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Paideia

Éducation et accomplissement humain dans la Grèce antique

Qu’il soit question de la paideia décrite par Homère, des humanitas de Cicéron ou encore de l’adab dans la culture arabo-islamique, ce que l’on rend par le mot de « culture » a ceci d’universel qu’elle n’a rien d’une formation professionnelle, mais correspond à un ensemble de savoirs dont l’acquisition vise au développement harmonieux du corps et de l’esprit, à l’accomplissement de l’homme autant d’un point de vue théorique qu’éthique.

L’éducation des sophistes : de l’idéal aristocratique et à l’idéal démocratique

Le premier éducateur qui nous soit connu est Chiron, « le très sage centaure » (Iliade, XI, 832). Précepteur d’Achille, d’Asklèpios, de Jason, de Nestor et de bien d’autres héros encore, il enseigne autant les sports, les exercices chevaleresques, la chasse, l’équitation et le javelot que la la lyre, la chirurgie et la pharmacopée (Iliade, XI, 831-832). À l’âge classique, l’éducation grecque considère encore Homère comme texte de base. Cette survivance des textes homériques se traduit par un enseignement de type essentiellement réceptif, et selon Ilstraut Hadot [p. 12], « il s’agit principalement de mémoriser des parties plus ou moins grandes du patrimoine épique et lyrique », comme en témoigne Xénophon (Banquet, 3, 5-6) :

« Mon père, répondit Nikératos, qui veillait à ce que je devinsse un homme de bien, m’a obligé à apprendre tous les vers d’Homère. Aussi pourrais-je maintenant réciter par cœur d’un bout à l’autre l’Iliade et l’Odyssée. - Ignores-tu, fit Antisthène, que tous les rhapsodes eux aussi savent ces vers ? - Comment pourrais-je l’ignorer, moi qui suis leur auditeur presque quotidien ? - Connais-tu une engeance plus sotte que celle des rhapsodes ? - Non, par Zeus, répondit Nikératos, non vraiment, je ne crois pas. - Il est clair, en effet, dit Socrate, qu’ils ne connaissent pas le sens caché des vers. Mais toi tu as donné force argent à Stésimbrote, à Anaximandre et à quantité d’autres, si bien que rien ne t’échappe de ce qu’ils contiennent de précieux. »

Mais Homère déploie aussi un idéal éthique, l’amour de la gloire, qui est encore celui de la classe dominante à l’âge classique. La gloire, la reconnaissance objective du mérite, la bravoure, la fermeté d’âme, l’amour de soi (philautia), et même l’orgueil (megalopsuchia), loin d’être des vices, sont les parties constitutives d’une morale qui fait de l’honneur la valeur centrale de l’existence. L’éducation traditionnelle, ou archaia paideia (Aristophane, Les Nuées, 961), telle qu’elle est constituée à Athènes dans la première partie du Ve siècle, c’est-à-dire avant les grandes innovations pédagogiques qu’apportera la génération des sophistes et de Socrate, est physique, musicale et littéraire. L’idéal aristocratique s’est certes démocratisé, sinon vulgarisé, et se développe au niveau institutionnel, mais il promeut toujours comme modèle la kalokagathia (le fait d’être un homme bel et bon), un esprit pleinement épanoui dans un corps superbement développé. L’adoption d’un mode de vie civil et non plus militaire transpose ainsi au niveau de la compétition sportive l’ancien idéal héroïque. Les poètes aristocrates, Théognis et Pindare, à l’image de la vieille noblesse, n’ont d’ailleurs que dédain et mépris pour ces progrès. La valeur peut-elle s’acquérir par le seul enseignement ? Pour Pindare, l’éducation n’a de sens que si elle s’adresse à un noble, qui a à devenir ce qu’il est de part ses origines (Pindare, Pythiques, II, 131).

Mais dans le dernier tiers du Ve siècle, les savants, c’est-à-dire les philosophes mais aussi les sophistes, vont révolutionner l’approche de la paideia en l’ouvrant à d’autres sources, à d’autres méthodes, à d’autres discours. Ce qu’ils conservent toutefois de la formation traditionnelle, c’est sa vocation élitiste. La paideia s’adresse exclusivement à l’homme libre, dont l’existence dévolue aux affaires de la cité et parfois aussi à l’étude exclut l’exercice d’un métier rémunérateur.

La paideia se distingue ainsi nettement de l’enseignement professionnel. Plusieurs extraits des Dialogues de Platon en attestent : « Or donc, la connaissance qui a rapport aux objets de notre savoir comprend, je suppose, deux parties, dont l’une est relative aux métiers, tandis que l’autre concerne l’instruction et la culture » (Philèbe, 55d1-3). Le Sophiste (229d1-2) reprend cette distinction en séparant au sein du genre « art d’enseigner » (didaskalia) l’enseignement professionnel (dèmiourgikas didaskalias) de l’éducation (paideia). Il y a, d’un côté, l’enseignement d’un savoir pratique ou artisanal qui concerne la production d’un ouvrage ou d’une pratique dont la visée est professionnelle, et, de l’autre, une formation culturelle dépourvue de toute application professionnelle. Déjà chez Homère, dèmiourgos renvoie à tout homme qui exerce une profession (devin, médecin, ouvrier en bois, voir Odyssée, XVII, 83). À l’époque classique, la signification du terme se précise, il s’agit désormais de celui qui exerce une profession manuelle. Le cordonnier peut être dit dèmiourgos chez Platon (Gorgias, 447d3), tout comme le médecin praticien, par opposition au médecin savant chez Aristote :

« Or un médecin ce peut être soit le praticien, soit le chef d’école, soit en troisième lieu celui qui possède une culture médicale, car il y a de tels gens cultivés pour ainsi dire dans tous les arts, et nous n’accordons pas moins le droit de juger aux gens cultivés qu’aux spécialistes » ( Politiques, III, 11, 1282a3-7).

