à Mossoul, près du monastère de Mar-Mattaï, où il avait très vraisemblablement bénéficié de l’accès aux mêmes bibliothèques et donc à la même littérature scientifique. En outre, tout comme son prédécesseur, Barhebraeus avait l’intention d’écrire un ouvrage sur les quatre sciences mathématiques (Takahashi 2011, p. 486). En ce qui concerne les démonstrations géométriques à proprement parler, ce n’est pas à Euclide, mais à Ptolémée que Barhebraeus renvoie quand il écrit : « quant aux démonstrations géométriques touchant ces matières, je renvoie à l’ouvrage Σύνταξιςμεγάλη qui est plus grand et plus développé » (Cours d’astronomie, Préface). Malheureusement le cours de géométrie euclidienne que Barhebraeus avait prodigué à Maraga n’a pas été conservé.

Quelques sources secondaires renseignent encore sur la pratique et l’enseignement de la géométrie en contexte syriaque. D’après Ibn al-Qifti (Taʾrīḫ al-ḥukamāʾ, p. 195) et Barhebraeus (Chronicon syriacum, p. 168-169), Ṯābit Ibn Qurra, qui a fait ses études à Bayt al-Ḥikma à Bagdad, aurait composé dans la seconde moitié du 9e s. au moins trois traités de géométrie directement en syriaque : des Questions sur la géométrie ainsi que deux traités sur les parallèles (tous perdus) ; selon Naṣīr al-Dīn al-Ṭūsī (dans la préface de son édition sur ce traité) il aurait également amélioré une traduction syriaque du traité Sur la Sphère et le cylindre d’Archimède (Hugonnard-Roche 2014, p. 75).

Henri Hugonnard-Roche a par ailleurs rassemblé des informations sur d’autres traductions d’ouvrages qui auraient vu le jour dans la première moitié du 9e s. : plusieurs remarques d’un copiste arabe du 13e s. (ms. Istanbul, Fatih 3414, 8a) attestent l’existence d’une traduction syriaque du traité Sur la Sphère et le cylindre d’Archimède ; Naṣīr al-Dīn al-Ṭūsī rapporte qu’une autre traduction de qualité du même traité avait été exécutée par Isḥāq ibn Ḥunayn (m. 910) pour servir de support à sa traduction arabe ; quant au traité Sur les triangles d’Archimède, le bibliographe Ibn al-Qifṭī (m. 1248) rapporte qu’un certain Yūsuf al-Qass aurait procédé à sa traduction, et que cette traduction aurait été ensuite révisée au 10e s. par le mathématicien Sinān ibn Ṯābit (m. 942) pour servir de base à sa traduction arabe (Taʾrīḫ al-ḥukamāʾ, p. 195, 18-19) ; toujours d’après Ibn al-Qifṭī, les œuvres du géomètre Ménélaus auraient toutes été traduites en syriaque, mais seul le nom d’Isḥāq ibn Ḥunayn nous est parvenu, dont la traduction du traité sur les Figures sphériques aurait été la source de l’édition arabe commentée d’Abū Naṣr Manṣūr ibn ʿAlī ibn ʿIrāq ainsi que de la version latine de Gérard de Crémone (Hugonnard-Roche 2014, p. 76).

Ainsi, aucun texte géométrique ni aucun témoignage relatif à un enseignement lié à ce champ disciplinaire n’est attesté en monde syriaque avant le 9e s. Pourtant, les traités astronomiques les plus anciens montrent qu’au moins dès le début du 6e s. certains savants de langue syriaque n’étaient pas étrangers à l’étude de la géométrie. Par exemple pour illustrer sa théorie sur les éclipses de lune, l’auteur de la Somme astronomique (section 22) renvoie à deux schémas géométriques qu’il intitule « Représentation au moyen de la géométrie (teorema d-bidhgeomeṭriya), des cas dans lesquels il peut y avoir une éclipse astrale », et propose ensuite une démonstration (teḥwithō) géométrique du fait que l’éclipse de lune est bien due à la projection de l’ombre de la terre sur la lune (section 11, IV, 3). On notera toutefois le caractère rudimentaire de cette démonstration dont on a estimé, sur des critères linguistiques, qu’elle avait vraisemblablement été composée au début du 6e s. (Villey 2012 [thèse]). Un autre exemple, de la seconde moitié du 7e s., est fourni par Sévère Sebokht qui recourt à plusieurs outils géométriques dans le cadre de ses démonstrations relatives à des questions de géodésie : en traitant de la latitude des climats et des anaphora des signes du zodiaque, il montre notamment qu’il est à l’aise avec le calcul trigonométrique, même si seuls les résultats sont exposés (Traité sur les constellations, chap. 16). On trouvera également dans la partie du Livre des trésors de Job d’Édesse (8e-9e s.) consacrée à l’astronomie ainsi que dans le Cours d’astronomie de Barhebraeus des schémas géométriques illustrant le propos.

 Musique

Les expressions syriaques pour désigner la musique sont également inspirées du grec : on parle de yulpānā d-musiqāruthā (« discipline de la musique » ; Sergius de Rešʿayna, Traité sur les causes du Tout, éd. Fiori, p. 153), d’umānuthā d-musiqi (« art de la musique », Sévère Sebokht, Traité sur l’astrolabe, éd. Nau, p. 73) ou plus généralement de musiqi.

Nous ne conservons pas, à notre connaissance, de manuel didactique syriaque entièrement dédié à la musique et abordant cette matière comme une discipline mathématique. Ibn al-Qifṭī (Ta’rīḫ al-Ḥukamā’, p. 120, 19-21) ainsi que Barhebraeus (Chronicon syriacum, p. 168-169) rapportent que Ṯābit ibn Qurra aurait rédigé un tel traité de musique en syriaque au début du 9e s., mais cet ouvrage n’a malheureusement pas été conservé, nous laissant dans l’ignorance quant à la manière dont la musique théorique était enseignée dans les monastères et les écoles.

Quatre auteurs syriaques témoignent du fait qu’ils la considèrent comme une science mathématique étroitement liée à la géométrie, à l’arithmétique et à l’astronomie : dans son épitomé auTraité sur les causes du Tout, Sergius de Rešʿayna (m. 536) établit un lien étroit entre la musique, l’astronomie et la géométrie en adaptant à la théologie chrétienne la théorie platonicienne de la musique des sphères : « Je m’émerveille ici de la majesté et de la sagesse du producteurde l’univers, de la manière dont il a composé à partir de chosesdiverses et de mouvements dissemblables l’harmonie de ce monde, à la ressemblance d’un sage musicien qui au moyen de cordes graves, aiguës et moyennes, invente et compose par leur percussion une seule harmonia parfaite dans la doctrine de la musique (yulpānā d-musiqāruthā) » (trad. Fiori, p. 153).

Sévère Sebokht (m. après 665) place quant à lui sur un pied d’égalité la science musicale, astronomique et géométrique, à l’occasion d’une énumération au début de son Traité sur l’astrolabe.

Au 9e s. AD, le philosophe chrétien Job d’Édesse, qui vécut à Bagdad, compare le cerveau humain à un instrument de musique capable de devenir aérien et disposé au mouvement (Livre des trésors, Discours I, ch. 24) ; dans le chapitre consacré au sens de l’ouïe (Discours III, chap. 8), il reprend le propos d’Aristote (De Anima, Livre II, chap. 7) concernant la théorie des sons, perçus comme des mouvements de l’air. Il distingue 3 groupes de 4 tons (les ἦχοι, les παραγεννητοί et les παραπλησίοι) dont il fait dériver « le nombre de toutes les mélodies dans lesquelles sont incluses les myriades de tons trouvées parmi les peuples » (p. 143). Sa comparaison avec les autres disciplines est particulièrement instructive : « De même que tous les innombrables chiffres sont inclus dans les 10 unités ; de même que tous les indénombrables discours sont inclus dans les 8 parties du discours ; de même que les jours du monde sont inclus dans les 7 jours de la semaine ; et de même que les indénombrables mouvements des 7 planètes sont inclus dans les 12 signes du zodiaque, de même toutes les mélodies sont incluses dans les 12 tons (qōlē) ci-dessus ». Il compare également les 4 genres de tons aux 4 éléments dont les corps qui produisent ces tons sont composés.

Enfin, au 13e siècle, Jacques bar Šakko, qui traite brièvement de la musique à l’occasion d’une présentation des sciences du quadrivium, montre qu’il considère également la musique comme une discipline mathématique : il établit notamment un lien étroit entre l’arithmétique et la musique qu’il définit comme « la connaissance du lien numérique que les instruments entretiennent entre eux » (Livre des dialogues, d’après l’éd. Ruska, p. 7)

Au-delà de ces auteurs qui proposent une approche purement théorique de la musique, nous conservons des témoignages écrits anciens de la pratique musicale, qui révèlent que la musique tint évidemment une place importante dans la liturgie chrétienne de langue syriaque : Denise Jourdan-Hemmerdinger a notamment identifié cinq papyri et deux fragments de manuscrits syriaques copiés entre le 5e et le 10e siècle, contenant des hymnes accompagnés d’annotations musicales (voir son article « L’heptacorde et l’octoéchos » et la discussion dans Kesrouani 1991). Ces annotations indiquent précisément le ou les tons (appelés ἦχοι en grec, qōlē en syriaque) à adopter pour accompagner la lecture de l’hymne ; il n’est cependant pas possible de déterminer si elles attestent un système musical en huit tons (octoéchos), utilisé dans le monde byzantin depuis le 6e s., ou en sept tons (heptaéchos), attesté à Ḥarrān dans trois manuscrits datant de 823-824 AD (Kesrouani 1991). Dans le ms. Vat. sir. 94 (11e s.) en revanche, tous les chants sont clairement ordonnés selon huit qōlē (Kesrouani 1991). Le nom de Sévère d’Antioche figurant dans le titre de la collection, l’idée a circulé que ce patriarche aurait lui-même élaboré le système musical en huit tons, ce qui fut réfuté par la suite (Kessel 2014). L’origine de l’octoéchos est débattue : certains invoquent une origine babylonienne (Werner 1959), d’autres une origine grecque pythagoricienne dont on aurait déjà des échos dans le mythe d’Ère de Platon (Kesrouani 1991), d’autres encore une origine syrienne en voyant dans le système cosmique et paradisiaque décrit par Éphrem le Syrien dans son Commentaire à la Genèse une adaptation de cette « harmonie » musico-astronomique (Van Reeth 2001). La base théorique du système des huit modes aurait reposé sur l’idée d’une correspondance entre les modes musicaux et les sphères astronomiques.

 Arithmétique

Les textes syriaques les plus anciens (5e-7e s.) parlent d’arithmétique sous le terme sémitique de manāyuthā. Les auteurs ultérieurs alternent entre cette expression et le terme aritmaṭiqi translittéré du grec.

Un seul traité d’arithmétique grec a semble-t-il fait l’objet d’une traduction en syriaque : l’Introduction arithmétique de Nicomaque de Gérase. Cette traduction réalisée à partir du grec et aujourd’hui perdue aurait servi de modèle à la version arabe avant 822 AD et à la version hébraïque (Hugonnard-Roche 2014). En outre, il a été remarqué que le texte de Nicomaque avait été souvent repris par Jacques bar Šakko dans la partie de son Livre des dialogues consacrée à l’arithmétique, sans que cette source soit jamais explicitement mentionnée (Ruska 1896).

