L’ars dictaminis (lit. « art de la rédaction, de rédiger ») est une discipline apparue à la fin du XIe siècle en Italie et qui s’est progressivement étendue à l’ensemble de l’Europe latine au cours des XIIe et XIIIe siècles, avant de décliner aux siècles suivants (Camargo 1991 et 2001). Elle propose une actualisation médiévale des cadres et techniques de la rhétorique antique. Bien que les traités d’ars dictandi (répertoire Turcan-Verkerk 2006) se concentrent le plus souvent sur la rédaction épistolaire, pensée comme l’acte de communication fondamentale de la société, l’ars dictaminis a exercé au cours de son histoire une influence qui va bien au-delà de la seule rédaction des lettres. À son apogée (XIIIe siècle), l’ars était conçue par ses théoriciens et nombre de ses praticiens comme une idéologie globale de la communication. Le type de prose latine rythmique richement ornée qui s’était imposé à la faveur de sa montée en puissance représentait dans leur optique un langage que sa supériorité rendait apte à la communication solennelle des grandes entités politiques, telles que la papauté, l’Empire ou les divers royaumes (Grévin 2008a). Cette idéologie stylistique a influencé directement la constitution de la phraséologie politique et administrative européenne pendant la plus grande partie du bas Moyen Âge (Grévin 2008b). Son étude se heurte néanmoins à un ensemble de problèmes liés d’une part au manque de coordination entre recherche littéraire et historique (Grévin-Turcan-Verkerk 2014, introduction), d’autre part à une vision essentialiste de la rhétorique gréco-latine qui minore l’originalité des formes non classiques de la rhétorique médiévale. En dépit de l’importance croissante des travaux consacrés au dictamen (terme par lequel les médiévaux désignaient à la fois la discipline et les documents écrits selon ses lois) ces dernières années (Camargo 1991, Turcan-Verkerk 2006, Grévin-Turcan-Verkerk 2014), il reste encore difficile de l’autonomiser par rapport aux études sur la rhétorique latine antique, et sur l’idéologie stylistique humaniste qui lui a succédé d’abord en Italie, puis en Europe.
On tentera ici de présenter 1) une esquisse de l’histoire pluriséculaire de l’ars dictaminis, et 2) quelques aspects de son fonctionnement dans la société médiévale 3) avant de poser la question des relations entretenues entre l’ars et son équivalent dans le monde arabo-islamique : le ‘ilm al-inshā’.
Une brève histoire de l’ars (fin XIe-XVe siècle)
L’ars dictaminis est apparue en Italie centrale dans le dernier tiers du XIe siècle, avec les traités rhétoriques et stylistiques latins élaborés par le moine Albéric du Mont-Cassin, la grande abbaye bénédictine à mi-chemin entre Rome et Naples, au cœur du renouveau ecclésiastique du XIe siècle (Bognini 2004, 2008a-b). Sous cette première forme, il s’agit essentiellement de présenter une nouvelle forme d’enseignement de la stylistique latine destinée en particulier à aider à la rédaction des documents et lettres. Le contexte de cette naissance doit être noté : Albéric fait partie de la génération des lettrés réformateurs qui appuient la papauté dans sa tentative pour s’autonomiser, au moment de la réforme grégorienne, face au camp impérial (Turcan-Verkerk 2009a, 2011a). Dès ses débuts, l’ars est donc étroitement associée à la communication politique. On retrouve après une lacune d’une génération l’ars dictaminis en Italie du nord, à Bologne, où elle est enseignée vers 1115 par Adalbertus Samaritanus (Schmale 1961), un peu plus tard par Hugues de Bologne. Elle subit dans ce nouveau contexte une série d’inflexions, étant notamment associée à l’étude du droit (civil et canon) qui prend de l’ampleur dans les écoles bolonaises. Cette association, conditionnée par le souvenir des liens entre droit romain et rhétorique classique, restera valide pendant toute l’histoire ultérieure de l’ars (Grévin 2013). Durant sa diffusion dans l’espace nord-italien, l’ars semble également acquérir un caractère plus strictement épistolaire, mais l’oscillation entre une conception globalisante du dictamen pensé comme support de toute communication, et une restriction de l’ars dictaminis au seul art épistolaire continuera en fait à travers les âges (Turcan-Verkerk 1994, 2003, 2007). La dissémination et le remaniement progressif des traités d’ars dictandi à travers l’Italie du nord puis l’Europe permettent de deviner les étapes successives de son développement, encore mal connues dans le détail faute d’éditions scientifiques (bilan provisoire dans Turcan-Verkerk 2006 et Grévin-Turcan-Verkerk 2014). À travers les remaniements successifs des sommes dites Aureae gemmae, dont les unes sont liées à Henricus Francigena, maître à Pavie (Odebrecht 1936), les autres dépendantes des traités d’Albéric et d’Adalbert, à travers l’activité de Bernard de Bologne (floruit 1142-1152 : Turcan-Verkerk 2007, 2009b, 2010, 2011b) et de son disciple Guido (Bartoli-Stella 2009), on peut ainsi suivre la poursuite de la dissémination de l’ars en Italie (Bologne, Pavie, Arezzo en Toscane), mais aussi dans le nord de l’Europe, d’abord en France et en Allemagne. Dans le dernier tiers du XIIe siècle, l’ars dictaminis a envahi le cœur féodal de l’Europe, dans le sillage du renouveau des études juridiques et de la « renaissance du XIIe siècle ». On assiste alors au développement d’écoles françaises dites « ligériennes », associées notamment aux studia juridiques orléanais, dans un contexte culturel quelque peu différent de celui de l’Italie du nord. En France, le dictamen s’épanouit dans le monde des chancelleries et de la communication épistolaire, où il sert à formaliser les rapports entre la société (summa dictaminis de Bernard de Meung, cf. Vulliez 1984) tout comme à encadrer des correspondances de type plus littéraire (lettres de Pierre de Blois). Il doit toutefois composer avec des tendances intellectuelles différentes de celles de l’Italie du nord, et notamment avec l’intérêt des lettrés français pour la poésie métrique latine qui conduit au développement d’artes poetriae (arts de la poésie, cf. Kelly 1991 ; Woods 2012). Plusieurs traités représentent en fait une tentative d’hybridation entre les deux genres (par exemple la Poetria parisiana de Jean de Garlande, vers 1220-1235, qui comprend une section sur le dictamen, Lawler 1974). Dans l’Italie du nord de la fin du XIIe siècle, dominée par les études notariales et juridiques, l’ars dictaminis reste plus strictement associée au droit (Witt 2012), tout en jouant un rôle non négligeable dans l’élaboration de formes de rhétoriques politiques adaptées au monde proto-démocratique des communes toscanes ou lombardes (naissance et développement de l’ars arengandi, art du discours latin et italien largement dépendant de l’ars dictaminis : Artifoni 2000).