Distincts dans leur vocation, le savoir dèmiourgos et la paideia le sont aussi par l’extension de leur objet : le premier est une connaissance spécialisée, la seconde a une vocation plus universelle. Cette séparation est également assumée par les sophistes qui opposent à la spécialisation professionnelle l’éducation de l’homme libre qui, elle seule, porte le nom de paideia :

« Supposes-tu donc plutôt, Hippocrate, que telle ne sera pas ton instruction auprès de Protagoras, mais qu’elle sera toute pareille à celle que tu as reçue du maître de grammaire, du maître de cithare, du maître de gymnase ? Ce n’est pas en effet en vue de l’art même qu’elles constituent, que tu as appris chacune de ces choses et comme si tu devais être un professionnel de cet art, mais en vue de ton éducation, comme il convient que le fasse celui qui n’est pas un spécialiste et qui est un homme libre ! » (Protagoras, 312a7-b4).

Le sophiste, loin d’enseigner un savoir professionnel, spécialisé, ayant pour objectif l’exercice d’un métier, propose à son disciple de lui transmettre une sorte de culture générale (voir George B. Kerferd, chap. III, p. 17). Ce savoir délivré par le sophiste ne porte pas directement le nom de paideia, mais il constitue le moyen d’y parvenir. C’est « en vue de [son] éducation » (epi paideia) que le jeune Hippocrate a suivi, jusqu’à présent, l’enseignement traditionnel, et c’est pour la parfaire qu’il suivra peut-être celui de Protagoras. L’enseignement professé par ces savants itinérants que sont les sophistes de la fin du Ve et du début du IVe siècles (Gorgias, Protagoras, Hippias ou Prodikos) prétend accomplir l’éducation de l’homme privé et libre, lui donner un enseignement universel, complet, qui le prépare à remplir toutes les fonctions politiques susceptibles d’échoir un jour au citoyen d’une des grandes villes-états de l’époque classique. L’excellence, en cette fin du Ve siècle, ne s’exprime plus dans le domaine du sport, mais s’incarne dans l’action politique. Or, pour s’imposer au sein du débat démocratique, il faut désormais savoir persuader. Les sophistes introduisent donc au sein de leur programme éducatif un entraînement formel et logique, qui a pour but la maîtrise de la discussion et du discours, la rhétorique.

Protagoras, de son côté, prétend professer un savoir dont l’orientation politique est clairement assumée. Il s’agit de promouvoir un certain type d’homme capable d’exercer avec succès ses fonctions au sein de la cité. Destiné aux leaders politiques de demain, son enseignement veut fonder le savoir de la chose économique et politique qu’il décrit en ces termes : « Or, l’objet de mon enseignement, c’est le bon conseil (euboulia) touchant les affaires qui le concernent proprement : à savoir comment administrer au mieux les affaires de sa maison à lui [Hippocrate], et, pour ce qui est des affaires de l’État, savoir comment y avoir le plus de puissance, et par l’action, et par la parole » (Protagoras, 318e5-319a2). Ce faisant, il critique implicitement tout enseignement par trop technique et spécialisé, en dispensant une formation de type économico-politique, correspondant aux structures complémentaires de l’oikeia et de la polis. Il promet d’enseigner l’organisation de la maison, l’exercice du pouvoir, ainsi que la direction des affaires publiques devenus l’occupation essentielle en même temps que l’activité la plus noble et la plus prisée de l’homme grec. L’euboulia est tout à la fois un savoir, une vertu et une certaine sensibilité « qui permet à celui qui la possède d’être à la fois parfaitement en harmonie avec la cité dont il est membre, et en même temps en position de gouvernant en vertu de ses talents de conseiller et d’expert » (Olivier Renaut, p. 349). Il ne s’agit pas de diffuser un enseignement démocratique, la formation qu’il propose s’adresse explicitement au citoyen influent. L’euboulia ne saurait cependant « se réduire à une simple capacité gestionnaire amorale » (ibid. p. 353). Protagoras inscrit l’objet de son enseignement dans un mouvement éducatif vaste et diffus qui se confond avec « ce qui est juste et conforme à l’usage » (Protagoras, 327a8). Cela ne signifie pas qu’il est le partisan de conduites conventionnelles et stéréotypées, mais que sa formation est basée sur le respect des règles du jeu public, tout en s’adressant à ceux qui se destinent à une carrière politique. En un sens, Protagoras, comme Platon, pense que l’éducation est la clef de tous les problèmes sociaux et politiques. Mais ils divergent radicalement sur le contenu de cette éducation. Le sophiste enseigne les règles du vivre ensemble, telles qu’elles sont conformes à l’usage.

 L’éducation platonicienne : l’accomplissement de la nature par la culture

Les Dialogues présentent le plus souvent la figure du sophiste comme l’adversaire privilégié de Platon : le Gorgias dénonce la vacuité de la rhétorique en la réduisant à une pratique qui ne fait que singer le savoir, le caractère général de la culture ainsi dispensée est d’emblée soupçonné d’inconsistance, le Protagoras s’oppose au projet du sophiste d’enseigner la vertu politique, la République, quant à elle, dénonce l’amateurisme de l’enseignement sophistique qui prétend introduire le savoir dans l’âme de ses auditeurs sans considérer au préalable leurs réelles capacités (République, VII, 539d3-6). L’art des questions/réponses ne doit être enseigné qu’à des individus soigneusement sélectionnés et ne doit être utilisé que pour chercher la vérité. Mais bien qu’il en intègre certains éléments, gymnastique et musique constituent toujours les bases de l’enseignement des gardiens (République, II, 376e2 sqq. ; Criton, 50d6), le projet pédagogique de Platon ne se satisfait pas de ce qu’est la paideia traditionnelle.