On trouve aussi des indices de compétences arithmétiques dans certains textes astronomiques syriaques : d’après l’auteur anonyme de la Somme astronomique, il existait au début du 6e s. un Traitédu calcul du mouvement d’Atalya dans lequel des « Chaldéens » auraient été capables de prédire avec précision une éclipse de lune ou de soleil. Cependant l’auteur de la Somme astronomique invite son lecteur à suivre les méthodes de calcul développées non pas par des Chaldéens, mais par le savant alexandrin Claude Ptolémée, qui accompagne ses calculs de « la véritable cause du phénomène astral ». Il existait donc au début du 6e siècle dans un certain milieu syriaque orthodoxe, que l’on suppose proche de celui de l’école de Qennešre, deux méthodes de calcul concurrentes et efficaces pour prédire une éclipse de lune et de soleil, ce qui est tout à fait remarquable et prouve que la discipline intéressait des érudits de langue syriaque (Villey 2014).

Un autre chrétien syriaque orthodoxe, Sévère Sebokht, explique dans une lettre adressée avant l’an 662 AD à un notable syriaque (Lettre sur les nœuds ascendant et descendant), qu’il peut recourir à trois méthodes de calcul (metūdas d-ḥušbānā) différentes pour prédire une éclipse de lune. L’une des méthodes préconisées par cet abbé de Qennešre est explicitement inspirée du Commentaire aux tables faciles de l’auteur grec Théon d’Alexandrie. Les calculs déployés montrent que l’auteur de la lettre maîtrise tout le champ des additions, soustractions, multiplications et divisions et qu’il est capable de jongler entre un système décimal et sexagésimal ; cependant les limites de ses compétences mathématiques se révèlent, notamment quand il avoue que la méthode de calcul pour prévoir les éclipses de soleil, qui doit prendre en compte la parallaxe, lui est difficile. Il faut avouer que le calcul en question est pour le moins complexe.

Rappelons également que la Lettre sur l’origine de la science astronomique, anonyme, datant de 661-662 AD et vraisemblablement adressée à l’abbé de Qennešre Sévère Sebokht (Cf. Villey 2014), un moine se montre particulièrement admiratif de la capacité des Indiens à procéder à des calculs efficaces, parce que, dit-il, « le mode de calcul des Indiens, je veux dire celui qui se fait avec neuf signes, surpasse le mode rhétorique ». Il s’agit là du plus ancien témoin, en contexte méditerranéen, de la transmission des chiffres de l’arithmétique décimale utilisée par les Indiens (voir Hugonnard-Roche 2014, p. 72-74). Cependant on ne trouve pas trace de l’usage de ces chiffres indiens ni dans les manuscrits qui transmettent cette lettre ni dans ceux qui portent une copie (jamais antérieure au 10e s.) des ouvrages astronomiques de Sévère Sebokht.

Enfin, il convient de mentionner les quelques passages relatifs à l’origine et à l’usage du zéro dans le Livre des trésors de Job d’Édesse (cf. Mingana p. XLV), ainsi qu’une liste de chiffres étranges (ne correspondant ni aux lettres syriaques, ni aux chiffres arabo-indiens), retrouvée dans la seconde partie du Livre de médecine (éd. Budge, section II, chap. 6), qui comprend par ailleurs de nombreux textes de divination se fondant sur l’observation de chiffres (résultant le plus souvent de l’addition des lettres d’un prénom auxquelles on confère une valeur numérique) pour prédire l’avenir.

 Astronomie

Pour désigner la discipline (yulpānā) relevant de l’astronomie, aussi considérée comme un art (umānuthā), le syriaque utilise, dans tous les textes, l’expression translittérée du grec : asṭronomiyā. L’astronomie est certainement, des quatre sciences mathématiques, celle qui a laissé le plus de traces écrites. Nous conservons en effet une vingtaine de traités entièrement dédiés à des sujets astronomiques produits entre le 6e et le 13e s. AD. Tous proviennent de milieux syro-occidentaux. En dehors des traités purement astronomiques on conserve également de nombreux chapitres astronomiques insérés dans des commentaires de la bible, des encyclopédies ou des traités philosophiques produits aussi bien en milieu syro-occidental qu’en contexte syro-oriental. Nous proposons un survol de cette littérature parfois uniquement accessible dans les manuscrits.

Nous distinguerons quatre grands ensembles de textes : les écrits les plus anciens (5e-6e s.) qui regroupent en réalité un ensemble disparate d’opuscules philosophiques ; le corpus destraités astronomiques syro-occidentaux (6e-16e s.) qui adaptent le plus souvent l’astronomie alexandrine dite ptoléméenne à la théologie chrétienne ; les commentaires bibliques syro-orientaux (9e-12e s.) parmi lesquels on distinguera ceux relevant de la tradition savante de Nisibe, de ceux relevant de la tradition de Bagdad ; enfin les compilations de datation difficile, dont les auteurs, restés anonymes, ont cherché à justifier ou à mettre en pratique une branche très particulière de l’astrologie.

Les textes cosmographiques anciens (5e-6e s.)

Parmi les textes les plus anciens, ceux qui sont passés par les mains de Sergius de Rešʿayna offrent une vision clairement mathématisée du cosmos. On conserve quatre traités où il expose les théories astronomiques auxquelles il adhére : sa traduction du traité pseudo-aristotélicien De Mundo ; son discours adapté du Traité sur les causes du Tout d’Alexandre d’Aphrodise ; son Traité sur l’action de la lune et une adaptation d’un cours de Gésius dispensé sur le Commentaire aux Epidémies VI de Galien (Cf. Kessel 2012) que Sergius aurait lui-même suivi à Alexandrie (le texte, préservé dans un unicum syro-oriental du Bēt Hūzāyēdatant de 700 AD, comporte deux passages astronomiques que je n’ai pas pu lire directement). Sergius ne suivait pas servilement les textes grecs qu’il étudiait, dont la matière servait de base à des discussions avec ses correspondants. Il n’a pas hésité, par exemple, à modifier l’ordre des planètes dans sa traduction du De Mundo, passant d’un ordre aristotélicien (la lune, le soleil, Vénus, Mercure, Mars, Jupiter, Saturne) à un ordre conforme à l’astronomie ptoléméenne (la lune, Vénus, Mercure, le soleil, Mars, Jupiter, Saturne) ; le Traité sur l’action de la lune a été quant à lui l’occasion, non pas de commenter le 3e livre du De diebus decretoriis de Galien, mais de poser clairement les définitions de quelques concepts astronomiques utilisés dans ce livre de Galien. Enfin le Traité sur les causes du Tout est clairement une adaptation chrétienne de théories néoplatoniciennes reprises d’Alexandre d’Aphrodise. Les théories véhiculées dans les ouvrages rédigés ou transmis par Sergius rendent compte d’une vision de la terre et du ciel de forme sphérique, d’une terre immobile au centre de l’univers entourée d’un monde supra-lunaire constitué d’éther ; deux de ses traités (Traité sur les causes du Tout et Traité sur l’action de la lune) révèlent par ailleurs que l’archiatre adhérait aux thèses fondamentales de l’astrologie : à savoir que lesplanètes et le ciel supérieur seraient animés d’une volonté propre et que les astres auraient une influence sur le destin des hommes. Il est important de noter que l’œuvre astronomique de Sergius de Rešʿayna ne connut pas de postérité assumée dans le monde syriaque. Bien au contraire, tout concourt à croire qu’elle a fait l’objet d’une sorte d’omerta : la théorie aristotélicienne de l’éther et les thèses astrologiques qu’il rapporte furent en effet systématiquement réfutées avec véhémence par tous les auteurs syriaques ultérieurs, orientaux ou occidentaux, ayant traité d’astronomie, qui y ont vu une négation de la doctrine chrétienne fondamentale du libre arbitre. En réalité, il faut nous estimer chanceux d’avoir conservé ces quatre traités de l’archiatre et ne pas nous étonner d’ailleurs si trois d’entre eux (le Traité sur l’action de la lune, le Traité sur les causes du Tout et la traduction du De Mundo) soient conservés dans un unique manuscrit (ms. BL Add. 14658) daté du 7e s. Nous verrons plus bas, que les rares tentatives de mettre par écrit, en syriaque, des considérations astrologiques sont restées scrupuleusement anonymes.

Le reste des écrits les plus anciens qui traitent du mouvement des astres et de la forme de l’univers font état d’une vision archaïque et mythographique du cosmos. Bien que leur contenu n’ait aucun rapport avec les mathématiques, il est important de garder en mémoire les concepts qu’ils ont véhiculés, qui connurent un fort écho dans la branche orientale de la tradition syriaque. Le Traité astronomique et météorologique (peut-être du 5e s. AD) est un court traité philosophique attribué à Denys l’Aréopagite, uniquement conservé en syriaque. Intitulé « Comput des durées de révolution », il traite en sept chapitres de la durée de révolution de la lune et du soleil, des phénomènes d’éclipses, des saisons, de météorologie et vise en dernier ressort à réfuter la théorie astrologique des « Chaldéens ». Les causes invoquées pour expliquer les phénomènes astraux relèvent le plus souvent de la pure mythologie : il y est notamment question des 12 vents sortis des 12 magasins des vents, dont la lune est « la clé » ; les « Grecs » sont dits mêler l’erreur à toutes les durées de révolution. Le vent de l’espace supérieur est violent et c’est seulement par l’action de vents issus de magasins que chacune des sphères des planètes peut circuler lentement et régulièrement, à l’exception des moments d’éclipses, où le vent violent supérieur vient précipiter le soleil hors de son degré. Ceci est dû aux grands cétacés de la mer supérieure qui s’élèvent et se jettent à l’intérieur des montagnes du nord. Les étoiles sont unies au firmament dont elles sont les lampes de lumière. Le traité se clôt avec une condamnation de la lecture des horoscopes et par une liste de constellations nécessaires au comput du temps. Ces théories connurent un certain succès chez les exégètes syro-orientaux, notamment chez Išoʿ bar Nun. Elles furent en revanche en partie réfutées dans l’Hexaemeron de Jacques d’Édesse (7e s.) et le Livre des trésors de Jacques bar Šakko. Le texte du Pseudo-Denys est conservé dans un manuscrit ancien (ms. BL Add. 7192 du 7e s.), dans deux manuscrits syro-occidentaux (ms. Paris BnF syr. 378 du 13e s. et Mingana syr. 71 du 17e s.) et deux manuscrits syro-orientaux (dont le ms. Paris BnF syr. 424-425, 20e s.).

Nous conservons également deux versions d’un traité mésopotamien ancien intitulé De la composition de la terre : une version longue attribuée à Rufin et une version courte attribuée à Bérose. La partie cosmographique du texte se lit aussi dans une version arabe qui attribue le texte à un certain Stomathalassa et l’intitule La doctrine et les 12 lois (voir en particulier les lois 11 et 12) : y sont présentées succinctement des théories sur la position et les mouvements du soleil et de la lune, ainsi que sur la cause des éclipses. Le traitéest adressé dans toutes les versions à un certain Théon. La source syriaque pourrait remonter au 6e s. AD selon l’éditeur. L’auteur y expose des théories cosmographiques très proches de celles du Pseudo-Denys (magasins des vents, éclipses provoquées par le vent supérieur etc.) ; il y ajoute cependant des prédictions liées aux éclipses ou à la forme des cornes de la lune en fonction des mois de l’année ; ces prédictions concernent les maladies, les fléaux naturels et météorologiques, l’agronomie et la politique. Ce texte nous est connu par l’intermédiaire de deux copies du 16e s. : l’une se trouve dans un manuscrit maronite (Vat. sir. 217), l’autre dans un manuscrit syro-orthodoxe provenant du patriarcat d’Antioche (Vat. sir. 555).