Les années 1190-1220 sont une époque cruciale pour la redéfinition de l’ars dictaminis qui poursuit son expansion, atteignant notamment la péninsule ibérique (Gómez-Bravo 1989). Les nouvelles théories rhétoriques élaborées en France interfèrent désormais avec l’enseignement des écoles bolonaises, provoquant une véritable effervescence théorique. Au-delà des écoles bolonaises et ligériennes, la papauté, qui perfectionne incessamment son appareil administratif et sa communication politique, affirme son emprise sur les doctrines de l’ars. À vrai dire, depuis les origines au Mont-Cassin, l’ars était restée dépendante des techniques d’écriture de la chancellerie papale. Mais au seuil du grand siècle de la théocratie pontificale, le style de la curie romaine (stylus romanae curiae) porté à son classicisme s’impose, en concurrence avec les modèles français et nord-italiens, comme le modèle ultime du dictamen politique pratiqué par les chancelleries. Ce sont des traités créés entre le monde cistercien et la chancellerie papale, à la charnière des XIIe et XIIIe siècles, qui exposent pour la première fois explicitement les règles d’ornementation rythmique caractéristique de l’ars (cf. par exemple les Introductiones dictandi de Transmundus de Clairvaux, Dalzell 1995), ou qui expliquent la forme canonique des parties de la lettre (ars dictandi du cardinal Thomas de Capoue, écrit en plusieurs phases entre 1210 et 1230, cf. Heller 1929). À la faveur de l’expansion économique de l’Occident latin, mais aussi des conflits et échanges politiques entre l’Empire un temps associé au royaume de Sicile, la papauté à son apogée et les communes nord-italiennes, la première moitié du XIIIe siècle voit la stabilisation et la diffusion d’une ars dictaminis classique qui bénéficie à la fois de l’enrichissement et de la stabilisation des théories, et d’une extraordinaire poussée de production textuelle. Sur le plan théorique, c’est l’époque des grands maîtres bolonais. Bene de Florence expose dans son Candelabrum (achevé en 1226) les principes du dictamen « à la romaine » (Alessio 1983). Guido Faba se révèle un créateur inlassable de traités théorico-pratiques (contenant des lettres-modèles) ou pratiques à l’usage du monde communal nord-italien, mais il est aussi le premier expérimentateur d’une transposition en langue vulgaire (italien bolonais) des préceptes de l’ars latine. Boncompagno da Signa s’impose comme le rédacteur exubérant de dizaines de traités caractérisés par l’humour, l’inventivité et l’audace (Garbini 1995 ; 1997 ; 1999 ; 2004). Sous la plume de Boncompagno, cette rhétorique médiévale se pose en rivale moderne de la rhétorique cicéronienne antique renvoyée à sa vétusté (Rhetorica novissima, 1235, éd. Gaudenzi 1892). De nombreux épigones (Bono de Lucques, Matteo de’ Libri, Mino da Colle di Val d’Elsa…) succéderont à cette génération des grands maîtres.
À cette floraison théorique et scolaire du monde communal nord-italien fait pendant la production textuelle remarquable alors développée en Italie centrale et méridionale par deux foyers culturels et politiques concurrents, mais étroitement liés. Dans le sillage de la chancellerie papale, qui suit pendant tout le XIIIe siècle les préceptes formalisés par Thomas de Capoue, la chancellerie sicilienne rénovée de l’empereur et roi de Sicile Frédéric II Hohenstaufen crée un nouveau style mettant à profit les techniques de métaphorisation et de rythmisation du dictamen. Les deux chancelleries exploitent ensuite les capacités rhétoriques de leur personnel pour se livrer par lettres interposées à une guerre de propagande étendue aux dimensions de toute la chrétienté jusqu’à la chute des Hohenstaufen, en 1266-1268. La similarité de leurs techniques s’explique en partie par l’identité du milieu social qui fournit leurs notaires et stylistes. La chancellerie sicilienne, travaillant pendant cette période le plus souvent sur le continent, en Campanie ou dans le nord des Pouilles, recrute ses membres dans le même milieu de lettrés que la chancellerie papale. La majorité de ces rhéteurs sont originaires de la Terra laboris (Terra di Lavoro, sud du Latium et nord de la Campanie actuels), notamment de Capoue et de la région du Mont-Cassin (Delle Donne 2007a ; 2007b ; Grévin 2008b). C’est le cas de Pierre de la Vigne, grand-juge et dirigeant de fait de la chancellerie de Frédéric II, rédacteur de ses plus fameuses lettres de propagande, comme de Thomas de Capoue, vice-chancelier de la Curie papale, qui outre le traité théorique déjà mentionné, a laissé un ensemble de dictamina (pluriel de dictamen, lettres ou textes composés selon les règles du dictamen) personnels ou politiques fameux, noyau d’une collection textuelle célèbre (Thumser-Frohmann 2011).
L’importance de cette production tient au fait que son rayonnement ne se limite pas au contexte politique des années 1220-1266. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, les notaires papaux et siciliens décident en effet de compiler les créations stylistiques les plus marquantes des deux générations précédentes en organisant de gigantesques anthologies textuelles. Ces summae dictaminis (sommes de dictamen) regroupent un ensemble de textes politiques et personnels souvent placés sous l’autorité symbolique des grands noms de la génération précédente (Delle Donne 2004 ; Grévin 2008b). Les trois sommes les plus fameuses sont les collections dites de Pierre de la Vigne, regroupant toutes sortes de textes écrits à la chancellerie de Frédéric II et de ses fils (Delle Donne ; Grévin ; Schaller), celle de Thomas de Capoue, regroupant des lettres papales du premier tiers du XIIIe siècle et des correspondances personnelles de différents lettrés au service de la papauté (Schaller 1965 ; Thumser-Frohmann 2011), celle de Richard de Pofi, comprenant des modèles de lettres papales en rapport avec les années 1250-1260 (Batzer 1910, Herde 2014). Il existe des dizaines de versions différentes de ces sommes, sans cesse modifiées au fil des remaniements. Elles ont pour point commun de présenter des anthologies textuelles organisant leur documentation par matière : correspondance solennelle, administrative courante, lettres de déploration, lettres joyeuses et récréations, privilèges solennels... Elles mêlent donc des textes d’empreinte littéraire, politique, administrative, et relevant aussi bien de la lettre personnelle que de la missive officielle, de l’acte solennel que de la correspondance ordinaire. Cette variété typologique n’empêche pas une relative uniformité stylistique : les principes d’ornementation, fondés en particulier sur le rythme, restent toujours semblables. Il s’agissait à la fois de créations mémorielles, destinées à pérenniser ce qui était ressenti dans ce milieu comme une apogée stylistique, et d’instruments de travail fonctionnels, pensés pour les notaires, juristes et secrétaires des générations futures.