Pensé pour tirer le meilleur de chaque individu, le projet éducatif platonicien qui constitue le cœur de sa philosophie politique, se pose avant tout comme un principe de sélection. Il est en ce sens clairement anti-démocratique. La paideia platonicienne a vocation à déployer harmonieusement l’ensemble de l’individu – le point culminant étant l’acquisition de la sophia –, mais aussi à employer au mieux les capacités de chacun en vue du bien de la cité. Elle se distingue en tant qu’instruction de sa phase propédeutique qu’est la trophè, soit le fait d’élever un enfant (Alcibiade, 122b4 ; République, III, 412b2 ; IV, 423e4), pour lequel on a recourt aux mythes, aux comptines, aux jeux, toutes ces activités étant bien sûr dûment contrôlées par la cité (Lois, VII, 793e-794b). Les textes poétiques sont ainsi soumis à la censure, il faudra les expurger, les corriger pour qu’ils soient conformes à la fin de l’éducation, la recherche de la vérité. À partir des sept ans de l’enfant commence la propaideia (garçons et fille sont alors séparés), Platon reprend les éléments de l’éducation grecque traditionnelle, à savoir, la gymnastique pour le corps et la musique pour l’âme. Notons que la mousikè comprend aussi l’étude des compositions littéraires (République, II, 376e2 sqq.). Une part non négligeable est aussi accordée à l’apprentissage des mathématiques. Mais seul un petit nombre d’esprits suffisamment doués pourront pousser l’étude des mathématiques jusqu’au bout (République, VII, 503e-504a). Déjà la pédagogie se fait sélection, car seuls les esprits prédisposés à l’étude des nombres seront peut-être dignes de la philosophie (République, VII, 535c-d). La science théorique du nombre, en se dégageant du sensible, ouvre à l’étude des intelligibles. Pour les meilleurs, le programme consiste ensuite, entre la vingtième et la trentième année, en l’apprentissage de l’arithmétique, de la géométrie, de l’astronomie et de la théorie de la musique (République, VII, 522c8-531c7). Ces quatre science préparent l’esprit, le développent, à condition qu’elles servent de propédeutique à une étude des intelligibles. À trente ans seulement, après une dernière sélection, la méthode dialectique peut être abordée. Mais c’est seulement vers cinquante ans, le philosophe devant encore au préalable consacrer quinze ans de sa vie à la cité, que le but peut être atteint, la contemplation du Bien (République, VII, 539e). Sélection après sélection, la paideia ne vise, dans sa version la plus accomplie, à la formation que d’un très petit nombre.

La nature humaine est une réalité à construire qui n’est pas d’emblée tout ce qu’elle peut et doit devenir. La paideia doit ainsi aider l’homme à se réaliser à la mesure de ses capacités. Le cadre politique voulu par Platon au sein duquel l’éducation prend place est là pour évaluer les potentialités de chacun, de façon à ce qu’elles servent au mieux les intérêts de la cité. La contingence qui fait naître l’homme dans telle cité à telle époque, sous telle constitution, au sein de telle famille et de tel milieu déterminé compose une sorte de lot dont l’homme doit s’accommoder toute son existence. Au sein de ces conditions déterminantes, le naturel (phusis) tient une place particulière. Précédant la naissance de l’individu, il constitue la borne au-delà de laquelle aucune paideia ne saurait aller. Le naturel de l’homme, compris comme patrimoine autant physiologique que social et culturel, détermine alors son existence au moins en partie, en le prédisposant intellectuellement et moralement. Ce qui nous est donné par la nature ne se limite donc pas à des conditions physiques, il y a aussi chez les individus une différence de naturel, compris comme tempérament. C’est pour cela que le contrôle des naissances, ce qu’on appelle l’ « eugénisme platonicien », ne se réduit pas à la sélection des corps viables, mais passe également par un choix sélectif des parents qui vise à associer des tempéraments complémentaires de manière à éviter toute propension aux excès ou aux défauts (Politique, 310d6-e3). Le projet politico-éducatif platonicien ne se limite pas à contrôler et à utiliser des données naturelles, il travaille aussi à la fabrique d’une nature humaine idéale, du moins d’une nature propre à servir au mieux les intérêts de la cité.

Il ne s’agit cependant pas pour Platon de fabriquer un homme nouveau, mais plutôt d’en restaurer la nature. Pour Platon, c’est avant même de naître que l’homme peut être voué à devenir mauvais. Pour prévenir la perpétuation de pareilles engeances, Platon mobilise toute une politique qu’on peut appeler « eugéniste » qui a pour but d’améliorer moralement l’homme, ce qui passe à la fois par un contrôle prénatal (politique de contrôle des accouplements) et un suivi postnatal (paideia). La phusis et la paideia ne fonctionnent pas nécessairement comme deux facteurs rivaux, elles sont, au contraire, complémentaires, la seconde peut corriger les excès ou défauts de la première. En ce sens, l’articulation phusis/paideia n’annonce en rien l’opposition moderne nature/culture. Parce qu’elle fait référence à une humanité perdue, comme le montre le mythe du règne de Cronos et de Zeus (Le Politique, 269b-274e), la législation « eugéniste » n’est pas contre-nature, mais bien restauration d’une nature initiale. La paideia ne s’articule donc pas à la phusis comme à un élément dont il faudrait forcément réduire l’importance dans la formation du caractère. La régulation étatique des naissances va dans le sens d’un retour à une nature première, où la paideia intervient comme médiation. La maîtrise du naturel, comme processus intégral de contrôle politique de la société, suit le jeune enfant depuis sa conception (dans le cadre du choix des conjoints) jusqu’à sa mise en place légitime dans le cadre social de la Cité. La paideia est alors le moyen de parachever le processus eugéniste, en préparant le jeune enfant à prendre place dans la cité.

Mais s’il s’agit éventuellement de produire des naturels en travaillant en amont de la naissance, l’éducateur doit aussi adapter le contenu et le niveau de la paideia aux naturels déjà existant. L’éducation ne fait alors qu’accomplir ce que contient virtuellement la phusis de l’individu. Encore faut-il un regard suffisamment acéré pour identifier à quel type de naturel on a affaire (Le Politique, 310a1-2). La tâche qui incombe à l’éducateur d’accomplir est en définitive comparable au processus naturel d’accroissement. Certes la nature humaine ne se déploie pas avec la spontanéité d’une plante qui aboutit à son point de maturation sans aucune intervention extérieure ou normative. Cependant ce n’est pas parce que la nature humaine doit se déployer sous l’égide de l’intellect (noûs) que son accomplissement n’a rien de naturel. L’éducation doit être « conforme à la nature » (kata phusin), ce qui revient, quand les lois sont bonnes, à être « conforme aux lois » (kata nomous). C’est alors qu’intervient le regard acéré de l’éducateur qui se fait, dans ses conditions, sélectionneur de naturels :

« De plus, nous voulons que cet inspecteur de notre jeunesse ait le regard perçant, qu’il exerce sur l’éducation de la jeunesse une surveillance exceptionnelle, pour donner chez celle-ci de la rectitude aux dispositions naturelles en la [leur nature] constamment vers ce qui est bien, en conformité avec les lois » (Lois, VII, 809a3, trad. L. Robin légèrement modifiée).