Le commentaire biblique de Basile de Césarée intitulé Hexaemeron, qui fut très tôt transmis en syriaque, eut un impact important sur l’exégèse syro-orientale, notamment sur les interprétations qui portent sur le récit du 1er et du 4e jour de la création. Une version syriaque de ce texte est conservée dans deux manuscrits anciens : BL Add. 17143 du 5e s. (Homélies 8 et 9) et le ms. Sinaï 9 (734 AD). Une partie importante du commentaire grec transmis en syriaque est consacrée à un certain nombre de théories physiques et astronomiques attribuées aux « Grecs » ou « philosophes de l’extérieur » et présentées comme contradictoires : dans la 1ère homélie, Basile prend position, contre Geminus, en faveur de la théorie qui situe la terre au centre de l’univers ; il rapporte également qu’une polémique importante eut lieu entre philosophes grecs sur la nature du ciel pour savoir si l’espace supra-céleste était composé de quatre éléments ou d’un seul nommé éther. Notons que son opinion personnelle sur le sujet n’est pas clairement exprimée. Dans la 3e homélie, il se moque ouvertement de la théorie, développée dans le Songe de Scipion, de la musique des sphères ; il affirme que le ciel n’a pas la forme d’une sphère, mais d’une voûte et que le firmament, qui permet de séparer les eaux inférieures des eaux supérieures, est composé d’une sorte de mica transparent. Dans la 4e homélie, il est question du vent qui, soufflant sur la mer, fait en sorte que cette dernière, en s’infiltrant à travers un système de veines souterraines, agisse à la manière d’une climatisation naturelle de la terre. Dans la 6e homélie, Basile considère que si certains signes astraux permettent aux hommes de prévoir des phénomènes météorologiques et sont utiles pour l’agriculteur, la navigation et le voyageur, en revanche l’art des « Chaldéens », ou astrologie, qui consiste à prévoir le destin d’un homme par l’interprétation de la position des astres, est inacceptable ; les astres ne sont dotés d’aucune volonté propre contrairement à ce que prétendent les « Chaldéens » ; le soleil est l’astre planétaire le plus éloigné de la terre et la lune l’astre le plus proche ; dans la 9e homélie il met de nouveau à distance différentes théories grecques sur la forme de la terre selon lesquelles cette dernière serait sphérique, cylindrique, concave, etc. ; il tourne en dérision le calcul des géomètres selon lesquels la terre serait une sphère de 180 000 stades de diamètre ainsi que la théorie des astronomes selon laquelle les éclipses lunaires seraient provoquées par l’ombre de la terre. Plusieurs théories astronomiques exposées dans ce commentaire connurent un certain succès parmi les exégètes syro-orientaux, en particulier l’idée que le ciel aurait la forme d’une voûte, que le soleil serait la planète la plus éloignée de la terre et la remise en cause de l’idée que les éclipses lunaires puissent être provoquées par l’ombre de la terre.

Le compilateur de la seconde partie du Livre de médecine, d’après l’édition de Budge, a inséré trois chapitres (54-56) sur la course du cercle du ciel qu’il prétend tirer du discours d’un certain Basile. Il ne faut pas le confondre avec Basile de Césarée. Si le vocabulaire astronomique employé montre certes que le discours est ancien, puisqu’il n’a subi l’influence ni de l’arabe, ni du grec, les théories exposées n’ont strictement rien à voir avec celles de l’Hexaemeron de Basile de Césarée. L’auteur y défend l’idée d’un univers de forme sphérique, d’une terre de forme ovoïde et prétend que Saturne (et non le soleil) tient la position la plus excentrée par rapport à l’ensemble des planètes. Enfin le soleil serait, selon cet auteur, 18 fois plus grand que la terre et la cause des éclipses lunaires est précisément celle rejetée par Basile de Césarée.

La tradition syro-occidentale (6e-16e s.)

- Astronomie

Les auteurs qui se rattachent à la tradition syro-occidentale ont pratiqué une astronomie mathématique : l’anonyme de la Somme astronomique, Sévère Sebokht, Jacques d’Édesse, Moïse bar Képha, Jacques bar Šakko et Barhebraeus,tous ont en commun de se référer à l’œuvre des astronomes alexandrins (Villey 2016) et de condamner sévèrement l’astrologie. Nous verrons cependant que deux d’entre eux (Jacques d’Édesse et Moïse bar Képha)sont en partie revenus sur certains acquis de l’approche mathématique du ciel pour revenir ponctuellement à une interprétation plus traditionnelle du récit de la création dans la Bible.

Parmi les ouvrages astronomiques alexandrins qui ont exercé une influence majeure sur cette tradition, on recense la Syntaxe mathématique de Claude Ptolémée, les Tables faciles du même auteur, le Petit commentaire aux tables faciles de Théon d’Alexandrie et aussi un Mémoire sur l’astrolabe vraisemblablement dû à Ammonius d’Alexandrie. Si ces ouvrages ont fait l’objet de discussion dans les traités syriaques les plus anciens, on conserve cependant peu de traces de leur mise en syriaque, uniquement un court chapitre du Petit commentaire de Théon inséré dans une lettre de Sévère Sebokht et une partie du Mémoire sur l’astrolabe (Villey 2014). Du fait de la pauvreté du matériel grec conservé en syriaque, la question se pose de savoir si les ouvrages alexandrins n’étaient pas plutôt directement consultés en grec. Il faut attendre Ibn al-Ṣalāḥ (m. 1154) au 12e siècle pour obtenir le premier témoignage évident de l’existence d’une traduction syriaque, au moins partielle, de l’Almageste réalisée à partir du texte grec (voir Kunitzsch 1977).

Les plus anciens écrits cosmographiques syro-occidentaux conservés sont des compositions originales. La plus ancienne connue à ce jour est une Somme astronomique, vraisemblablement rédigée dans le milieu intellectuel de Qennešre au début du 6e s. AD, dont on conserve trois fragments encore inédits (ms. Paris BnF syr. 346, copié à Mardin en 1309 AD) : le premier (section n°11) contient notamment une partie d’exposition assez générale sur les mouvements des astres et les phases de la lune ainsi qu’une longue partie sur les éclipses lunaires et solaires. On y trouve une réfutation de la théorie selon laquelle la tête et la queue d’un dragon céleste nommé Atalya seraient à l’origine des éclipses, théorie attribuée aux Chaldéens ; puis vient la véritable cause des éclipses selon Claude Ptolémée, qualifié de plus grand astronome de tous les temps. Le second fragment (section n°21), traite plus spécifiquement de la cause de l’éclipse de soleil,tandis que le troisième (section n°22) est dédié aux éclipses de lune : l’auteur y fournit la raison pour laquelle la lune s’obscurcit tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; le débat au sujet de la cause des éclipses lunaires revient et l’auteur utilise cette fois des syllogismes pour réfuter la théorie chaldéenne de l’Atalya ; deux schémas géométriques illustrent son propos ; la section s’achève avec un paragraphe sur le calcul de la position des nœuds lunaires et une invitation à procéder à ces calculs au moyen des livres de Claude Ptolémée (Villey 2014).

De la seconde moitié du 7e s., on conserve les œuvres astronomiques de Sévère Sebokht qui fut évêque et abbé dans le nord de la Syrie, au monastère de Qennešre. Sévère composa en syriaque un Traité sur l’astrolabe (avant 660), un Traité sur les constellations (660), une Lettre sur les nœuds ascendant et descendant (avant 662), ainsi que plusieurs chapitres inédits sur les climats et d’autres lettres relatives à des questions de calendrier. Tout témoigne, dans les travaux de Sévère Sebokht, d’une perception mathématisée de l’astronomie : de même que les savants alexandrins, il observait théoriquement le mouvement des astres en longitude et latitude par rapport à des cercles qui permettent un véritable quadrillage du ciel. Le temps est fixé en fonction de la position du soleil par rapport aux étoiles fixes, qui sont elles-mêmes comprises dans des surfaces géométriques qui, mises bout à bout, mappent la totalité de la sphère céleste. Son Traité sur les constellations n’est d’ailleurs rien d’autre qu’un immense effort de rationalisation des espaces céleste et terrestre : tout est minutieusement cartographié, quantifié, mesuré. Au chapitre 6, l’hémisphère nord est réparti en 19 figures, l’hémisphère sud en 15 figures et la zone médiane, dite « zodiaque » en 12 figures. Chacune de ces figures géométriques est désignée par convention, du nom de la constellation principale qui s’y trouve. Elle est aussi centrée autour d’une étoile particulièrement brillante. Cette cartographie correspond dans les grandes lignes à celle du Livre VII de l’Almageste. Il est ensuite question (chap. 7-11) du lever et des couchers des constellations en fonction du moment dans l’année, c’est-à-dire de la position du soleil sur le zodiaque ; (chap. 12) puis il définit les 10 cercles astronomiques dont la connaissance est nécessaire pour faire de l’astronomie : l’arctique, le tropique d’été, l’équateur, le tropique d’hiver, l’antarctique, le zodiaque, l’écliptique, l’axe diamétral de la sphère des fixes, le méridien et l’horizon ; le traité se poursuit avec un chapitre de géodésie (chap. 13) et plusieurs chapitres de pure géographie décrivant la répartition de la terre habitée en 7 climats (chap. 14-18). L’autorité des Tables faciles ainsi que celle de la Géographie de Claude Ptolémée sont souvent invoquées dans cet ouvrage ; en outre, dans les chapitres en lien avec la géographie, Sévère renvoie le plus souvent aux résultats qu’il a déjà présentés dans un Traité sur l’astrolabe.

Nous conservons ce Traité sur l’astrolabe, dont la première partie décrit les pièces constitutives de l’astrolabe, et la manière de les assembler, et la seconde présente un ensemble de 25 exercices pratiques pour apprendre à utiliser l’instrument. Également fondé sur une conception parfaitement sphérique et alexandrine de la terre et du cosmos, ce traité renvoie à l’œuvre d’un philosophe qui n’est jamais nommé. Selon une récente hypothèse, cet ouvrage pourrait résulter du remaniement en syriaque d’un Mémoire sur l’astrolabe d’Ammonius d’Alexandrie. La partie pour apprendre à se servir de l’astrolabe serait notamment directement traduite du grec (Villey 2015).