Le dernier tiers du XIIIe siècle et le début du XIVe siècle voient en effet l’expansion de cette nouvelle vague d’ars dictaminis italienne, à travers l’exportation dans toute l’Europe des recettes théoriques bolonaises ou toscanes, mais aussi et surtout des modèles de correspondance et d’écriture pratique véhiculés dans ces anthologies textuelles. La péninsule ibérique, la France ou l’espace germanique n’avaient certes pas attendu ces années pour continuer leur production de traités et recueils de dictamen, comme l’attestent l’activité d’un Pons le provençal dans le sud de l’espace français (Turcan-Verkerk 2006, n° 68, p. 227), le développement d’une ars dictaminis castillane sous la plume de Gauthier d’Eversley ou de Juan de Zamora (Bertolucci Pizzorusso 1968 et 2006), ou la summa de arte prosandi du suisse Conrad de Mure (Kronbichler 1968). Mais à partir de la fin du XIIIe siècle et pendant tout le siècle suivant, c’est par centaines que les collections textuelles dites de Pierre de la Vigne, de Thomas de Capoue, de Richard de Pofi sont recopiées en dehors de l’Italie, ensemble avec d’autres collections secondaires (Schaller 2002), tandis que plusieurs artes dictandi bolonaises, en particulier celles de Guido Faba, rencontrent également le plus grand succès. Cette expansion accompagne la croissance des appareils étatiques, et notamment des chancelleries princières, royales ou archiépiscopales, avides d’imiter les formules inventées à la chancellerie pontificale ou impériale-sicilienne. Elle suit la dynamique d’expansion d’un notariat italien qui s’exporte alors un peu partout en Europe. À la suite des bouleversements politiques qui affectent l’Italie, on retrouve ainsi des maîtres de dictamen italien vendant leur savoir de Paris (Jean de Sicile, cf. Vulliez 2001) à Prague (Enrico da Isernia, cf. B. Schaller 1989), en passant par la Castille (Rodolfo da Poggibonsi) ou l’Angleterre (Stefano di San Giorgio, cf. Delle Donne 2007).
Le XIVe siècle s’ouvre donc sur une vague d’expansion de l’ars dictaminis sans précédent. Il amorce pourtant le déclin de la discipline. Certes, l’ars dictaminis, telle qu’elle a été définie entre Rome et Bologne, et pratiquée entre la Curie pontificale et la cour de Sicile au XIIIe siècle, est devenue le langage commun de toutes les grandes instances de pouvoir européennes. Mais une double révolution se prépare qui remet en cause les conditions mêmes de son exercice dans une grande partie de l’Europe. D’une part, la situation de monopole du latin en tant que langue d’expression du pouvoir politique commence à être battue en brèche dans tout l’ouest du continent. C’est le cas dès le XIIIe siècle en Castille et au Portugal, où les chancelleries adoptent les langues vulgaires pour une grande partie de leur communication, et plus progressivement, au XIVe siècle, en France (Lusignan 2004) comme en Angleterre. Le recours au dictamen tendra donc, en Europe de l’ouest, à être de plus en plus confiné aux chancelleries ecclésiastiques, ou à la rédaction de certains documents particulièrement solennels, comme certains privilèges requérant un faste rhétorique exceptionnel, encore rédigés en latin à la chancellerie royale française à la fin du XIVe siècle (Barret-Grévin 2014). Si la création des langages politiques et administratifs en langue vulgaire s’est faite par imitation des modèles du latin orné des chancelleries dépendant du dictamen, il s’en faut par ailleurs de beaucoup que cette transposition ait préservé l’ensemble des recettes stylistiques et rhétoriques qui formaient le noyau de la discipline. La transposition des modes d’ornementation rythmique latins dans les langues romanes ou germaniques s’est notamment révélée difficile (même si elle a été tentée pour l’italien, par exemple), voire impossible (dans le cas du français, dont l’accentuation est trop différente de celle du latin).
La naissance progressive de l’idéologie stylistique humaniste, qui commence à révolutionner radicalement l’idée même de l’écriture en prose latine ornée à la génération de Pétrarque (1304-1374) et de Boccace (1313-1375), porte d’autre part en germe le déclin de l’ars dictaminis en tant qu’idéologie stylistique. Au fur et à mesure que les premiers humanistes précisent leur pensée d’un retour aux normes d’un latin classique considéré comme critère ultime de l’élégance stylistique, l’ars dictaminis perd son prestige de norme ultime du latin prosaïque, pour devenir un simple langage de chancellerie, bientôt opposé avec mépris aux élégances des humanistes cicéroniens de la fin du XIVe siècle (Witt 2000). Ce qui était une idéologie d’écriture conquérante se fossilise alors peu à peu, d’abord en Italie, ensuite, dans le reste de l’Europe, en un corps de doctrines d’écriture administratives et politiques qui finissent par devenir une simple routine (Camargo 2001). L’intérêt très vif porté par la recherche aux débuts de l’humanisme a toutefois sans doute conduit à négliger l’importance de l’interaction entre l’ars dictaminis et les formes d’écriture humaniste dans la période de transition qui voit les débuts de ce renouvellement. Il semble que, jusque vers 1350, ait existé une idéologie pré-humaniste conjuguant l’intérêt pour le renouveau de formes classiques, et le maintien d’une forte emprise de l’idéologie de l’ars. Les formes exactes de cette culture de transition demandent encore à être précisées, mais sa signification idéologique est bien attestée par les traités théoriques comme l’ars dictandi de Giovanni del Virgilio (éd. Kristeller 1961), qui met sur le même plan un style prosaïque des anciens, et un style orné des modernes (celui du dictamen) qu’il faut suivre dans la communication. D’autres indices de cette idéologie hybride sont fournis par des anthologies de volgarizzamenti (traductions en italien) de grands textes politiques latins, qui offrent à leurs lecteurs toscans un choix de discours cicéroniens et de lettres extraites des sommes de Pierre de la Vigne et de Thomas de Capoue (Grévin 2008b, p. 836-858). Les orateurs de la république romaine sont ainsi placés en miroir des dictatores (maîtres de dictamen) du Duecento italien. On mesure ainsi à quel point il est difficile de caractériser l’évolution du dictamen italien du début du XIVe siècle comme un déclin univoque : nous sommes en présence d’une réflexion articulée sur la valeur respective des rhétoriques classiques latines et d’une rhétorique médiévale qui est encore ressentie comme un modèle alternatif possible.