La vocation de la Cité platonicienne n’est pas de produire en série des hommes en tout point identiques, faisant fi de leurs particularités. Bien au contraire, l’ « eugénisme platonicien » n’a rien d’une machine à fabriquer un homme nouveau, puisqu’on n’éduque pas tous les naturels de la même façon. En un sens, la phusis dicte à la paideia sa nature, son orientation et sa finalité.

 Science, éducation et culture chez Aristote : l’ouverture sur l’universel

S’inscrivant à la fois contre la formation sophistique et la paideia platonicienne, Aristote critique tout autant le savoir en trompe l’œil des sophistes que l’intellectualisme de Platon, tout en réhabilitant l’idée d’une culture générale. Le savoir sophistique privilégie les apparences, sources de profit, au détriment de l’être :

« Et puisque certains gens trouvent leur avantage à paraître sages plutôt qu’à l’être sans le paraître (car la sophistique est une sagesse apparente mais sans réalité, et le sophiste, un homme qui tire un profit pécuniaire d’une sagesse apparente mais non réelle), il est clair qu’il leur est nécessaire aussi de paraître faire œuvre de sagesse, plutôt que de le faire réellement sans le paraître » (Réfutations sophistiques, I, 1, 165a19-24, trad. J. Tricot)

Pour autant, Aristote ne partage pas le mépris platonicien pour toutes les sciences qui font appel aux sens (physique ou histoire naturelle). Celui qui s’adonne aux sciences de façon désintéressée n’est pas un travailleur servile. Le travail, c’est l’occupation qui avilie le corps, l’âme ou l’intellect en les rendant impropres à l’exercice de leurs vertus propres. Il s’agit de tout métier exercé contre de l’argent ou sur ordre d’autrui (Politiques, VIII, 1337b4-21 et Métaphysique, A, 982b20-28). Mais la science n’est pas exactement la paideia, comme le montre le tout début des Parties des Animaux :

« En tout ordre de connaissance et de recherche, la plus simple comme la plus haute, il semble qu’il y ait deux sortes d’attitudes ; on nommerait bien la première, science (epistèmè) de l’objet, et l’autre, une sorte de culture (paideia). Car c’est bien le fait d’un homme cultivé que d’être apte à porter un jugement qui tombe juste sur la manière, correcte ou non, suivant laquelle on fait un exposé ; c’est même à ce signe que nous reconnaissons la culture générale, et le résultat de l’éducation est précisément cette aptitude. Avec cette distinction toutefois que nous reconnaissons tel homme capable de juger, lui tout seul, pour ainsi dire de toutes choses, tandis qu’un autre ne sera compétent que dans un domaine déterminé » (Parties des Animaux, I, 1, 639a1-10).

Toute science porte sur un objet limité et déterminé, un genre de l’être, il n’y a donc pas par définition de science universelle, ce qui ménage une place à une culture générale. La culture n’est donc pas une connaissance spécialisée, mais, parce qu’elle possède des clartés de tout, elle rend apte à juger de la méthode (tropos), correcte ou non, d’un exposé scientifique. Elle ne permet cependant pas d’évaluer l’exactitude des conclusions auquel le savant aboutit. Si par certains aspects, cette culture générale semble se rapprocher de la dialectique, elle ne saurait cependant se réduire à l’art oratoire des sophistes qu’Aristote critique avec une virulence comparable à celle de Platon.

Il faut maintenant distinguer de cette paideia-culture générale la paideia comme éducation : la première est le résultat du processus qu’est la seconde et il est évident que la paideia comme processus éducatif tient une place bien plus importante dans la philosophie aristotélicienne que la paideia-culture générale. La paideia est ni plus ni moins ce qui permet la vie en communauté, dont le but n’est pas la seule survie, mais le bien-vivre, (eu zèn), c’est-à-dire la vie heureuse. En ce sens, l’éducation est plus affaire de politique que de pédagogie laissée aux maîtres et aux pédotribes, à savoir l’entraîneur des athlètes au Palestre (pièce réservée à la pratique de la lutte, du pugilat et du pancrace). L’homme est par nature un animal politique (Politiques, I, 2, 1252a), ce qui veut dire qu’il ne saurait développer son humanité en dehors de la polis. C’est le seul cadre à même de former l’homme à la vertu, à l’excellence, à la réalisation de sa fonction propre, c’est-à-dire : « une certaine vie pratique de la partie rationnelle de l’âme » (Éthique à Nicomaque I, 6, 1098a2). La vertu est la condition, non pas adjuvante, mais constitutive du bonheur et seule la cité offre un cadre adapté à son éclosion.

La sociabilité naturelle de l’homme ne se convertit cependant pas spontanément en une amitié (philia) pour son prochain. Il y a donc besoin d’une intervention humaine pour que la nature se réalise et la cité doit s’intéresser à ce qui produit la vertu, à savoir l’éducation. Ce qui met au cœur de la paideia la loi qui énonce ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire et le législateur ou nomothète comme vrai éducateur. Or les lois dépendent de la constitution (l’organisation des magistratures), il n’y a donc de bonnes lois qu’au sein d’une bonne constitution (politeia). Le législateur doit donc être capable, par le biais de bonnes lois, de diffuser la vertu dans le corps social et, ce faisant, d’éduquer les citoyens. L’éducation est donc politique sous trois aspects : « 1) elle concerne l’ensemble de la communauté en concourant par la vertu à la constitution du lien social […] ; 2) elle doit être organisée en conformité avec la constitution en vigueur, c’est-à-dire avec la politique effective ; 3) elle dépend de celui qui possède et exerce la compétence politique » (Pierre-Marie Morel, Aristote. Une philosophie de l’activité, p. 246). La communauté politique est donc le lieu où l’être humain pourra réaliser sa perfection, ce qui n’est possible que si l’on vit sous des lois justes, qui régissent l’éducation et qui en rappellent les principes aux sujets devenus adultes :

« Mais sans doute n’est-ce pas assez que pendant leur jeunesse des hommes reçoivent une éducation et des soins également éclairés ; puisqu’ils doivent, même parvenus à l’âge d’homme, mettre en pratique les choses qu’ils ont apprises et les tourner en habitudes, nous aurons besoins de lois pour cet âge aussi, et, d’une manière générale, pour toute la durée de la vie : la plupart des gens, en effet, obéissent à la nécessité plutôt qu’au raisonnement, et aux châtiments plutôt qu’au sens du bien » (Éthique à Nicomaque, X, 10, 1179b31-1180a5).