À la fin du 7e s., vraisemblablement formé à l’école de Qennešre, Jacques d’Édesse (m. 708 AD) composa un Hexaemeron. Le livre 4 de ce commentaire porte sur lerécit du 4e jour de la création (Gen. I, 14-19), celui de la création des astres : il est notamment l’occasion, pour Jacques, de s’opposer aux théories physiques et astronomiques véhiculées par Sergius de Rešʿayna. L’auteur insiste particulièrement sur le fait que les planètes et les étoiles, qui sont dépourvues de volonté propre, sont de nature corporelle et qu’elles sont composées d’éléments primordiaux (eau, terre, feu, air) ; puis il propose une réfutation en règle des thèses de l’astrologie où sont précisément visés les traités d’Hermès Trismégiste (et peut-être à travers eux, les œuvres de Sergius). Ce 4e livre témoigne d’un certain bagage astronomique de son auteur : parmi les théories astronomiques présentes dans son livre, on trouvera que la lune reçoit sa lumière du soleil, qu’elle est composée des quatre éléments, qu’elle a un diamètre de 4500 stades et que ses taches sont dues à des creux ou à des montagnes qui projettent de l’ombre ; ses phases sont dues à la visibilité de la face éclairée par le soleil ;la lune, ainsi que les planètes et les étoiles reçoivent leur lumière du soleil ; les étoiles, qui sont de formes sphériques, sont composées uniquement d’air ; selon leur grandeur on sait qu’elles sont plus ou moins proches de la terre ; contrairement au mouvement des étoiles fixes et du firmament, le mouvement des planètes va d’ouest en est et varie en latitude ; l’auteur regroupe d’un côté l’étude du mouvement des planètes Mars, Jupiter, Saturne et de l’autre celle de Mercure et Vénus qui sont toujours à proximité du soleil en latitude (dans un intervalle de 48° pour Vénus et 28° pour Mercure) ; la variation des jours et des nuits en fonction de la latitude, de la longitude et de la position du soleil sur le zodiaque (entre le bélier et la balance) permet à Jacques d’Édesse d’introduire la notion de climats : comme dans la Géographie de Claude Ptolémée, il distingue 7 climats ; puisque 180° de longitude séparent la Chine de l’Espagne, le lever du soleil s’y tiendra avec 12 heures de différence, car le soleil se déplace de 15° par heure ; à la fin du chapitre il revient sur le sujet de la lune pour expliquer la raison pour laquelle une seule face est visible depuis la terre ; le propos s’achève sur une comparaison du monde avec le candélabre que Moïse déposa dans le temple, en direction du sud. Il est bien évident que Jacques d’Edesse a reçu une formation mathématique et qu’il a appris l’astronomie selon la tradition alexandrine dans une version légèrement christianisée (astres inanimés et cosmos composé des 4 éléments). Notre observation recoupe en ce sens l’étude menée par O. Defaux sur l’héritage géographique alexandrin de Jacques d’Édesse. Cependant il faut aussi remarquer que plusieurs de ses interprétations contredisent l’approche mathématique véhiculée par ses prédécesseurs à Qennešre (Sévère Sebokht et l’auteur de la Somme astronomique), notamment l’idée que la distance des planètes à la terre est proportionnelle à leur durée de révolution et que, de ce fait, le soleil circule dans le cosmos quelque part entre Mars et Vénus. Son hostilité à cette théorie est d’autant plus étonnante que Jacques transmet par ailleurs plusieurs éléments d’observation qui ont précisément poussé les astronomes alexandrins à placer le soleil entre les planètes supérieures (Mars-Jupiter-Saturne) et les planètes inférieures (Mercure-Vénus) : à savoir la proximité en longitude de Mercure et de Vénus par rapport au soleil (Hexaemeron, Livre 4, p. 144) et bien entendu les temps de révolution fournis pour les planètes qui sont de 30 ans pour Saturne, 12 ans pour Jupiter, 1 an et demi pour Mars, 1 an pour le soleil, Vénus et Mercure. Mais étonnamment, Jacques revient à une interprétation assez commune dans le monde syriaque, qui correspond aussi à une ancienne opinion atomiste défendue notamment par Leucippe, consistant à situer le soleil à la place la plus éloignée de la terre, au plus près de la sphère des fixes (Hexaemeron, Livre 4, p. 137-138). Jacques justifie cette position éloignée du soleil par la « nature excellente » de cet astre. On signalera aussi qu’il tourne en dérision la théorie selon laquelle le soleil serait d’un diamètre 27 fois ou 22 fois plus important que celui de la terre (Hexaemeron, Livre 4, p. 130) à laquelle il oppose l’avis « des plus savants et intelligents savants de notre bord » qui s’interrogent pour savoir si le soleil est réellement plus grand que la terre (sic).

En réalité, nous n’avons pas encore retrouvé de sources syriaques susceptibles d’attester une véritable continuité de l’enseignement astronomique après Sévère Sebokht à Qennešre. On ne peut pour l’instant que constater que Jacques d’Édesse s’écarte de la démarche mathématisante initiée par son 708) et qu’il est suivi en cela par une autre figure de la même tradition, à savoir Moïse bar Kepha (c. 813-903). Ce théologien miaphysite, qui fut aussi évêque de Mossoul à partir de 863 AD, n’a pas pu être instruit dans le monastère de Qennešre qui a fait l’objet d’une destruction par le feu en 810 AD (Michel le Syrien, Chronique, Livre 12, chap. 6, p. 23), mais il s’est cependant largement inspiré du commentaire de Jacques d’Édesse pour rédiger son propre commentaire au récit des six premiers jours de la Genèse. Au livre 3 (Partie I, chap. 1-21) de son Hexaemeron, il ne reconnait pas davantage que Jacques d’Édesse les résultats de l’astronomie mathématique et reprend l’idée qu’il attribue « aux savants de chez nous », selon laquelle le soleil serait l’astre supérieur le plus éloigné de la terre et la lune le plus bas ; il s’oppose également à l’opinion des « savants étrangers », selon laquellele temps de révolution des planètes est proportionnel à la distance par rapport à la terre. Il est assez surprenant de voir Moïse bar Kepha s’entêter à défendre ce genre de théorieà une époque d’intense activité astronomique, initiée par le calife al-Ma’mûn (813-833), pratiquée par les savants chrétiens et musulmans arabes. Au lieu d’enrichir son commentaire des réflexions menées à Bayt al-Hikma (Bagdad), ou dans les observatoires de Shammâsîya et de Damas, Moïse bar Kepha partage les théories cosmographiques archaïques qui circulent dans les écoles syro-orientales de la région de Mossoul aux 9e et 10e s.Toutefois, le théologien reste fidèle à la tradition de Qennešre sur certains points qu’il reprend de Jacques d’Édesse : pour prouver que le soleil se déplace régulièrement d’ouest en est, il explique que les Pléiades, Orion et l’étoile Aldébaran sont périodiquement invisibles du fait de leur proximité avec le soleil ; après une longue exposition démontrant que la lune et les autres astres tirent leur lumière du soleil (chap. 7-11), il fournit quelques arguments qui vont à l’encontre de l’idée que les astres seraient occultés par les montagnes du nord ; les planètes et la lune suivent des mouvements qui varient en longitude et en latitude par rapport à la course du soleil ; la répartition des terres habitées en climats est présentée dans des termes similaires à ceux de Jacques d’Édesse et les derniers chapitres visent à réfuter les thèses astrologiques.

On a supposé qu’entre le 9e et le 12e s., la science astronomique s’était plutôt pratiquée en langue arabe (Hugonnard-Roche 2014). Le cas de Ṯābit ibn Qurra (826 ?-901) viendrait parfaitement illustrer ce phénomène lui qui, bien que chrétien de langue maternelle syriaque, ne s’est jamais illustré dans le domaine astronomique autrement qu’en langue arabe.

Au 13e s. on voit cependant réapparaitre, au sein de la tradition syro-occidentale, des érudits soucieux de transmettre en syriaque l’œuvre astronomique de leurs prédécesseurs tout en s’ouvrant aux discussions astronomiques arabes de leur temps. Dans la 4e partie de son Livre des dialogues, Jacques bar Šakko définit l’astronomie comme la science des mouvements des étoiles, de la forme du ciel et des cercles immatériels ; le ciel est comparé à une sphère dont le centre est la terre ; s’ensuit une définition des six cercles astronomiques (l’équateur, le méridien, l’horizon, le cercle perpendiculaire à l’horizon, le cercle des anaphora et l’écliptique) ; la ville de Bagdad sert d’exemple pour définir les concepts de longitude et de latitude ; les anaphora sont définies comme « la portion de l’arc du cercle des anaphores située entre le cercle de l’horizon et un point voulu dont l’anaphore est nommée ». Il est ensuite question des azimuths et de la « hauteur du jour ». Bien que l’auteur ne se réfère explicitement qu’au « Livre des sphères » de Claude Ptolémée, l’éditeur moderne a montré qu’il puisait davantage ces notions élémentaires d’astronomie au Mafātīḥ al-ʿulūm (Les clés des sciences) composés vers 977 AD par Muḥammad ibn Aḥmad al-Ḫwārizmī. Toutefois le vocabulaire technique employé reste syriaque. Le même Jacques bar Šakko traite également de cosmographie dans le Livre des trésors (4e partie, chap. 5 à 11). Après avoir redéfini la nature et le lieu des quatre éléments, l’encyclopédiste syriaque propose une définition du concept de firmament ; il cite Aristote, Éphrem le syrien, Théodore de Mopsueste, Jacques d’Édesse ainsi que certains passages de la Bible attribués à Isaïe et à Moïse. Trois zones aériennes sont ensuite distinguées : la zone inférieure (ou ciel), la zone moyenne (mélangée) et celle « que les grecs appellent Éther » ; puis à l’occasion d’un exposé sur la nature des astres, Jacques traite des taches de la lune ; au chapitre 9 consacré au « mouvement des astres, de leur distance et de leur position », il opère une classification des distances des planètes basée sur la durée de leur révolution ; l’auteur s’oppose ensuite à la théorie (véhiculée dans le Pseudo-Denys l’Aréopagite) selon laquelle les éclipses de lune et de soleil seraient provoquées par des vents violents ; enfin, au chapitre 11, il s’oppose encore à la théorie de la montagne du nord derrière laquelle se dissimuleraient les constellations les plus basses durant la nuit.

Quelques 50 ans plus tard, Barhebraeus (1225-1286) est un autre exemple de savant miaphysite qui s’est frotté à la science arabe, notamment à celle pratiquée au célèbre observatoire de Maraga. Deux de ses encyclopédies traitent de sujets cosmographiques : La crème de la Sagesse (section De caelo) et le Candélabre des sanctuaires (2e base), où il commente la création de l’univers au 4e jour. Les données astronomiques y sont précises et on y trouve notamment un catalogue d’étoiles différent de celui exposé dans son cours d’astronomie (Takahashi 2014). Son manuel d’astronomie intitulé Livre de l’ascension de l’esprit sur la forme du ciel et de la terre résulte d’un cours que le maphrien aurait professé « dans le nouveau monastère » de la capitale mongole (Maraga) entre 1272 et 1279 (Barhebraeus, Chronique ecclésiastique, II, col. 444). La version écrite conservée est un résumé de l’Almageste écrit de façon littéraire, sans les calculs. L’ouvrage comporte deux parties : l’une est cosmographique et contient une liste d’étoiles, l’autre porte sur des sujets de géodésie. L’Almageste (dans sa traduction arabe) n’est pas l’unique source de ce cours d’astronomie : la Taḏkira fī ʿilm hayʾa (Mémoire sur la science astronomique) ainsi que la Zubdat al-idrāk fī hayʾat al-aflāk de Naṣīr al-Dīn al-Ṭūsī, célèbre directeur en chef de l’observatoire astronomique de Maraga, ont également largement inspiré le professeur syriaque, indiquant que Barhebraeus profitait d’une ambiance intellectuelle stimulante à Maraga, qui favorisait la diffusion rapide des nouvelles théories et observations (Takahashi 2014) ; le Traité sur les constellations de Sévère Sebokht, le Petit Commentaire aux tables faciles de Théon d’Alexandrie et le Kitāb al-shifāʾ d’Ibn Sīnā font également partie des sources identifiées de ce cours d’astronomie et d’un autre ouvrage intitulé Crème de la sagesse (Takahashi 2011, p. 487-488). Barhebraeus aurait également composé un « grand livre des Tables astronomiques (zig) » à l’usage des débutants, aujourd’hui perdu (Takahashi 2011, p. 486).