Il s’en faut d’ailleurs de beaucoup que le déclin du dictamen ait partout suivi les mêmes rythmes. Il existe une histoire de l’ars dictaminis tardive (XIVe-XVe siècle), encore mal explorée, étant donné le nombre de sources conservées, en cours de réévaluation. La production de traités, longtemps réputée sclérosée après 1300, ne s’arrête pas avant le XVe siècle. Ils changent simplement de forme, suivant en cela une grande partie de la littérature pédagogique latine européenne. Ils deviennent par exemple des traités versifiés (Camargo 1996), aide-mémoires métriques munis de notes marginales et interlinéaires qui reprennent le contenu des traités en prose antérieurs, selon une logique similaire à celles des traités grammaticaux didactiques contemporains. La Summa jovis anonyme (Lorenz 2013), probablement originaire du nord de la France et diffusée en Allemagne jusqu’au XVe siècle est un exemple de cette littérature théorique tardive. Mais pour quelques traités du XIVe siècle édités (pour l’Angleterre, cf. Camargo 1995) beaucoup attendent encore d’être explorés (pour l’Espagne, cf. Faulhaber 1972 et 1973). En Europe de l’ouest, c’est non seulement dans la production épistolaire, dans la rhétorique solennelle de chancellerie ou la propagande politique, mais aussi dans la littérature ou la réflexion scolastique qu’il faut chercher le prolongement souvent encore brillant, des doctrines du XIIIe siècle. Pour prendre trois exemples fameux, le traité De vulgari eloquentia de Dante, malgré son thème (la promotion de l’italien), est écrit dans un latin qui respecte les préceptes rythmiques de l’ars dictaminis (Marigo 1931-1932), tandis que le Philobiblon, traité sur l’amour des livres de l’évêque anglais Richard de Bury, mort en 1345, est un superbe exemple d’adaptation personnelle du style de dictamen « à la sicilienne » (sur Richard de Bury et le dictamen, cf. Denholm Young 1950). Enfin, en 1347-1351, le notaire romain Cola di Rienzo se place également dans ce sillage pour développer sa propagande politique (Burdach-Piur 1912 ; Grévin 2008b, p. 780-822).
C’est néanmoins surtout en Europe centrale et orientale qu’il faut chercher les témoignages les plus significatifs d’un dernier âge d’or de l’ars dictaminis, s’étendant jusqu’au début du XVIe siècle. Le développement du dictamen remonte dans ces régions à l’arrivée à la cour de Bohême de notaires italiens formés à l’école de Pierre de la Vigne et de ses successeurs. Enrico da Isernia avait notamment fondé un studium d’enseignement de la rhétorique à Vyšehrad, dans les faubourgs de Prague, vers 1270 (Tříška 1985 ; B. Schaller 1989 ; Nechutová 2000). L’enracinement dans les pays de la couronne de Bohême de cette tradition se traduit par une floraison exceptionnelle. Cette ars dictaminis renouvelée réinvente sa phraséologie et crée de nouvelles compilations pratiques (Summa cancellariae de Johannes de Neumarkt, Lulvès 1896) sous le règne de l’empereur Charles IV de Luxembourg (1346-1378). Le contact avec les nouvelles formes de culture italiennes, la littérarisation progressive de l’allemand de chancellerie, puis du tchèque (formulaires de dictamen doubles latino-allemand silésiens au tournant du XVe siècle, Burdach-Bebermeyer 1926) n’empêchent pas la floraison d’une culture rhétorique latine originale, encore conditionnée par l’idéologie et les cadres stylistiques de l’ars dictaminis. Plus, cette culture s’étend vers l’est. Dans l’espace polono-lituanien, une dernière grande floraison d’ars dictaminis accompagne en effet l’essor politique et économique du XVe siècle. L’analyse des formulaires textuels (formulaire dit de Georges, notaire du château de Cracovie, éd. Górski 1950) témoigne que ce dernier avatar du dictamen repose sur une réinterprétation originale de modèles textuels anciens. Les lettres de Pierre de Blois, de Pierre de la Vigne ou de Richard de Pofi servent ainsi de base d’inspiration aux notaires polonais. En dehors de ce dernier grand foyer, ce qui restait de l’ars dictaminis en Europe vers 1500 était toutefois désormais fossilisé : il s’agissait d’un ensemble de formules administratives et politiques qui continuaient, directement en latin, ou indirectement, à travers le prisme des langues vulgaires, à formaliser la communication européenne solennelle.
L’ars dictaminis et la société médiévale, entre théorie et pratique
Le rôle de l’ars dictaminis dans la société médiévale a été d’abord appréhendé par les médiévistes à l’aune des changements socio-politiques des XIe-XIIe siècles. On a insisté sur les facteurs de transformation qui avaient motivé la naissance, puis le développement progressif d’une nouvelle théorie et de nouvelles pratiques de communication (Patt 1978 ; Witt 1982 ; Witt 2012). En particulier, la présence dans les traités théoriques de sections consacrées à la salutatio (formules introductives des correspondances), détaillant les différentes formes à employer en fonction de la position respective des interlocuteurs dans la hiérarchie sociale, témoigne du rôle que le dictamen a pu jouer dans la redéfinition de la représentation du corps social (Delle Donne 2002). On a également lié le développement de l’ars dictaminis dans l’Italie du nord du XIIe siècle à la croissance des communes italiennes et au développement de formes de gouvernement collectif qui l’a accompagnée (Artifoni 1995 ; Hartmann 2013). Il est indéniable que dans ce cadre urbain « proto-démocratique », rappelant à certains égards l’originalité expérimentale des formes de gouvernement des cités grecques antique, l’ars a trouvé un terrain propice : Bologne, Pavie, Arezzo, trois grands centres du dictamen dans le nord de l’Italie, étaient au cœur de cette culture politique qui s’est maintenue en se transformant au XIIIe siècle, avant que l’ère des seigneuries ne change en profondeur les régimes politiques des cités italiennes durant le Trecento. Le lien profond entre le développement d’une culture notariale intimement liée au gouvernement des cités-États, l’importance du droit écrit, en particulier d’un droit civil rénové dans ce contexte, l’attention portée à la référence rhétorique antique, le développement d’un art du discours politique communal, tous ces traits sont autant de constantes de l’Italie septentrionale du XIIe et du XIIIe siècle qui ont pu favoriser le développement et la floraison d’une culture rhétorique originale.. Mais s’il existe bien une dimension particulière de l’ars dictaminis nord-italienne liée à l’histoire du communalisme italien et à ses formes argumentatives, il est peut-être plus pertinent de chercher ailleurs les éléments d’une réflexion globale sur l’impact socio-culturel de l’ars dictaminis dans l’ensemble de la société européenne.