La maturité intellectuelle, morale et émotionnelle que le législateur est en droit d’attendre de la part des adultes ne se produit pas toujours. Les lois, non suffisamment intériorisées, doivent alors être relayées par le châtiment. Tout animal politique qu’il soit, l’homme ne se comporte pas, la plupart du temps, en citoyen exemplaire. Dans le dernier chapitre de l’Éthique à Nicomaque précisément consacré à l’éducation, Aristote écrit que « ce n’est pas, semble-t-il, au raisonnement que cède la passion, c’est à la contrainte » (Éthique à Nicomaque, X, 10, 1179b29). Il est très difficile de modifier des habitudes acquises de longue date par la seule raison. À cela s’ajoute que la méchanceté exerce un fort pouvoir d’attraction sur l’homme : « la méchanceté des hommes est sans limite » (Politiques II, 7) et, armé de son intelligence, l’homme est capable du meilleur comme du pire. La contrainte ou la nécessité tient donc une place importante dans le système éducatif : la répétition, la multiplication d’exercices, l’inculcation de règles passant parfois par la punition constituent des aspects de l’éducation. L’éducation morale qui débute durant l’enfance consiste à imposer de l’extérieur une régulation aux désirs irrationnels. Or l’enfance et l’adolescence sont l’âge des excès, de l’emportement, de l’exagération (Rhétorique, II, 12, 1389b2-5 ; Éthique à Nicomaque, III, 15, 1119b5-7). L’éducation consiste donc à imprimer un mouvement contraire à l’inclination pour le plaisir qu’éprouve spontanément l’enfant. Lui apprendre à réguler ses appétits et ses passions requiert l’intervention d’une force extérieure parfois contraignante, car ce n’est qu’à force de répéter des actes conformes à la vertu que leur réalisation cesse d’être pénible :

« Mais il est difficile de parvenir dès l’enfance à bien s’entraîner à la vertu, si l’on n’est pas élevé sous de bonnes lois. Car une vie sobre et dure ne plaît pas à la masse des hommes, surtout des jeunes. Aussi faut-il régler par des lois la nourriture et les occupations des jeunes gens : elles cesseront de leur être pénibles, quand elles seront devenues des habitudes. » (Éthique à Nicomaque, X, 10, 1179b31-1180a 1)

Le principe extérieur par lequel l’homme acquiert de bonnes dispositions morales doit être une instance contraignante, capable de contrer ce qui est spontanément estimé plaisant. La paideia ne se réduit toutefois pas à un cortège de techniques coercitives, l’éducateur peut aussi avoir recours à l’émulation, aux encouragements, à la mise en avant de modèle à imiter. Les hommes prennent en effet par nature plaisir à imiter, et cela à tout âge : « Dès l’enfance, les hommes sont naturellement enclins à imiter (et l’homme diffère des autres animaux en ceci qu’il y est plus enclin qu’eux et qu’il acquiert ses premières connaissances par le biais de l’imitation) » (Poétique, 4, 1448b5-9, trad. B. Gernez). Si dans ce texte de la Poétique, Aristote associe la propension qu’ont par nature les hommes à l’imitation au plaisir pris à l’apprentissage, ce ressort affectif peut aussi être utilisé dans le cadre de la formation morale. On peut ainsi inculquer l’amour de la vertu en en soulignant les aspects plaisants. Tout au long de l’Éthique à Nicomaque, Aristote convoque des exemples (paradeigmai) qui sont autant de modèles à imiter. L’exemple compris comme modèle éthique représente un comportement voué à être généralisé par l’imitation. La convocation de modèles est d’autant plus importante qu’Aristote ne livre pas de prescriptions générales, un acte vertueux étant toujours conditionné par des paramètres singuliers (Éthique à Nicomaque, II, 9, 1109b20-23). L’homme prudent (phronimos) indique par ses actes la façon dont il faut conduire sa vie, mais il n’est pas possible d’élaborer à partir de son comportement des règles universalisables.

À la sélection élitiste de la paideia platonicienne répond une vérité quasi-factuelle chez Aristote : étant donné que la paideia est ce qui fait naître en l’homme le citoyen, celle-ci ne saurait s’adresser qu’à des individus de condition libre, jouissant d’une existence qui les met à l’abri de l’activité dévalorisante qu’est le travail. Conformément à son idéal philosophique d’une vie de loisir (scholè) qui ignore les préoccupations relevant de l’utilitaire, le programme éducatif, tel qu’il est décrit au livre VIII des Politiques, est essentiellement consacré aux disciplines libérales (Politiques, VIII, 2-3) : reprenant les bases de l’éducation grecque traditionnelle, la paideia aristotélicienne comprend l’étude des lettres, la gymnastique, la musique et l’art graphique. Le but principal de l’éducation est de former des citoyens propres à mener une vie de loisir, bien distinct du jeu et du relâchement. Ces activités, en elles-mêmes n’ont aucune valeur, mais sont tolérées « à titre de remède » (Politiques, VIII, 3, 1337b40), pour contrer la fatigue. Les considérations sur la musique occupent une place relativement conséquente dans les derniers chapitres des Politiques  : ses vertus ne se limitent pas seulement au plaisir et à l’amusement qu’elle peut procurer, elle a surtout une vocation morale, du moins éminemment éducative. Le mode dorien exprime, par exemple, des émotions qui évoquent de belles dispositions morales. L’émotion esthétique peut donc contribuer au modelage du caractère en lui faisant prendre l’habitude d’éprouver plaisir et peine à bon escient (Politiques, VIII, 5, 1340a12-28).