(Globe céleste de Maraga datant de 1279 AD, aujourd'hui conservé au musée du Zwinger à Dresde dans le Mathematisch-Physikalischen Salon)

(Globe céleste de Maraga datant de 1279 AD, aujourd’hui conservé au musée du Zwinger à Dresde dans le Mathematisch-Physikalischen Salon)

Géographie

Un lien mathématique étroit associe les théories astronomiques aux théories géographiques, et donc vraisemblablement leur enseignement, dans cette tradition syro-occidentale. La vision mathématisée de l’espace terrestre est particulièrement évidente dans les derniers chapitres du Traité sur les constellations de Sévère Sebokht : l’un d’eux est un chapitre de géodésie (chap. 13) relatif à la répartition de la terre sphérique en 5 zones parallèles délimitées par les cercles arctique, tropique d’été, équateur, tropique d’hiver et antarctique ; les chapitres proprement géographiques (chap. 14-18) décrivent une terre habitée répartie en 7 climats (zones parallèles superposées en latitude) allant de Méroé (16°27’ nord de l’équateur) au Borysthène (48°32’) en passant par Syène (23°51’), Alexandrie (30°22’), Rhodes (36°), l’Hellespont (40°56’) et le Pont-Euxin (45°30’) ; Sévère Sebokht y explique également le rapport entre la longueur du jour, la latitude terrestre et les levers des astres (anaphora) ; quant aux mesures du ciel et de la terre, l’évêque de Qennešre reprend les chiffres d’Ératosthène contre Ptolémée : la terre mesure 252000 stades de circonférence, ce qui fait des demi-cercles de 126000 stades. Le rayon de la terre est de 5600 milles ou 42000 stades. Quant à la terre habitée, elle est d’environ 100000 stades de longitude.

La répartition de la terre habitée en 7 climats connut un large succès chez les auteurs syro-occidentaux, notamment chez Jacques d’Édesse (cf. Hexaemeron, livre 3 : Méroé, Syène, Alexandrie, Rhodes-Antioche, Hellespont-Rome, le Pont, Borysthène et Thulé), dans le Cours d’astronomie de Barhebraeus, mais aussi dans 4 cartes syriaques conservées dans des manuscrits du 15e s. : tous recourent à ce paradigme ptoléméen, dans lequel il est possible de situer, même approximativement, les coordonnées d’une ville ou d’estimer les distances prouvent que la géographie mathématique d’inspiration alexandrine a suscité un vif intérêt dans le monde syro-occidental. Une excellente synthèse sur les sources syriaques a été récemment publiée par Olivier Defaux (2014).

Il est intéressant de noter que les géographes syriaques les plus illustres n’ont pas hésité à utiliser d’autres sources scientifiques que Ptolémée et à entrer parfois en contradiction avec les résultats de l’Alexandrin : ainsi Sévère Sebokht utilisant les chiffres d’Eratosthène pour la circonférence de la terre ; ou Barhebraeus recourant au système des coordonnées géographiques des cartographes arabes dans sonCours d’astronomie, qui présenteune description des limites de la terre habitée semblable à celle d’al-Biruni ou encore une théorie des climats largement influencée par Al-Tadhkirah fi ʿilm al-hayʾah  de son contemporain et savant voisin à Maraga, Naṣīr  al-Dīn al-Ṭūsī (Defaux 2014).

Calendriers

Enfin, il convient de noter que c’est aussi dans cette même tradition ecclésiastique syriaque qu’apparaissent les premières tentatives d’établissement du cycle liturgique chrétien suivant un calendrier solaire. Les indices les plus anciens de l’adoption d’un calendrier solaire dans un contexte liturgique syro-orthodoxe ne remontent pour l’instant pas au-delà du 7e siècle : il s’agit d’un ménologe miaphysite produit à Qennešre dans lequel figurent les célébrations des saints Himyarites et Jacques pour les 31 décembre et le 31 juillet (voir Nau 1915, p. 31 et 34). En réalité, la question de savoir à quel moment et de quelle manière les communautés syriaques passèrent d’un calendrier luni-solaire, voire lunaire, à un calendrier solaire, est loin d’être résolue. En étudiant les Actes des martyrs persans, Sacha Stern a notamment montré qu’au moins sur le territoire perse, des syriaques utilisaient encore aux 4e-5e siècles AD des calendriers lunaires locaux (Stern 2004) ; le problème aurait moins touché les communautés installées sur le territoire romain où l’adoption du calendrier solaire dit « julien » se serait généralisée dès la fin duIer siècle (Stern 2004). Cependant on pourrait verser une nouvelle pièce au dossier : on conserve, dans un manuscrit syro-occidental, un texte astronomique du 6e s. (Somme astronomique) dans lequel l’auteur détermine les distances parcourues par les nœuds lunaires non pas selon des laps de temps d’un calendrier solaire, mais d’un calendrier lunaire !Depuis le 6e siècle et les réformes entreprises sous Justinien, l’enjeu de l’établissement en toute indépendance d’un calendrier liturgique propre était devenu primordial, du moins pour la partie non-chalcédonienne de l’église syriaque afin de pouvoir commémorer de concert avec toutes les communautés syro-orthodoxes dispersées en Orient les évènements marquants de la vie du Christ au même moment de l’année ; il convenait de plus, afin d’établir la chronologie de l’histoire des peuples, de s’accorder sur l’un des nombreux computs des années du monde qui circulaient à cette époque. À ces questions ont tenté de répondre les savants syriaques proches de l’école de Qennešre : Sévère Sebokht rédigea notamment une lettre dans laquelle il explique la méthode de calcul pour fixer la date de Pâques ainsi qu’une Lettre sur la date de naissance du Christ ; Jacques d’Édesseaurait rédigé un Traité sur les calendriers (Witakowski 2008, p. 30-36) ; on conserve également deux lettres de Georges des Arabes (c. 660-724 AD) adressées à Jean de Litarba sur des questions de chronologie (cf. Ryssel 1893).

Dans son Cours d’astronomie (section 2, chap. 5), Barhebraeus traite de la détermination des jours, des semaines, des mois, des années, des cycles et de la manière d’établir une chronologie. Ce livre eut un écho considérable, puisque encore au 16e s. le patriarche syro-orthodoxe Niʿmatullah, qui participa à la réforme grégorienne du calendrier, l’érigeait en exemple (voir plus bas).

Le Livre de médecine (section II, chap. 14-19) édité par Budge contient également 5 chapitres dédiés à des questions de calendrier qui visent à déterminer le moment de la nouvelle lune (jour, heure) dans les calendriers syriaques et arabes. Il s’agit de méthodes de calcul très approximatives qui, comme on peut s’en rendre compte au chap. 14, sont adaptées pour un observateur vivant après 1457 AD.

Du patriarche Niʿmatullah, maronite de son état, on conserve enfin un intéressant commentaire en garshuni de la réforme du calendrier datant de 1580. Il aurait envoyé ce texte en guise de réponse à l’appel du Pape Grégoire XIII (Baldini 1992). Il y manifeste quelques désaccords dans les calculs opérés à l’occasion de cette réforme et invoque plusieurs tables astronomiques réalisées en monde arabo-musulman : al-Zīj al-Mumtaḥan de l’époque d’Al-Maʾmun (9e s.), al-Zīj al-Ilkhānī conçus par Naṣīr al-Dīn al-Ṭūsī (13e s.) à l’observatoire de Maraga ; il mentionne également Abu-l-Wafa al-Buzjani (940-998 AD) astronome de Bagdad et Ulug Beg (15e s.) qui fonda le célèbre observatoire de Samarcande. De la même époque que Niʿmatullah, on conserve également un calendrier liturgique (ms. Paris BnF syr. 277), dit « calendrier selon le système d’Eusèbe de Césarée », calculé sur la base du cycle astronomique de 532 ans pour fixer notamment la date de Pâques. Il s’agit peut-être du même « chronōn kanōn », également basé sur le cycle de 532 ans, que celui attribué au patriarche Niʿmatullah placé en annexe de deux manuscrits syriaques, conservés à Berlin et à Yale, contenant le Candélabre des sanctuaires de Barhebraeus (voir Takahashi 2011, p. 489).

La tradition syro-orientale

Nous distinguerons deux branches au sein de la tradition savante syro-orientale dite aussi « nestorienne » : celle qui se rattache aux enseignements de Nisibe et celle de Bagdad. La première, qui est de loin la plus représentée dans nos sources, se caractérise par son rejet pur et simple de l’astronomie mathématique. Nous disposons, pour la sonder, de quatre ouvrages produits entre le début du 8e s. et la fin du 9e s. : le Commentaire à la Genèse du manuscrit Diyarbakir 22 (du début du 8e s., selon les éditeurs), composé dans la région de Séleucie ; le Livre des scolies que Théodore bar Koni (rédigé avant 792 AD) composa vraisemblablement à Kashkar ; le Commentaire à la Genèse d’Išoʿdad de Merv (9e s.) et enfin un traité cosmographique attribué au moine Išoʿ bar Nun (9e s.) transmis dans une compilation plus tardive du 13e s.Tous ces ouvragesfont état d’une cosmographie assez homogène : le mouvement des astres et les éclipses sont provoqués par des anges, l’obscurcissement du soleil durant la nuit est dû soit à une intervention angélique, soit à sa dissimulation derrière la montagne du Nord (les auteurs se montrent incapables de trancher la question et font remonter le doute à une discussion interne à l’école de Nisibe), le soleil tient la position la plus extérieure par rapport à l’ensemble de 7 planètes et la lune la position la plus basse, le cosmos se constitue non pas de quatre éléments mais de 7 natures premières (Ciel, terre, feu, eaux, air, anges, ténèbres), la lune est productrice de sa propre lumière, et ses phases sont également dues à un ange, le ciel a la forme d’une voûte et la terre d’un disque. Ces théories s’accompagnent systématiquement d’une invitation à en découdre avec les « Chaldéens », expression qui désigne sans distinction les astrologues et les astronomes, qui partagent une vision mathématique de l’espace céleste. Cette conception de l’univers est assez proche, dans ses grandes lignes, de celledu Pseudo-Denys l’Aréopagite ; elle est, de manière plus générale, d’une grande fidélité à la tradition de l’école de Nisibe, dont elle se plait à citer les docteurs (Narsaï, Yoḥannan d-Bet Rabban, le catholicos Mar Aba, Ḥenana, Babaï, Rabban Gabriel) ; les auteurs invoquent également souvent l’autorité de Basile de Césarée et de Théodore de Mopsueste, dit « le grand Interprète », dont on sait qu’ils ont été abondamment traduits et commentés dans cette même école de Haute Mésopotamie ; malheureusement nous ne conservons pas directement les ouvrages des docteurs de Nisibe. Cependant, par le truchement de Cosmas Indicopleustes (6e s.), commerçant grec alexandrin, qui dit explicitement tirer son savoir cosmographique de l’école de Nisibe dans sa Topographie chrétienne, et vu la correspondance effectivement fine entre les théories qu’il soutient et celles reprises par les auteurs syro-orientaux, la dépendance de nos exégètes à la tradition de l’école de Nisibe, dite aussi « École des Perses », parait confirmée.