Une première possibilité consiste à examiner les formes prises par ce type de communication dans leur spécificité. L’un des problèmes les plus complexes pour les historiens de l’ars dictaminis est l’étude des interactions entre les formes de la rhétorique latine classique, transmises et enseignées par divers canaux dans les écoles monastiques et cathédrales, puis aux universités médiévales, et les formes proprement médiévales regroupées sous la bannière du dictamen à partir du XIIe siècle (lesquelles ont pu être souvent enseignées dans un contexte para-universitaire, dans des écoles de grammaire ou de notariat, par exemple, que ce soit en Italie, en France ou en Allemagne). À maints égards, l’ars dictaminis apparaît comme une sorte de prolongement théorico-pratique, pragmatique, des enseignements de la rhétorique cicéronienne qui forme un arrière-plan théorique connu par les lettrés du Moyen Âge, mais peu applicable en l’état (Ward 1995 et Cox-Ward 2006). Les traités de rhétorique latine classique, conçus pour la déclamation oratoire judiciaire, sont ainsi complétés par des traités de rhétorique appliquée médiévale, essentiellement pensés pour l’écriture des actes et des lettres. Les penseurs et rhéteurs (dictatores) les plus doués effectuent sans cesse un aller-retour conceptuel entre ces deux pôles aux XIIe, XIIIe et XIVe siècles, et la rhétorique cicéronienne et celle du dictamen sont donc intimement mêlées dans la pensée du temps, comme en témoignent par exemple les œuvres de Brunetto Latini (East 1968 ; Alessio 1979). Il serait pourtant faux d’en déduire que les pratiques rhétoriques qui correspondent au dictamen classique des grandes chancelleries ou des maîtres bolonais du XIIIe siècle soient une sorte de style hybride à mi-chemin entre un latin cicéronien et des formes plus autonomes.
Au niveau de la pratique, les styles peu à peu élaborés dans les écoles de dictamen (ou dans les chancelleries influencées par la pensée du dictamen, ce qui n’est pas tout à fait la même chose) se présentent comme très différents de la rhétorique du latin classique cicéronien. C’est seulement dans la seconde moitié du XIVe siècle, lors des phases de transition italienne entre l’idéologie de l’ars dictaminis et l’idéologie humaniste cicéronienne, que l’on assistera à la création de styles hybrides.
Comment caractériser « de l’intérieur » le latin du dictamen ? Il est bien sûr impossible de détailler l’ensemble de choix stylistiques qui ont dépendu de l’adaptation de modèles antérieurs. On entrevoit en particulier un intérêt des « dictatores » pour les styles de latins ornés caractéristiques de l’antiquité tardive (rhétorique royale surchargée des lettres de Cassiodore, style papal du VIe siècle, style des prologues des codifications juridiques de Justinien). Il est également certain que le développement de l’ars dictaminis s’est appuyée sur la floraison des correspondances épistolaires monastiques caractéristiques du haut Moyen Âge. On peut surtout, en s’aidant des prescriptions des traités de l’époque classique (Guido Faba, Boncompagno, Bene de Florence, Thomas de Capoue) et des collections textuelles compilées au XIIIe siècles (sommes de Pierre de la Vigne, Richard de Pofi, Thomas de Capoue, et sommes assimilées…) dégager certaines constantes parmi lesquelles se détachent deux traits fondamentaux qui structurent ce langage à son apogée, et qui présentent une indéniable originalité par rapport au latin classique, qu’il soit antique ou néo-cicéronien : l’ornementation rythmique et les techniques de métaphorisation.
L’ornementation rythmique apparaît comme une caractéristique de l’ars dictaminis depuis ses débuts. L’attention pour le rythme est présente chez les penseurs du dictamen durant toute la durée de son histoire (Turcan-Verkerk 2007 ; Grévin 2009). C’est même à la persistance ou à l’abandon d’un ensemble de doctrines touchant cette « rythmisation » que l’on mesure la présence plus ou moins forte du dictamen, ou son abandon définitif dans les différentes régions de l’Europe. L’idée de décorer la prose latine en recourant à des successions calculées de séquences rythmiques, indépendamment de toute versification, n’est pourtant pas une invention du XIe siècle. Dans l’antiquité classique, les clausules rythmiques dites cicéroniennes qui décoraient la fin des périodes des orateurs répondaient à cette exigence. Elles étaient constituées selon un principe d’alternance de syllabes longues ou courtes, par analogie avec la métrique quantitative de la poésie latine classique (système comparable, mutatis mutandis, à celui de la métrique arabe classique). À la fin de l’antiquité, l’évolution linguistique du latin, ainsi que la nécessité pour la pastorale chrétienne d’adapter les formes de communication en direction du petit peuple qui parlait des formes de latin très évoluées, déjà proches par certains traits des langues romanes, ont conduit les lettrés latinophones à inventer de nouvelles formes d’expression. D’où la création progressive de schèmes d’ornementation rythmique qui n’étaient plus fondés sur des successions de syllabes brèves et longues, mais de syllabes accentuées et non accentuées. On constate l’application de ce système, nommé cursus rythmique, dans un certain nombre de textes solennels, par exemple des lettres papales, de l’antiquité tardive. Il semble avoir été ensuite quelque peu délaissé.
L’ars dictaminis s’est développée dans des milieux qui connaissaient et tentaient de diffuser ces techniques d’ornementation. Leur usage semble en effet en recrudescence en Italie au XIe siècle, à une époque où les cultures rythmiques étaient pourtant très différentes de celles de l’antiquité tardive. Dans un contexte de développement de la poésie rythmique latine et profane, et d’une pratique et théorie musicale pensées en fonction des spéculations latines sur le rythme, l’attention à l’ornementation rythmique des textes prosaïques avait alors une dimension sociale sans commune mesure avec la seule stylistique. Les allusions aux techniques de cantillation grégorienne et de notation musicale qui existent dans certains traités d’ars dictandi (Candelabrum de Bene de Florence, par exemple, cf. sur ce point Grévin 2011), la double carrière de théoriciens musicaux et de maîtres de rhétorique de certains maîtres (Jean de Garlande : cf. Marguin-Hamon 2010) suggèrent que cette obsession pour le rythme caractéristique de l’ars dictaminis avait une dimension véritablement musicale, à la fois au niveau des spéculations théoriques sur les vertus magiques du langage orné, et des véritables performances que pouvaient constituer les lectures solennelles ou personnelles des dictamina (Camargo 2010). Giovanni del Virgilio, dans son ars écrite dans la décennie 1320 (Kristeller 1961, commentaire Grévin 2009), détaille encore le pouvoir d’attraction musicale, émotive, de ces différentes ornementations rythmiques ponctuant les périodes prosaïques des textes suivant les préceptes de l’ars.