La paideia aristotélicienne accomplit ce que la nature ne fait qu’esquisser. Comme l’art, elle imite la nature en l’achevant. Ce faisant, elle ne s’inscrit pas contre une nature récalcitrante ou amorale, mais au contraire la parfait en la faisant advenir à l’être effectif.

 L’idéal rhétorique de l’éducation hellénistique

À l’époque hellénistique, l’éducation est dans l’ensemble assez semblable à ce qu’elle était à l’époque classique : sport et exercices militaires jouent un rôle prépondérant, tandis que l’enseignement de la musique conserve son importance, tout comme la littérature. Quant aux sciences fondées sur les mathématiques (arithmétique, géométrie, astronomie et théorie de la musique), leur enseignement se fait plutôt du côté de maîtres privés. Le programme platonicien, destiné essentiellement aux adultes, comprenait l’étude des quatre grandes sciences mathématiques (arithmétique, géométrie, théorie de la musique et astronomie), couronnée par la dialectique. Ses deux premiers successeurs (Speusippe et Xénocrate) demeurent fidèles à l’esprit du maître : le nombre est au fondement de l’ontologie. Mais au IIIe siècle avant notre ère, avec Arcésilas, l’orientation de l’école prend un tournant sceptique, du moins aporétique et l’Académie devient la Nouvelle Académie. Les disciplines traditionnelles sont laissées de côté au profit de la méthode de discussion. À partir de Philon de Larissa, la rhétorique appartient officiellement au programme. Cicéron (De l’orateur, III, 110) veut ainsi démontrer l’unité de la philosophie et de la rhétorique, sur la base d’une analyse historique (id. III, 55-73) qui montre que les anciens considéraient déjà la sagesse comme l’alliance de deux facultés : savoir bien agir et savoir bien parler (ibid., III, 57). Sous sa plume, la paideia devient humanitas  : correspondant d’abord à « un concept assez faible, peu défini, recouvrant l’affabilité, la politesse, la complaisance, le bon gré : dispositions psychologiques qu’on ose à peine qualifier de vertus, et qui relèvent essentiellement de l’urbanité des rapports sociaux ; sans doute est-ce là le sens premier, commun et non spécialisé du terme, assez loin du concept qui s’élabore à la même époque, […] dans les élaborations savantes, la confrontation avec le grec va tôt conduire le substantif latin à absorber et réunir les deux notions grecques, à la fois philosophiques et culturelles, de philanthrôpia et de paideia » (François Prost, «  Humanitas  : originalité d’un concept cicéronien », p. 32-33). L’humanitas est ainsi associée par Cicéron tout à la fois à la culture littéraire (litterae) (Pour Archias, 3), à l’enseignement (doctrina) (Tusculanes, V, 66) et à l’art de la parole (De l’orateur, I, 32). Aulu-Gelle nous offre sur ce point une synthèse éclairante :

« Ceux qui ont créé les mots latins et qui en font fait un usage correct ont appelé humanitas à peu près ce que les Grecs dénommaient Paideia et nous instruction et formation dans les "bons arts". Ceux qui y aspirent et les recherchent avec sincérité, ceux-là sont pleinement humains. Car le soin et la pratique de cette science n’a été donné qu’à l’homme, seuls entre tous les êtres vivants, et c’est pour cette raison qu’on l’a appelée humanitas » (Les nuits Attiques, XIII, 17, 1).

L’école péripatéticienne conserve de son côté un idéal encyclopédique. Avec Andronicos, notamment, l’école privilégie la perspective universaliste qui était celle d’Aristote, bien que la rédaction de commentaires savants sur les œuvres du maître tienne aussi une place importante.

À l’Académie et au Lycée viennent s’ajouter le Portique et le Jardin. L’épicurisme comme le stoïcisme proposent une formation dont le but est l’acquisition de la vertu qui est au fondement de la vie heureuse. Mais au savoir doctrinal vient s’ajouter un ensemble d’exercices pratiques dont le but est de rendre conformes les actions aux dogmes. La philosophie hellénistique insiste tout particulièrement sur la parénétique et l’aspect thérapeutique de l’enseignement. Mais comme le souligne Pierre Hadot (Exercices spirituels et philosophie antique, p. 29-30), la promotion de l’exercice (askèsis) à l’époque hellénistique ne doit pas nous conduire à exagérer la fracture entre une Grèce classique dévolue à la spéculation pure et désintéressée, qui aurait été celle de Platon et d’Aristote, et la période hellénistique qui, décadente, se serait contentée de promouvoir un art de vivre destiné à des individus isolés. Les discours de Platon et d’Aristote n’ont pas pour seul but d’introduire de nouvelles connaissances dans l’âme de leur auditoire, ils y insèrent aussi de nouveaux habitus. L’usage du jugement, de l’action et de la parole sont aussi l’objet d’un savoir. La vertu n’est un don ni divin ni naturel, les tendances inscrites dans le naturel (phusis) devant être révélées par l’exercice (République, VII, 518d9-e2 ; Éthique à Nicomaque, I, 10, 1099b14-17). L’acquisition de la sagesse ne peut donc faire l’économie d’un véritable entraînement, du moins d’une forme d’application. Néanmoins, si l’askèsis occupe une certaine place dans la formation des individus, son rôle est cependant minoré chez Platon, dans la mesure où elle renvoie essentiellement à l’entraînement gymnastique destiné aux futurs gardiens de la Cité (République, III, 404a9-b2) et non à la paideia proprement dite.