Remarquons que le Traité des astres du moine Išoʿ bar Nun (9e s.) est le seul traité cosmographique nestorien dont nous conservions un bref résumé inséré dans une vaste compilation théologique du 13e s. (Nau [2014], p. 165). On sait d’Išoʿ bar Nun qu’il fut brièvement patriarche des nestoriens de 823 à 827 et qu’il avait auparavant mené une vie monacale au couvent du mont Izla puis qu’il séjourna au monastère Mar-Elias à Mossoul. La partie de la compilation reprise de ses œuvres traite notamment de la mesure de la terre habitée (8000 x 7000 parasanges), des distances de la terre aux sphères célestes (150 parasanges du ciel supérieur ; 50 à 100 des astres) ; de la circonférence du soleil (60 coudées), de la lune (45 coudées) et des étoiles qui sont toutes de la même grosseur (10 coudées) mais qui se différencient par l’intensité de leur lumière ; de la cause de la pluie ; de la grosseur du soleil, de la lune et des étoiles ; des étoiles filantes ; de la pluie, du tonnerre. Il présente, comme les autres auteurs syro-orientaux, une répartition archaïque du ciel sur trois niveaux, et insiste sur le fait que les éclipses lunaires sont, non pas provoquées par un dragon céleste (Atalya) « comme le croient les hommes », mais par un ange.

Le seul représentant connu de la tradition de Bagdad exposant des théories cosmographiques est Job d’Édesse (m. 835). Le 5e discours de son Livre des trésors aborde des questions de météorologie (chap. 1-10) et de cosmographie (chap. 11-22). Job entame le propos cosmographique en réfutant, à l’aide d’arguments logiques, la théorie développée dans le De Caelo d’Aristote d’un monde supra-lunaire éternel constitué d’un 5e élément ; il compare l’idée aristotélicienne du 5e élément à celle qui circule chez les Indiens et qui consiste à croire que le vent céleste est composé d’un élément qui est différent des quatre connus ; bien au contraire les astres seraient composés des mêmes éléments que ceux présents sur la terre ; les étoiles n’ont pas un mouvement circulaire parfait comme le pense Aristote, puisqu’elles effectuent des mouvements antagonistes ; selon lui les planètes ne sont pas pourvues d’une âme rationnelle ni du libre-arbitre, ce qui lui permet de réfuter les thèses astrologiques ; le monde terrestre est venu à l’existence à partir de principes antagonistes par le mouvement rectiligne, tandis que le monde supérieur résulte d’un équilibre des éléments obtenu par des mouvements circulaires ; les planètes ont sept mouvements dont six sont antagonistes ; Saturne, Mars et Jupiter sont au-dessus du soleil, tandis que la lune, Mercure et Vénus sont au-dessous ; le soleil tient une position médiane parmi les planètes qui sont éloignées de lui proportionnellement à l’antagonisme qu’elles entretiennent avec lui (« le soleil est au milieu du mouvement circulaire ») ; Dieu a placé le soleil au milieu des luminaires pour ne pas brûler la terre ; l’auteur rappelle également que les anciens se sont interrogés pour savoir si le soleil circulait sous la terre ou sur la terre en disparaissant la nuit derrière les montagnes du nord et prend parti en faveur de la première opinion ; la lune est le seul astre à resplendir de la lumière du soleil ; le propos s’achève sur une nouvelle réfutation des thèses astrologiques ; il est à noter que le propos est fréquemment ponctué de diagrammes illustratifs dans l’unique copie manuscrite syriaque conservée de ce texte.La singularité de ce positionnement théorique au sein de la tradition intellectuelle de l’Eglise orientales’explique vraisemblablementpar le fait que l’auteur s’est imprégné d’une ambiance intellectuelle particulièrement dynamique et stimulante à Bagdad. Remarquons cependant que son ouvrage ne nous est jusqu’à présent parvenu que dans un unique manuscrit syro-orthodoxe (Mingana syr. 559 du 13e s.).

Enfin, pour compléter ce panorama des traités syro-orientaux, il faut peut-être insérer ici quelques mots à propos du Causa causarum et du Livre de médecine. Le Causa causarum est un traité général de cosmographie sacrée, de philosophie, de physique, dont on ignore la date de rédaction (peut-être rédigé entre le 10eet le 12e s.), le nom de son auteur, ainsi que son contexte de production. Il est conservé dans 4 manuscrits syro-occidentaux, mais selon l’éditeur, le ms. mossouliote Sachau 180 serait une copie d’un ancien modèle nestorien. Il n’est pas impossible qu’il faille rattacher cet ouvrage, et les théories qu’il contient, à l’école syro-orientale de Bagdad dont Job d’Édesse est pour l’instant le seul représentant en ce qui concerne l’astronomie. Le 5e livre de ce traité est consacré (chap. 1-7) à des sujets cosmographiques : au moment de traiter de théories sur la lumière et des éléments, l’auteur reprend certaines idées déjà exposées dans le Timée de Platon (notamment l’idée que l’écliptique a pu être considéré comme un 5e élément) ; il traite ensuite des différentes sphères primordiales qui impulsent les mouvements célestes, de la division de l’écliptique en douze signes, des manières de subdiviser les signes, des nœuds « des écliptiques » qui doivent être entendus par la raison et non comme des points à voir dans le ciel ; au moment de présenter la répartition de l’univers en dix sphères concentriques, dont les 7 premières sont occupées par les planètes, il explique que les sphères 8, 9 et 10 sont occupées par des étoiles associées respectivement aux chérubins, séraphins et au zodiaque ; le propos porte ensuite sur les limites de l’univers ; après avoir mentionné Ionithon comme l’inventeur chaldéen de l’astronomie, l’auteur du Causa causarum se lance dans une longue réfutation de l’astrologie qui comprend toutefois une justification de la pratique de la médecine astrologique au travers d’un exposé sur la nature des planètes (humide/sec, froid/chaud), leurs influences mutuelles en fonction des aspects formés, leur mouvement, leurs durées de révolution et le mouvement des étoiles fixes (celles du 8e, du 9e et du 10e cercles) qui rétrogradent de 1° tous les 70 ans (pour les étoiles du cercle 8) ou tous les 100 ans (pour les étoiles des cercles 9 et 10) ; l’auteur revient enfin sur le combat des religions contre l’astrologie, sur l’utilité et le lieu des étoiles, sur les signes zodiacaux associés aux planètes, sur la partie de chaque signe lié à une planète, sur la nature élémentaire des étoiles et leur influence sur les différentes parties du corps humain, sur la cause des éclipses de lune et de soleil. Les théories exposées démontrent, d’après l’éditeur Kayser, une influence diffuse de modèles arabes.

Quant au Livre de médecine, il s’agit d’une compilation syriaque anonyme de textes d’origine et d’époques très variées, contenant dans la seconde section éditée par Budge quelques chapitres astronomiques clairement influencés par la terminologie et les méthodes des savants arabes : au chap. 57, il est notamment question de méthodes de calcul pour prévoir des éclipses de lune avec des exercices d’application proposés pour un lecteur du début du 18e s. L’ensemble disparate de textes qui constituent la seconde partie de cette gigantesque compilation est uniquement transmis, à notre connaissance, dans des manuscrits nestoriens tardifs. Les textes qu’il regroupe sont vraisemblablement issus de traditions différentes (grecque alexandrine, syro-occidentale, syro-orientale de Bagdad, perse, arabe). Il y a cependant peu de chances qu’on fasse remonter ces textes à un auteur syro-oriental de la tradition de l’école de Nisibe.

Les textes iatromathématiques et le rejet de l’astrologie

On conserve en syriaque plusieurs textes astrologiques : deux traités de Sergius de Rešʿayna, des chapitres insérés dans deux encyclopédies ou compilations encyclopédiques restées anonymes (Livre de médecine, Causa causarum) et une traduction anonyme de la Tétrabible de Claude Ptolémée. Il est à noter qu’à l’exception de Sergius de Rešʿayna, dont les thèses ont été, comme nous l’avons vu, sévèrement condamnées par ses successeurs, tous les chrétiens syriaques qui se sont risqués à transmettre par écrit des théories astrologiques ont pris la précaution de rester dans l’anonymat. En raison de sa négation du libre arbitre, l’astrologiea très tôt fait l’objet de condamnations dans le monde syriaque : sous la plume d’un auteur anonyme du 5e s. AD, l’apôtre évangélisateur d’Édesse Addaï recommandait à ses disciples de fuir « les horoscopes dont se vantent les Chaldéens égarés, les étoiles et les signes du zodiaques auxquels se fient les insensés » (Doctrina Addaï, p. 97) ; l’auteur de la Doctrine des douze apôtres défendait quant à lui d’être « mathématicien », c’est-à-dire astrologue, et Éphrem le Syrien attaqua violemment Bardesane et ses disciples en qui il voyait des chantres de l’astrologie (Nau 1899). Le Pseudo-Denys l’Aréopagite, Jacques d’Édesse, Job d’Édesse, Moïse bar Képha, Élie de Nisibe, l’auteur du Causa causarum, tous réfutèrent l’idée que les astres seraient des êtres rationnels, dotés du libre arbitre et capables de régir le destin des hommes. On attribue également au catholicos syro-oriental Timothée Ier (ca. 728-823) un Livre des astres (Ktaba d-kawkbe), aujourd’hui perdu, qui aurait peut-être consisté en une critique de l’astrologie (Hugonnard-Roche 2005, p. 423 ; contre l’avis de Berti 2009, p. 279-280). Bardesane lui-même, que l’on qualifie le plus souvent d’astrologue en référence à sa jeunesse païenne durant laquelle il se forma à la science astrale, avait avancé, une fois converti au christianisme, de nombreux arguments lisibles dans le Livre des lois des pays, pour prouver que les astres n’avaient aucune action déterminante sur le destin des hommes.

Au milieu du 7e s., la réfutation des thèses astrologiques par Sévère Sebokht eut ceci d’original qu’elle ne se fondait pas sur le dogme chrétien, mais sur une approche purement rationnelle et mathématique : en effet, ce n’est pas la Bible qu’il invoquait pour s’opposer à la vision mythographique du ciel des astrologues, mais bien l’autorité des géomètres (Cf. Traité sur les constellations, chap. 1-5 et en particulier le chap. 3, p. 354 [210]).