C’est dans ce contexte que les traités théoriques d’ars dictandi ont développé, avec un notable décalage sur la pratique, à partir de la fin du XIIe siècle une théorie de plus en plus raffinée de ces modes d’ornementation prosaïque (Dalzell 1977). Deux écoles « française » (gallica) et italienne s’opposent à l’orée du XIIIe siècle (Witt 1985), et même si les préceptes suivis par la Curie pontificale semblent s’imposer, la nomenclature d’exposition des différentes formes d’ornementation reste très inventive, jusqu’au XIVe siècle, voire au-delà en Espagne (Faulhaber 1979). Ces formules d’ornementation sont pourtant relativement simples. Elles se réduisent à trois schèmes principaux, souvent nommés cursus velox (rapide), planus (plan, moyen) et tardus (lent, retardant). Le cursus velox fait (schématiquement) succéder à une première syllabe accentuée quatre syllabes non accentuées, suivies d’une seconde syllabe accentuée que clôt une dernière syllabe non accentuée : sub clípeo majestátis (« sous le bouclier de la majesté »). Le cursus planus propose une succession d’une syllabe accentuée, deux syllabes non accentuées, une syllabe accentuée, une syllabe non accentuée : sub clípeo régis (« sous le bouclier du roi »). Le cursus tardus, enfin, donne une succession d’une syllabe accentuée, deux syllabes non accentuées, une syllabe accentuée, deux syllabes non accentuées (sub clípeo príncipis). Dans une application rigoureuse du système, ces trois formules doivent être obligatoirement employées pour arranger les successions de termes avant ponctuation faible ou forte. Le respect de ces schèmes contraint le rédacteur du texte à organiser les successions de termes de manière à éviter certaines successions rythmiques, artificialisant ainsi le langage par rapport à des ordres de succession plus « naturels » ou moins contrôlés. On a ainsi noté très tôt (Valois 1881) que nombre des formules les plus courantes de la chancellerie papale avaient été réécrites au cours du XIIe siècle pour se conformer à la doctrine du cursus rythmique. L’adoption et la théorisation de ces modes d’ornementation rythmique expliquent en partie pourquoi les théoriciens de l’ars dictaminis n’ont pas cessé, d’Albéric du Mont-Cassin vers 1080 à Giovanni del Virgilio vers 1320, de considérer que le dictamen représentait la quintessence du latin (et même de tout langage…), poésie et prose confondues, et pourquoi certains d’entre eux ont continué à théoriser simultanément l’écriture en prose, en vers rythmiques et en vers métriques dans leurs traités (Turcan-Verkerk 2003). La prose rythmique du dictamen, à travers ces successions de syllabes accentuées et non accentuées, participait en effet d’une perfection quasi-poétique, qui la reliait dans certaines spéculations à l’ordre cosmique de la machina mundialis et en faisait un langage surhumain.
Quant aux effets concrets de l’application de la doctrine du cursus rythmique à la prose, ils ont été importants, même s’ils sont encore mal mesurés. On possède ainsi une série d’indices tendant à prouver que l’application toujours plus stricte de ces schèmes d’ornementation rythmique dans les grandes chancelleries, particulièrement à la chancellerie papale et sicilienne, avait fini par créer les mécanismes d’un langage semi-formulaire, diffusé dans toute l’Europe à la fin du XIIIe siècle. L’habitude de chercher des termes de structure accentuelle strictement équivalente pour varier les expressions aurait fini par créer des réflexes et des modes d’écriture prosaïque analogues, mutatis mutandis, aux modes de rédaction formulaires caractéristiques des poésies traditionnelles (chevilles récurrentes des odes anté-islamiques, des poèmes homériques ou des chansons de geste…). Étant donné que l’emploi des schèmes d’ornementation rythmiques n’était obligatoire qu’en ponctuation, le conditionnement imposé était néanmoins d’une densité différente de celui caractéristique des formes poétiques fixes. Il faudrait donc peut-être qualifier ce style, employé dans certains registres d’écriture (épistolaires, administratifs, politiques…) avec plus ou moins de rigueur d’un bout à l’autre de l’Europe vers 1300, de « mode de composition semi-formulaire ». Cette pesante armature rythmique, si elle avait de lointains modèles dans certaines proses latines de la fin de l’antiquité, était donc une première grande originalité des textes écrits selon les doctrines du dictamen par rapport aux compositions en latin classique, car elle conditionnait le choix de vocables et enchaînements à l’opposé des tours du latin cicéronien.
La deuxième grande originalité de l’ars dictaminis, en tant que système rhétorique, a également des implications qui dépassent de loin la simple rhétorique. Elle concerne la pensée et l’emploi des figures et couleurs (en latin colores) de rhétorique, et en particulier des figures de pensée (figures métaphoriques, au sens large du terme). L’ars dictaminis prône un recours différencié aux figures dans la droite ligne d’une rhétorique classique dont elle reprend en grande partie les nomenclatures. Si tous les textes doivent être ornés par le cursus rythmique, l’emploi plus ou moins large des couleurs dépend du sérieux, de la solennité, du but du document (le plus souvent de la lettre) composé. Les figures de pensées (métaphoriques, tropes) sont théoriquement plus acceptables pour un discours solennel, tandis que les figures jouant sur les sons (assonances et allitérations, jeux étymologiques) sont censées n’être utilisées qu’avec modération, sauf en cas d’exercice purement rhétorique, n’engageant pas directement l’autorité qui émet le document (parodies, pastiches, délassements littéraires, ou, dans une autre direction, pamphlets particulièrement violents). Mais au-delà de ces doctrines plus ou moins communes à la rhétorique latine classique et à celle du dictamen, les dictatores ont été amenés à développer une théorie de la métaphore radicalement différente de celle de la société antique, en prise directe avec les exigences et les catégories intellectuelles de la société médiévale. Il s’agit de la doctrine de la transumptio/translatio. Ces deux termes-doublets apparaissent en force dans les traités théoriques du début du XIIIe siècle. Leur usage semble emprunté aux spéculations linguistiques et théologiques des écoles de la France du nord. Sous ces concepts, les théoriciens bolonais de l’apogée de l’ars recouvraient l’ensemble des figures de métaphorisation permettant au rhéteur d’établir des équivalences symboliques entre les objets du discours et toutes sortes d’êtres animés ou inanimés, terrestres ou célestes. Pour prendre un exemple banal, un roi pouvait par exemple être symbolisé par son sceptre, sa couronne, un lion, un aigle, David, Salomon… Or la pensée de la métaphore était conditionnée, au XIIe-XIIIe siècle, par une culture exégétique, fondée sur l’analyse et l’interprétation du texte biblique (et secondairement, sur la relecture de certains classiques latins, au premier rang desquels les Métamorphoses d’Ovide). C’est en particulier l’époque du perfectionnement de la théorie des quatre niveaux de sens bibliques, et du développement d’une pensée prophétique, à forte teneur millénariste (joachimisme et pseudo-joachimisme), nourrissant son symbolisme de spéculations sur les applications à la société médiévale contemporaine des symboles employés par les prophètes vétéro-testamentaires ou par les paraboles néotestamentaires. Le XIIe siècle voit dans ce contexte en France et en Italie le développement de nouvelles techniques de prédication qui conduisent à la création de manuels d’explication des symboles bibliques, où l’on détaille les valeurs, souvent polysémiques, des animaux, végétaux, minéraux, objets ou entités religieuses divers charriés par le texte sacré (distinctiones theologicae d’Alain de Lille, par exemple…). Il est probable que les inévitables interactions entre les nouvelles formes de sermons (développement de l’ars praedicandi et apparition puis floraison du sermo modernus, pour lesquels cf. Bériou 2000) et l’ars dictaminis en pleine croissance ont fortement contribué à structurer cette pensée de la transumptio/translatio qui apparaît particulièrement détaillée chez Boncompagno da Signa ou Bene de Florence, dans les années 1200-1230.