La différence majeure séparant Platon et Aristote des philosophes hellénistiques réside dans la nature de l’encadrement de la paideia. Chez les premiers, elle prend place au sein d’une réglementation extrêmement codifiée et se confond avec une éducation institutionnalisée. La préparation proposée par Platon n’est pas destinée à s’adapter aux contours d’une existence particulière, elle doit au contraire produire des individus utiles à la Cité. Ce n’est donc pas à l’individu de s’engager personnellement dans la quête de la sagesse, c’est la Cité qui, sur la base d’une évaluation du potentiel de chacun, suivie d’une sélection, décide, en dernier ressort, jusqu’à quel niveau d’exercice il doit pousser sa formation (République, VII, 536a9-b4). À l’inverse, le Portique ne semble pas réserver sa formation à une quelconque élite, les esclaves, les femmes peuvent assister aux cours dispensés par les maîtres. La paideia s’en trouve transformée. Il n’est pas question de former les individus nécessaires au bon fonctionnement de la Cité, mais de proposer des préceptes adaptés à la singularité de la vie de chacun. Ce ne sont donc pas des structures extérieures, somme toute, historiques et contingentes, qui sont à même de prendre en charge le devenir moral des individus, mais bien les individus eux-mêmes. Dépolitisées, les conditions dans lesquelles l’homme est voué à accomplir sa nature sous la forme de la vertu s’adaptent à la particularité de chaque élève/patient qui entre dans le Portique pour devenir meilleur.

Ce mouvement de « désinstitutionnalisation » de la paideia s’observe particulièrement chez Épicure où le sage n’a pas vocation à servir la cité mais doit au contraire vivre en retrait de l’agitation qui caractérise les affaires humaines. Un savoir doctrinal précis doit certes être acquis, mais il est complété par des exercices qui constituent une forme d’entraînement à la vertu. Bien sûr l’enseignement de la philosophie doit là aussi s’achever par l’acquisition d’une certaine culture, mais pour les Épicuriens, elle doit se limiter chez l’adulte à la philosophie épicurienne, ce que montre Torquatus à la fin de son exposé (Cicéron, Des termes extrêmes des biens et des maux, I, 21, 71). Dans sa Lettre à Pythoclès (89), Épicure conseille lui-même de « fuir toute espèce de culture... à pleines voiles ».

Du côté du Portique, la paideia est organisée en système à l’époque impériale, notamment avec Épictète qui, au Ier siècle de notre ère, divise les exercices composant l’éducation en trois lieux (topoi), en les faisant correspondre aux trois principales activités de l’âme, l’assentiment (sunkatathèsis), l’impulsion (hormè) et le désir (orexis). Il y a ainsi une discipline du jugement, une discipline de l’impulsion et une discipline du désir (Entretiens, III, 2, 1-2) :

« Il y a trois sujets auxquels doit s’exercer l’homme qui veut être honnête. Le premier concerne les désirs et les aversions, afin de ne pas manquer le but des désirs et de ne pas se heurter à l’objet de notre aversion. Le second concerne l’impulsion et la répulsion et, d’une façon générale, la question du devoir, afin de l’accomplir avec ordre, d’une manière raisonnée et sans négligence. Le troisième s’occupe d’éviter l’erreur de ne pas s’abandonner au hasard ; c’est la question de l’assentiment » (trad. É. Bréhier légèrement modifiée).

L’homme ne cesse d’émettre, au sujet du monde extérieur et des événements qu’il affronte, des évaluations faussées qui ignorent que le bonheur et le malheur se confondent avec le bien et le mal moral. Ces mauvaises évaluations sont à l’origine des troubles qui nous empêchent d’être heureux. La discipline du jugement revient à ne donner son assentiment qu’au vrai, à le refuser au faux, et à le suspendre devant l’incertain. Toutes nos représentations doivent être dépouillées de ce qui n’a aucun fondement dans la réalité, c’est-à-dire de toute appréciation affective, qui se rajoute indûment à la vision adéquate de l’événement. L’homme doit aussi travailler, fonder une famille, jouer un rôle dans la cité, autant d’activités qui constituent des devoirs ou des fonctions propres (kathèkonta) auxquelles il ne saurait se soustraire. La seconde discipline, dévolue à l’impulsion, consiste alors à s’exercer à n’accomplir que ce qui est convenable, en tant que père, fils, mari, citoyen, homme religieux, mais aussi à envisager l’action non pas comme l’occasion d’obtenir un résultat précis, ce qui pour la morale stoïcienne est nécessairement accessoire, mais à conserver sa décision (prohairèsis) conforme à la nature (Manuel, 4). Ce qui compte dans l’action ce n’est pas le résultat mais l’intention. Ainsi, avant d’aller aux bains, il faut se remettre en mémoire la représentation adéquate de ce que sont les bains, et non leur image fantasmée. La représentation de la nature véritable de ce qu’on s’apprête à entreprendre doit nous permettre de ne pas être troublé au cas où effectivement l’entreprise se solderait par un échec. L’exercice dit de la prévision des maux doit diminuer le choc des événements pénibles, en les prévoyant à l’avance. Enfin, les hommes sont malheureux parce qu’ils désirent des choses vulnérables qu’ils estiment être des biens et considèrent comme des maux des événements souvent inévitables. D’un mot, ils désirent et éprouvent de l’aversion pour ce qui ne dépend pas d’eux. La discipline du désir a pour objet ce qui nous arrive, les événements extérieurs, le cours de la nature universelle. Elle revient, tout d’abord, à suspendre complètement nos désirs, dans la mesure où un certain temps est nécessaire pour apprendre à distinguer ce qui dépend de nous de ce qui n’en dépend pas. Celui qui veut accéder à la sagesse doit s’habituer à rencontrer l’objet de son aversion. Pour contrer, par exemple, le chagrin ressenti à la mort d’un être cher, il faut se préparer à la perte de ce qui est, par nature, vulnérable (Manuel, 3).