Malgré ces manifestations de rejet, on imagine aisément qu’un art aussi populaire que celui de l’astrologie ait tenté certains lettrés de consigner par écrit quelques techniques de prédiction par les astres. Mais après l’expérience malheureuse de Sergius, chacun se garda bien de placer sous son nom des écrits astrologiques ou une défense de l’astrologie. À notre connaissance, Théophile d’Édesse (m. 775) est le seul auteur syriaque à avoir assumé en son nom une défense chrétienne de l’astrologie dans la préface de ses Apotelesmatika (Pingree 2001, p. 13). Ce n’est cependant pas en syriaque, mais en grec qu’il composa cette œuvre à la fin de sa vie, alors qu’il était astrologue à la cour du calife al-Mahdi après avoir été le conseiller du dernier calife omeyyade Marwan II au moment où il siégeait à Ḥarran. Dans ce traité, ainsi que dans trois autres conservés en grec, il traite d’astrologie militaire (développement indo-iranien de l’astrologie qui se développe près du bassin méditerranéen à partir du 6e s. AD avec Julien de Laodicée). On notera cependant qu’aucun des auteurs postérieurs recensés citant les œuvres de Théophile n’écrivait en syriaque (voir Pingree 2001, p. 15). Ainsi, non seulement les œuvres astrologiques de Théophile ne furent pas rédigées en syriaque, mais aussi est-il important de noter qu’aucune d’elles n’eut visiblement de succès dans les milieux chrétiens syriaques.

Quand on fait ensuite l’inventaire des textes astrologiques conservés, anonymement, en syriaque, on s’aperçoit d’un certain tropisme pour une branche bien particulière de l’astrologie : l’iatromathématique. L’iatromathématique n’est autre que l’astrologie appliquée à la médecine. La tentative de conciliation du dogme chrétien avec cette branche de l’astrologie remonte à loin puisque Bardesane prétendait déjà qu’on pouvait à la fois refuser aux planètes toute influence sur la liberté des hommes, etaccepter qu’elles en aient sur le corps. Ainsi le corps dépendait des planètes pour la vie et la mort, la fortune et l’infortune, la santé et les maladies (Livre des lois des Pays, § 27), mais l’homme était libre et pouvait faire le bien et éviter le mal, son âme était immortelle et destinée à être récompensée ou punie selon ses œuvres (§ 18, 24, 32, 33 ; voir aussi Nau 1899 b, p. 17). L’auteur de l’encyclopédie connue sous le titre de Causa Causarum nous éclaire davantage sur le raisonnement théorique qui permet de rendre l’iatromathématique tolérable : les astres, constitués des quatre éléments, ne sauraient certes avoir une quelconque influence sur l’âme humaine qui est d’essence divine, mais les rayons des astres, eux, qui émettent de la matière à partir des quatre éléments dont ils sont constitués, exercent une influence sur les corps constitués eux aussi des quatre éléments. C’est également dans cette veine iatromathématique qu’il faut placer la rédaction de petits textes astrologiques conservés en syriaque sous le titre de Pseudo-clémentines (dont plusieurs passages seraient inspirés du Livre des Lois des Pays de Bardesane) (Cf. Mingana 1917), les chap. 37-43 de la seconde partie du Livre de médecine, ainsi que la Lettre sur l’action de la lune de Sergius de Rešʿayna. Destinée au chrétien Théodore, la Lettre sur l’action de la lune expose la théorie astrologique à laquelle Galien recourt dans le 3e discours de son traité médical De diebus decretoriis pour poser un pronostic médical. Il convenait, selon ce traité, de tenir compte de la position de la lune, du soleil et des planètes sur le zodiaque ainsi que des aspects (en carré, triangle, diamétral ou sextile) qu’ils formaient entre eux à partir du jour où le malade était alité, pour établir des jours « propices » ou « néfastes » afin de déterminer un traitement adéquat.

À notre connaissance, ce sont en réalité seulement deux textes conservés en syriaque, toujours anonymes, qui traitent d’astrologie généthlialogique, ou astrologie individuelle, à la manière alexandrine : la section II du Livre de médecine (conservé dans plusieurs manuscrits nestoriens tardifs) et évidemment la traduction de la Tétrabible de Claude Ptolémée. Les chap. 62-72 et 78-83 de la seconde section du Livre de médecine exposent la manière d’établir des horoscopes et font explicitement référence à l’œuvre d’Hermès Trismégiste. Précisons que l’ensemble de la section II du Livre de médecine se compose de chapitres de dates et de contenus très divers ; et en l’occurrence, il est intéressant de noter que les chapitres 78-83 se caractérisent par un vocabulaire syriaque archaïque qui témoigne assurément d’une mise par écrit du texte antérieure à l’arabisation du Proche-Orient (9e s.), mais aussi à l’hellénisation intensive du vocabulaire astronomique syriaque (6e-7e s.). Quant à la traduction de la Tétrabible, elle apparait de manière assez inattendue au tout début d’une compilation syro-orthodoxe du 14e s. (Paris BnF syr. 346) qui rassemble des œuvres astronomiques et géographiques dues notamment à Sévère Sebokht et Barhebraeus et où il n’est par ailleurs jamais question d’astrologie, bien au contraire, puisque c’est dans ce manuscrit que se lisent les chapitres de Sévère Sebokht réfutant sévèrement les thèses astrologiques.

Enfin signalons que certains textes syriaques ont été indument classés parmi les textes astrologiques. Le Livre de Shem, présenté comme un « horoscope » agraire (Mingana 1917), est en réalité un texte de mantique qui n’a que très peu de rapport avec les astres, puisqu’on y annonce des événements météorologiques, agraires, sanitaires, politiques majeurs envisagés en fonction du signe dans lequel l’année commence. Bien que les 12 signes zodiacaux soient convoqués, il n’y est jamais question de l’influence des planètes sur le destin des hommes. Quant au bref Discours sur les 12 stoicheia du soleil attribués à Andronicus le Sage (Mingana 1917), dont la langue fortement hellénisée montre qu’il n’a pas été rédigé avant le 7e s., il porte en réalité sur la manière de nommer les différents éléments du calendrier (nom des mois, nom des jours de la semaine etc.) chez les Grecs et chez les juifs ; en outre, la manière dont l’ouvrage d’Andronicus est cité, à trois reprises, dans la seconde partie du Livre de médecine (section II, p. 521), ne fait que confirmer l’idée que son contenu relevait de l’art divinatoire fondé sur l’interprétation d’évènements météorologiques et non astraux.

 Conclusion

Peut-on parler d’un quadrivium syriaque ? La présente étude a permis d’identifier au moins trois traditions savantes syriaques ayant adopté une approche mathématique des quatre disciplines : les savants syro-orthodoxes dès le 6e s. AD, l’ « école syro-orientale de Bagdad » à partir du début 9e s. et celle que nous devons probablement rattacher au monastère de Mar-Mattaï, dont sont issus Jacques bar Šakko et Barhebraeus. Mais la question de l’organisation de l’enseignement dans les écoles et de la formation des érudits demeure.On sait qu’à Qennešre on étudiait la logique d’Aristote, la théologie, la physique, l’astronomie mathématique et la géographie et que les auteurs dont on conserve les œuvres astronomiques faisaient référence aux autres disciplines mathématiques, maisa-t-on jamais dispensé un enseignement spécifiquement dédié à la musique théorique, à la géométrie ou à l’arithmétique dans cette école du Nord de la Syrie ? En revanche il est plus vraisemblable que les quatre disciplines aient été enseignées à Bagdad et probablement aussi à Mar-Mattaï près de Mossoul.

Notons enfin que si le modèle grec fixé par Nicomaque de Gérase s’est exporté dans le monde syriaque, ce n’est cependant pas sans être préalablement passé par lefiltre du dogme chrétien : ainsi l’astrologie fut clairement exclue des enseignements mathématiques et la théorie aristotélicienne d’un monde supra-lunaire constitué uniquement d’éther (liée à l’idée d’un monde éternel) fut unanimement rejetée après Sergius de Rešʿayna. La présentation des textes d’iatromathématique a été en outre l’occasion de comprendre que le rejet de ces deux théories n’était certainement pas sans lien …

EMILIE VILLEY

 Bibliographie

Sources :