L’ars dictaminis classique apparaît ainsi comme une tentative originale d’actualiser la pensée exégétique médiévale dans le champ rhétorique. Au niveau de la théorie, les maîtres invoquent de manière répétée l’équivalence entre la prose du dictamen et la parole divine en s’aidant de cette pensée de la métaphore biblique. Cette insistance sur la métaphorisation rapproche leur langage, structurellement assez distant de la prose de la vulgate, de la phraséologie biblique (Grévin 2008b, p. 140-261). Dans la pratique, l’utilisation de métaphores d’origine biblique (Cremascoli 2003), ou liturgiques, distingue fortement les textes écrits selon l’idéologie de l’ars dictaminis de la prose classique, mais aussi d’autres styles de rédaction solennelle plus anciens, moins imprégnés par ce langage, tout en la rapprochant des rhétoriques du sermon. Alors que le latin des humanistes et des époques postérieures sera de ce point de vue hybride, la référence à la Bible s’effaçant quelque peu devant le retour en force des classiques, la doctrine du dictamen correspond probablement à un temps de conformation maximale du langage d’apparat médiéval à la symbolique des deux Testaments. Là encore, les justifications théoriques et les applications pratiques se doublent d’une véritable dimension idéologique, sensible dans la prétention de certains dictatores à dominer le champ du savoir au nom d’une pensée du contrôle de l’univers par la métaphore. À l’opposé de l’idéologie de « clarté stylistique » classique, les dictatores du XIIIe siècle soutiennent que la perfection de leur art rhétorique dépend de leur capacité à manier les symboles à travers lesquels les sages, à l’image de Dieu, doivent décrire le monde. Tels les prophètes de l’Ancien Testament, les grands dictatores du XIIIe siècle parlent par symboles. Ils retrouvent ainsi une parcelle des charismes de la parole divine. Cette glorification d’une obscurité métaphorique rencontre une certaine opposition, par exemple chez des juristes (Odofredo de Denariis, vers 1250, cf. à ce sujet Grévin 2008b, p. 134-136 ; 524-525). Et cette doctrine n’est pas portée au même niveau d’incandescence par les notaires des communes italiennes du nord, dont la rhétorique est souvent moins chargée d’accents prophétiques, que par la Curie romaine, dont c’est pour ainsi dire le style naturel, ou par la cour de Sicile et ses continuateurs, qui portent l’amour de l’obscurité symbolique à de réels paroxysmes. Cet aspect biblique et paraliturgique du dictamen n’en est pas moins révélateur d’une philosophie du langage, et d’une pensée de la rhétorique, en osmose avec une lecture symbolique de l’univers profondément ancrée dans la pensée religieuse du temps, très loin des modes de production et des justifications théoriques de la rhétorique classique.
Dictamen et inshā’ : entre malentendus génétiques et perspectives comparatistes
L’ars dictaminis est donc un art de l’écriture reposant sur la sur-ornementation d’une prose rythmée, le culte du double sens et de la métaphore, cultivé par une caste de techniciens de la rhétorique et centré autour de la lettre. Il est opposé dans ses logiques aux vertus supposées de rigueur et de clarté de la rhétorique classique, et s’épanouit dans l’exaltation des rhétoriques de l’État par un recours permanent au Livre… Pour qui a quelque familiarité avec les cultures textuelles de l’islam classique, il est difficile de ne pas être frappé par les parallélismes qui abondent entre les logiques d’enseignement et de rédaction de l’ars dictaminis et celles de son équivalent arabe développé par les kuttāb arabes de l’âge classique et, en arabe, puis en persan, et en turc, par leurs épigones des derniers siècles du Moyen Âge et de l’époque moderne : le ‘ilm al-inshā’. De fait, la question des rapports, génétiques ou structurels, entre le dictamen et l’inshā a été soulevée par différents spécialistes de l’écriture en chancellerie ou de l’enseignement dans le monde arabe (cf. dernièrement Buresi-El Aalaoui 2013). Ce problème recouvre en fait deux questions différentes, qu’il importe d’examiner séparément. Du côté des arabisants, c’est principalement Gorges Makdisi qui a soulevé, en particulier dans un article (Makdisi 1989) dont l’argumentation a été reprise dans certains de ses essais (par exemple Makdisi 1990), la question de l’impact des formes d’écriture en prose ornée arabe sur l’Occident médiéval, en allant jusqu’à postuler que l’apparition et le développement du dictamen étaient étroitement liés à la réception de la culture islamique par l’Occident latin aux XIe, XIIe et XIIIe siècles. Il soulignait en particulier le rôle fondateur joué dans la naissance et le développement de l’ars par le royaume de Sicile et l’Italie du sud, à une époque où la cour sicilienne était largement ouverte aux influences arabes. Ses thèses ne semblent pas avoir trouvé d’écho direct dans les travaux consacrés à l’ars dictaminis par les spécialistes européens ou américains de la question ces vingt dernières années. Elle ne sont pourtant pas totalement isolées, car certains spécialistes de la culture italienne et sicilienne normande et frédéricienne (non-spécialistes de l’ars dictaminis) ont postulé que le culte pour la rhétorique (terme qu’ils emploient, sans distinguer entre ‘ilm al-inšā, balāġa, etc…) des prosateurs arabes avait pu avoir une incidence sur les choix stylistiques de la chancellerie sicilienne à l’époque de Frédéric II et sur le développement d’une rhétorique d’État surchargée sous la direction de Pierre de la Vigne (Paratore 1965, p. 149-152 ; Morpurgo 1991). C’est à ces dernières hypothèses que Fulvio Delle Donne a répondu par la négative dans un article sur les influences arabes supposées sur le style de la chancellerie de Frédéric II qui semble la seule prise de position concernant ce problème chez les spécialistes de latin médiéval (Delle Donne 1992).
Un examen dépassionné conduit effectivement à avancer une réponse négative concernant une influence possible du culte arabe de l’inshā’ sur la naissance et le développement de l’ars dictaminis. Si l’on exclut les hypothèses scabreuses, les points de contact théoriquement envisageables pour un tel transfert se limitent à la péninsule ibérique et à la Sicile. Or l’Espagne et le Portugal ont été des terres de réception relativement tardives d’une ars dictaminis qui y a été importée de France et d’Italie au plus tôt à l’extrême fin du XIIe siècle, sous une forme déjà évoluée (Gómez-Bravo 1989). La péninsule ibérique n’a ensuite exercé aucune influence notable sur le développement des doctrines et des pratiques dans le reste de l’Europe. Restent donc l’Italie du sud et la Sicile, qui offrent a priori un terrain plus favorable à l’échafaudage d’hypothèses. La constitution du royaume normand de Sicile, qui incluait la Sicile insulaire dotée d’une population à majorité islamique au moment de la conquête (1060-1091), a en effet créé un terrain favorable à d’intenses échanges culturels entre mondes arabes, grecs et latin, échanges qui se sont poursuivis pendant la plus grande partie du XIIe siècle. Et si le royaume de Sicile de Frédéric II, où les populations musulmanes et arabophones n’étaient plus qu’une minorité résiduelle, était assez différent de celui de ses prédécesseurs normands, la cour de Frédéric II (jusqu’en 1250) et de son fils Manfred (1254/1258-1266) étaient encore un centre de réception de savoirs arabes. Il est donc a priori tentant de supposer que différents transferts de formes textuelles ont pu exister entre les producteurs de textes rentrant dans la catégorie de l’inshā’ et les artisans du dictamen qui avaient la possibilité de se côtoyer dans ces milieux.
Il faut pourtant résister à cette tentation, pour plusieurs raisons. D’une part, les hypothèses concernant les conditions d’une influence possible de cet aspect des productions textuelles du monde arabe vers la Sicile latine ont été avancées sans tenir compte des rythmes de l’histoire interne de l’ars dictaminis. Celle-ci ne naît pas en Sicile insulaire, centre du royaume normand, et elle ne s’y développe que pendant la seconde partie du règne de Frédéric II (1220-1250), quand la cour a migré sur le continent, très loin de l’ambiance culturelle de Palerme. Les techniciens au service de la chancellerie latine sont presque tous originaires de Campanie, et aucun des grands noms qui composent les documents recueillis plus tard dans les collections de lettres de Pierre de la Vigne ne faisait partie des savants de la cour de Frédéric II susceptibles d’avoir maîtrisé suffisamment l’arabe pour avoir une idée des techniques de rédaction en prose rimée liées au ‘ilm al-inshā’. Surtout, aussi bien la naissance de l’ars avec Albéric du Mont-Cassin que la mise à niveau de la chancellerie sicilienne sous Frédéric II ont d’abord été faites sous l’inspiration de la papauté. En particulier, la mise au point progressive des techniques d’ornementation rythmique et métaphorique présentées supra a ses racines dans des strates de la culture textuelle latine occidentale qui renvoient à la culture ecclésiastique et étatique tardo-antique (chancellerie papale et ostrogothique), et ne présentent pas d’interférence directe notable avec les cultures textuelles musulmanes.
Les rhétoriques (épistolaires et autres) ornées de l’islam classique et du monde latin bas-médiéval n’entretiennent donc pas vraiment de rapports génétiques, sinon ceux d’un cousinage lointain et trop générique pour être relevé avec profit (en ce qu’elles dépendent toutes deux d’un fonds culturel méditerranéen qui comprend également Byzance et plonge ses racines dans l’antiquité tardive, cf. pour cette communauté très large, mais à l’exception du latin, le dossier Grob-Kaplony 2008). Il s’en faut pourtant de beaucoup que la question des rapports entre l’inshā’ et le dictamen doive être évacuée. À condition d’être déplacée et envisagée sous l’angle du comparatisme, l’analyse des points communs (et des différences) entre ces deux idéologies d’écriture et les réalisations concrètes qui en dépendent peut au contraire enseigner beaucoup sur la signification socio-culturelle de ces cultures de la prose ornée dans les civilisations traditionnelles du bassin méditerranéen. Suggérons en conclusion quelques pistes prometteuses pour une analyse comparée de ces idéologies stylistiques. Une première idée consisterait à tenter de comparer le degré d’incidence des techniques d’ornementation rythmiques (dans le cas de l’ars) ou rimiques et rythmiques (dans le cas de l’inshā’) sur la structure du texte. Quels sont les effets conceptuels du recours au saj‘ sur la prose des compositions qui suivent les préceptes de l’inshā’ ? Sont-ils comparables aux formularismes développés dans la culture du dictamen sous le poids du cursus rythmique ? Les contraintes du saj‘, dont le double conditionnement par la rime (surtout) et par le rythme n’est pas exactement de même type que celui du cursus, sont-elles plus pesantes que celle des rythmisations latines ? Dans la mesure où, quels que soient les jugements de valeur portés sur la culture des proses rimées (et rythmées) arabes de l’âge postclassique (cf. pour un jugement négatif Kouloughli 2007, p. 93-94), les chercheurs en histoire textuelle arabe médiévale sont généralement familiarisés avec les thématiques et les problèmes posés par la culture des proses ornées, il faut également noter qu’une comparaison structurelle permettrait aux historiens des textes latins, généralement beaucoup moins sensibles aux phénomènes correspondant dans leur sphère, d’en appréhender mieux la portée symbolique et formelle. En sens contraire, on sait les difficultés des spécialistes de l’écriture en chancellerie de l’Occident et de l’Orient arabe à reconstituer l’histoire de la création et de la circulation des formules rhétoriques à travers les chancelleries (cf. Aigle-Buresi 2008 et Buresi-El Aalaoui 2013). Ces difficultés proviennent principalement d’un problème de sources, causé par la destruction de la plupart des archives du monde arabe médiéval. De ce point de vue, une comparaison avec les cultures du dictamen latin, portant sur les cycles de création des modèles de chancellerie, permettrait sans doute d’avancer de nouvelles hypothèses sur les formes de retraitement textuel à l’œuvre dans le monde musulman (Buresi 2013). Car l’étude de ces processus de retraitement rhétorique des sources, facilitée par la présence d’une chaîne documentaire souvent en partie encore intacte (des archives au traité rhétorique en passant par les manuels de chancellerie) a fait des progrès considérables pour l’Europe latine des XIIIe et XIVe siècles. On entrevoit là quelques-unes des nombreuses perspectives d’enrichissement mutuel de notre connaissance de ces idéologies rhétoriques arabe et latine. Mais ces perspectives sont de type comparatiste et structurel.
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