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Aristote (Pseudo-), De mundo (syriaque) = cf. Sergius de Rešʿayna, De Mundo (syr.).
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Denys l’Aréopagite (Pseudo-), Traité astronomique et météorologique = texte et trad. dans A. Kugener, « Un traité astronomique et météorologique syriaque attribué à Denys l’Aréopagite », in Actes du XIVe Congrès international des Orientalistes(Alger 1905), Nendeln, Kraus, 19682 (Paris, E. Leroux, 19071), Partie II, p. 137-163 ; trad. anglaise dans G. Furlani,« A cosmological tract by Pseudo-Dionysius in the Syriac language (PHD) », [edited from British Museum MS. Add. 7192, and provided with an English translation], The Journal of the Royal Asiatic Societyof Great Britain and Ireland 49 (New Series), Apr. 1917, p. 245-272.
Doctrina Addaï = A. Desreumaux, Histoire du roi Abgar et de Jésus, Turnhout, Brepols, 1993 (Textes en poche, Apocryphe 3).
Georges des arabes, Lettres astronomiques = V. Ryssel (éd.), ‘Die astronomischen Briefe Georgs des Araberbischofs’, Zeitschrift fu¨r Assyriologie und verwandte Gebiete, 8 (1893), p. 1-55 ; trad. allemande dans V. Ryssel (trad.), Georgs des Araberbischofs Gedichte und Briefe (Leipzig, 1891), p. 112-129.
Barhebraeus, Chronicon syriacum = Gregorii Barhebræi, Chronicon syriacum, edited by P. Bedjan, Paris, 1890, p. 168-169.
Ibn al-Qiftī’s Ta’rīḫ ˘al-hukamā’, edited by J. Lippert, Leipzig, 1903, p. 112 et 120.
Išoʿ bar Nun, Traité des astres = F. Nau, « La cosmographie de Jésus fils de Noun (IXe siècle) », Revue de l’Orient Chrétien, 27, 1929-1930, p. 126-139 (réimpr. in [Nau] 2014, p. 165-178).
Išoʿdad de Merv, Commentaire à la Genèse = Commentaire d’Išoʿdad de Merv sur l’Ancien Testament. I. Genèse, traduit par Ceslas Van Den Eynde, Louvain, Durbecq, 1955 (CSCO 156 ; SS 75).
Jacques bar Šakko, Livre des dialogues = les dialogues consacrés aux sciences du quadrivium ont été édités et traduits en allemand dans J.Ruska (ed.), Das Quadrivium aus Severus Bar Šakkûs’s Buch der Dialoge, Leipzig, W. Drugulin, 1896.
Jacques bar Šakko, Livre des trésors = extraits de la 4e partie du texte dans F. Nau, « Littérature cosmographique syriaque inédite. Notice sur le Livre des trésors de Jacques de Bartela, évêque de Tagrit » Journal Asiatique, 7, 1896, p. 286-331 (réimpr. in [Nau] 2014, p. 61-106)
Jacques d’Édesse, Hexaemeron = Iacobi Edesseni Hexaemeron : seu In opus creationis libri septem, ed. I.-B. Chabot, trad. A. Vaschalde [CSCO 92, SS 44, 1928 (texte syriaque) ; CSCO 97, SS 48, 1953 (trad. latine)], 1928-1953.
Job d’Édesse, Livre des trésors = A. Mingana (ed.), Encyclopædia of Philosophical and Natural Sciences as Taught in Baghdad about A.D. 817, or Book of Treasures by Job of Edessa, Cambridge, W. Heffer & Sons, 1935 (Woodbrooke Scientific Publications 1).
Lettre sur l’origine de la science astronomique = texte syriaque et trad. allemande dans E. Reich, « Ein Brief des Severus Sēḇōḵt », dans M. Folkerts & R. Lorch (éds), Sic itur ad astra : Studien zur Geschichte der Mathematik und Naturwissenschaften : Festschrift für den Arabisten Paul Kunitzsch zum 70. Geburtstag, Wiesbaden, p. 478-489.
Livre de médecine = Budge E.A.W. (éd.), Syrian Anatomy, Pathology and Therapeutics, or, The Book of Medicines, London, Humphrey Milford, 1913, 2 vol.
Martianus Capella, Noces de Philologie et Mercure = Martianus Capella, Les noces de Philologie et de Mercure, Livre VI, La géométrie, éd. / trad. B. Ferré, Paris, Les Belles Lettres, 2007.
Michel le Syrien, Chronique = J.-B. Chabot (éd.), Chronique de Michel le Syrien patriarche jacobite d’Antioche (1166-1199), Paris, 1899-1910, 4 tomes (traduction dans t. 1 : 1899, t. 2 : 1901 et t. 3 : 1905 ; texte dans t. 4 : 1910).
Moïse bar Kepha, Hexaemeron = édité et traduit en allemand dans Der Hexaemeronkommentar des Moses bar Kepha, Einleitung, Ubersetzung und Untersuchungen von L. Schlimme, Wiesbaden, Harrassowitz, 1977.
Rufin (Pseudo-), De la composition de la terre = texte syriaque et trad. d’après la version arabe dans Giorgio LevidellaVida, « La Dottrina e i Dodici Legati di Stomathalassa. Uno scritto di ermetismo popolare in siriaco e in arabo », Atti della Academia dei Lincei, Mem. Scienze morali, sér. 8, vol. 3, fasc. 8, 1951, p. 477-542 [= Pitagora, Bardesane e altri studi siriaci, a cura di Ricardo Contini, Roma, Bardi, 1989, p. 125-191].
Sergius de Rešʿayna, Commentaire sur les Catégories I = trad. du livre I du Commentaire sur les catégories d’Aristote par Sergius de Rešʿayna dans H. Hugonnard-Roche, La logique d’Aristote du grec au syriaque, Paris, Vrin (Textes et traditions 9), 2004, chap. IX, p. 187-231.
Sergius de Rešʿayna, Lettre sur l’action de la lune = texte syriaque édité dans Eduard Sachau (éd.), Inedita Syriaca : eine Sammlung syrischer übersetzungen von Schriften griechischer Profanliteratur mit einem Anhang aus den Handschriften des Britischen Museums, Wien, 1870, p. 101-124.
Sergius de Rešʿayna, De Mundo (syr.) = sa traduction syriaque du De Mundo a été éditée dans Paul de Lagarde, Analecta Syriaca, Osnabrück, Otto Zeller, 19672 (Leipzig, Teubner, 18581), p. 134-158.
Sergius de Rešʿayna, Traité sur les causes du Tout = E. Fiori (éd.), « L’Épitomé syriaque du Traité sur les causes du Tout d’Alexandre d’Aphrodise attribuée à Serge de Rešʿayna », Le Muséon 123 (1-2), 2010, p. 127-158.
Sévère Sebokht, Lettre sur les nœuds ascendant et descendant = texte partiellement édité et traduit en français dans F.Nau, « Le traité sur les constellations écrit en 660, par Sévère Sébokt, évêque de Qennešrin », ROC 27 (1929/30), Introduction, p. 335-337.
Sévère Sebokht, Traité sur l’astrolabe = François Nau (éd. et trad. française), Le Traité sur l’astrolabe plan de Sévère Sabokht écrit au 7e s. d’après des sources grecques et publié pour la première fois avec traduction française (extrait du Journal asiatique), Paris, 1899.
Sévère Sebokht, Traité sur les constellations= Nau F., « Le traité sur les constellations écrit en 660, par Sévère Sébokt, évêque de Qennesrin », ROC 27 (1929/30), p. 343-410 et ROC 28 (1931/32), p. 85-100.
Sévère Sebokht, Lettre sur le calcul de la date de Pâques = texte inédit contenu dans les manuscrits Paris BnF syr. 346, f. 136r-140r et Berlin syr. 186 [Petermann 26], f. 98v-102v.
Sévère Sebokht, Lettre sur la date de naissance du Christ = texte inédit conservé dans les manuscrits Paris BnF syr. 346, f. 142v-145r et Berlin syr. 186 [Petermann 26].
Somme astronomique = les 3 sections sont à lire dans le ms. Paris BnF syr. 346, aux fol. 51-60 et 172-177 ; pour une étude de ces passages voir Villey 2012 [thèse].
Tétrabible astronomique [en syriaque] = Paris BnF syr. 346, f. 1-36v.
Théodore bar Koni, Livre des scolies = Théodore bar Koni, Livre des scolies, éd. et trad. par R. Hespel et R. Draguet, Louvain, Peeters, 1981-1982 (CSCO 431-432 ; SS 187-188), 2 vol.

Études :

Baldini 1992 = U. Baldini et P. D. Napoletani ont édité et traduit en italien le commentaire de Niʿmatullah dans Christoph Clavius, Corrispondenza, Pisa, Dipartimento di Matematica dell’Università di Pisa, 1992 (voir II, 1, p. 21-23 ; II, II, p. 14-17. ; I, I, p. 82 ; II, II, p. 47-48).
Berti 2009 = V. Berti, Vita e studi di Timoteo I († 823), Patriarca cristiano di Baghdad : Ricerche sull’ epistolario e sulle fonti contigue , Paris, Association pour l’avancement des études iraniennes, 2009 (Studia Iranica, cahier 41 ; Chrétiens en terre d’Iran, vol. III).
Brentjes 1994 = S. Brentjes, « Textzeugen und Hypothesen zum arabischen Euklid in der Überlieferung von al-Ḥağğāğ b. Yūsuf b. Maṭar (zwischen 786 und 833) », Archive for History of Exact Sciences 47, p. 53-95.
Defaux 2014 = O. Defaux, « Les textes géographiques en langue syriaque », dans É. Villey (éd.), Les sciences en syriaque, Paris, Geuthner, 2014 (Études syriaques 11), p. 107-147.
Denise Jourdan-Hemmerdinger, « L’heptacorde et l’octoéchos, un problème scientifique, musical, théologique et politique », L’enseignement de la musique au Moyen Age et à la Renaissance, Colloque 5 et 6 juillet 1985 (Royaumont, 1987), p. 38-52.
Farina 2017 = M. Farina, « Rhétorique dans la tradition syriaque », H. Touati (éd.), Encyclopédie de l’humanisme méditerranéen, mai 2017, URL =http://encyclopedie-humanisme.com/?Rhetorique-en-syriaque
Freudenthal 2005 = G. Freudenthal, « Nicomaque de Gérasa. L’Introduction arithmétique de Nicomaque de Gérasa dans les traditions syriaque, arabe et hébraïque », dans R. Goulet (éd.), Dictionnaire des philosophes antiques, vol. 4, Paris, p. 690-694.
Furlani 1924 = G. Furlani, ‘Bruchstücke einer syrischen Paraphrase der ‘Elemente’ des Eukleides’, Zeitschrift für Semitistik, 3 (1924), p. 27-52, 212-235.
Guillaumin 2007 = J.-B. Guillaumin, « L’encyclopédisme de Martianus Capella : héritage d’une forme traditionnelle ou nouveauté radicale ? », Schedae, 4, 1, 2007, p. 45-68.
Hadot 2001 = I. Hadot, « Le scienze nella tarda Antichita : scienza e istituzioni », in S. Petruccioli (dir.), Storia della scienza, vol. 1 La Scienza antica [sezione « Le scienze nella Tarda Antichità »], Roma, Istituto della Enciclopedia Italiana, 2001, cap. 34, p. 999-1014.
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Kunitzsch 1977 = P. Kunitzsch, « Über einige Spuren der syrischen Almagest Übersetzungen », in Y. Maeyama and W. G. Saltzer (éd.), Prismata. Naturwissenschaftliche Studien. Festschrift für Willy Hartner, Wiesbaden, 1977, p. 203-210.
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[Nau] 2014 = [NAU], Astronomie et cosmographie syriaques : recueil d’articles de François Nau, introduits et annotés par É. Villey et H. Hugonnard-Roche, Piscataway NJ, 2014.
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Ruska 1896 = J. Ruska, Das Quadrivium aus Severus Bar Šakkûs’s Buch der Dialoge, Leipzig, W. Drugulin, 1896.
Ryssel 1893 = V. Ryssel, « Die astronomischen Briefe Georgs des Araberbischofs », ZA 8, 1893.
Stern 2004 = S. Stern, “Near eastern lunar calendars in the Syriac Martyr Acts”, Le Muséon 117, 3-4, 2004, p. 447-472.
Takahashi 2011 = H. Takahashi, « The Mathematical Sciences in Syriac : from Sergius of Resh-‘Aina and Severus Sebokht to Barhebraeus and Patriarch Ni’matallah », Annals of Science 68, 2011, fasc. 4, p. 477-491.
Takahashi 2014 = H. Takahashi, « L’astronomie syriaque à l’époque islamique », dans É. Villey (éd.), Les sciences en syriaque, Paris, Geuthner, 2014, p. 319-338.
Van Reeth 2001 = J. M. F. Van Reeth, « Les démons qui enchantent les instruments de musique. Les sources syriennes des huit modes grégoriens », Res Orientales XIII Démons et merveilles d’Orient, 2001, p. 175-186.
Villey 2012 [thèse] = É. Villey, Les textes astronomiques syriaques produits aux 6e et 7e s. AD : établissement d’un corpus et de critères de datation. Édition, traduction et lexique [thèse de l’Université de Caen Normandie, 2012].
Villey 2014 = É. Villey, « Qennešre et l’astronomie aux VIe et VIIe siècles », dans É. Villey (éd.), Les sciences en syriaque, Paris, Geuthner, 2014, p. 149-190.
Villey 2015 = É. Villey, « Ammonius d’ Alexandrie et le Traité sur l’astrolabe de Sévère Sebokht », Studia graeco-arabica, 2015, vol. 5, p. 105 128.
Villey 2016 = É. Villey, « Syriac Astronomical Texts (500-700 CE) : Christian Voices Defending Ptolemaic Astronomy » in H. Amirav and F. Celia (dir.), New Themes, New Styles in the Eastern Mediterranean : Christian, Jewish, and Islamic Encounters, 5th–8th Centuries, Leuven, Peeters [Late Antique History and Religion, 16], 2016, p. 205-231.
Werner 1959 = E. Werner, The sacred bridge : the interdependence of liturgy and music in synagogue and church during the first millenium, London, D. Dobson, 1959, Chap. II § II.
Witakowski 2008 = W. Witold, “The Chronicle of Jacob of Edessa”, in B. Ter Haar Romeny (éd.), Jacob of Edessa and the Syriac Culture of His Day, Leiden-Boston, Brill (Monographs of the Peshitta Institute 18), 2008, p. 25-48.


Pour citer :
Emilie Villey, « Quadrivium dans la tradition syriaque », in Houari Touati (éd.), Encyclopédie de l’humanisme méditerranéen, hiver 2018, URL = http://www.encyclopedie-humanisme.com/?Quadrivium-dans-la-tradition-syriaque