Cette répartition des exercices en trois lieux prend place aussi dans le temps : la paideia s’ouvre sur la discipline du désir et se clôt par celle de l’assentiment. Si la formation commence par la discipline du désir, c’est que cette activité est le lieu des passions provoquées par la frustration du désir ou la rencontre de l’objet de l’aversion (Entretiens, III, 2, 3-5). Or la prolifération des passions interdit de fait toute action convenable ainsi que toute représentation adéquate. L’ordonnancement établi entre les trois disciplines correspond donc aux différentes phases du progrès spirituel. Cet agencement à la fois sectoriel et temporel des pratiques destinées à mener à la sagesse paraît toutefois aller à l’encontre de l’idée selon laquelle le désir et l’action sont le reflet de nos représentations, dans la mesure où la direction du désir et de l’impulsion semble pouvoir se faire indépendamment d’une correction de nos représentations. Or, pour Épictète, ces deux opérations de l’hégémonique (orexis et hormè) constituent des usages des représentations. Si, à l’inverse, on plaçait au principe de la formation morale la réforme des jugements, l’homme en serait paralyser dans sa vie quotidienne. S’il est vrai que, dans un premier temps, les élèves du Portique vivent, désirent, ou plutôt, s’abstiennent de désirer, agissent en fonction de doctrines dont ils n’ont pas encore appris le contenu, l’entraînement de l’orexis et de la hormè ne se fait pas sans qu’une première réforme des représentations ne soit entreprise. La discipline du désir et de l’impulsion ne se confond pas avec un simple entraînement par l’habitude, où ces deux opérations seraient traitées comme des ressorts de l’âme étrangers à la raison. Au contraire, la discipline de l’assentiment doit nécessairement s’appliquer à la vie de tous les jours, puisque les désirs, les passions, les impulsions se situent précisément dans la capacité de donner ou de refuser son assentiment à une représentation. La discipline du désir et de l’action présupposent un travail sur les jugements, sans pour autant soumettre d’emblée la vie quotidienne des progressants à l’étude de la logique. Là où Platon et Aristote distinguent nettement l’ « élevage » (trophè) de ce qu’il y a d’irrationnel en l’âme (appétits et thumos) de la paideia qui concerne essentiellement la raison, les Stoïciens font de l’intégralité de l’éducation un processus rationnel. Cela soulève toutefois un paradoxe : dans le système stoïcien, les progressants ne sont pas au départ assez formés pour étudier d’emblée la logique, néanmoins ils doivent avant toute chose apprendre à rectifier leurs jugements. Comme le souligne Laurent Jaffro (« Introduction » au Manuel d’Épictète, p. 28), « les premiers moments de l’apprentissage supposent et anticipent une maîtrise qui ne peut être découverte et comprise qu’à la fin ». Selon Pierre Hadot, cette difficulté se résout si l’on distingue « la pratique concrète et vécue de la philosophie, et l’ordre et le progrès qu’exige l’enseignement de la philosophie » (op. cit., p. 161). Dans la pratique, la rectification des représentations conditionnent en effet l’exercice des désirs et des impulsions, la réforme des trois activités de l’âme semble être ainsi menée de front, même si d’un point de vue théorique (les trois disciplines font l’objet d’un discours théorique, ce qui produit quelque chose comme une « science de l’éducation »), la formation commence effectivement par la discipline du désir et se clôt par l’enseignement de la logique. Ce qui explique l’aspect tardif de l’enseignement de la logique, c’est qu’elle consiste essentiellement à commenter les textes des anciens maîtres, à étudier la signification des notions (Entretiens, I, 17, 12) ainsi que les syllogismes, les paradoxes, formation destinée à rendre le raisonnement plus sûr (id., II, 13, 21).

Par la promotion qu’ils font de l’exercice, les Stoïciens montrent qu’en matière d’éducation la force de l’habitude est souveraine. Mais la faute est autant manque de pratique qu’aveuglement. Les différents exercices proposés par Épictète portent principalement sur l’examen de sa propre conduite, sur l’attention accordée aux progrès accomplis et à la perspective du chemin qu’il reste encore à parcourir. Déclinés sous la forme de pratiques, ils n’en mettent pas moins en avant l’articulation essentielle de nos désirs et de nos impulsions à nos représentations. Citons encore l’interposition d’un délai entre la représentation et le passage à l’acte, l’arrêt du développement de la représentation, la mobilisation de modèles destinés à réfréner le désir lié à une représentation. Le trait commun à l’ensemble des stratégies proposées par Épictète en guise de paideia, c’est l’attention critique que l’on doit porter en permanence à notre manière de voir le monde. L’homme dispose en lui d’une faculté inaliénable : « Tenant compte de cette dignité, les dieux n’ont fait dépendre de nous que ce qui est supérieur à tout, ce qui domine tout, c’est-à-dire l’usage correct des représentations » (Entretiens, I, 1). La promotion de l’exercice au sein du stoïcisme montre que l’arme la plus sûre pour éradiquer les passions est bien plus en soi-même que dans le secours de grandes théories.

 Vers la constitution du trivium et du quadrivium

Au IIe siècle, la philosophie devient sous la plume du moyen-platonisme essentiellement une science des êtres intelligibles à laquelle les mathématiques servent de propédeutique. Les quatre sciences (l’arithmétique, la musique, la géométrie et la sphérique, c’est-à-dire l’astronomie) sont les quatre méthodes qui mènent à la connaissance des êtres, et c’est là l’unique chemin selon Nicomaque de Gérase, auteur de l’Introduction arithmétique. Selon Ilsetraut Hadot, c’est chez Nicomaque qu’apparaissent les premières traces de ce qui sera plus tard le cycle des sept arts libéraux, « dans un contexte philosophique tout à fait spécial qui n’a rien à voir avec un programme d’étude habituel » (op. cit., p. 69). C’est chez Nicomaque que l’on trouve en effet la première véritable démonstration de l’unité des quatre sciences mathématiques, unité qui, dans l’Epinomis de Platon, est plus postulée que prouvée (Philip Merlan, From Platonism to Neoplatonism, p. 89). Plusieurs siècles plus tard, alors qu’il traduit Nicomaque, Boèce rend tessares methodoi (la quadruple voie) par quadruvium qui se déforme ensuite en quadrivium. Poursuivant le mouvement de réhabilitation de la dialectique initiée par la Nouvelle Académie, Alkinoos l’élève au rang de science, tandis qu’il refuse cette appellation aux mathématiques, celles-ci utilisant un raisonnement discursif (dianoia) et non pas l’intellection (noesis). L’ordre des matières est désormais présenté d’un point de vue pédagogique, les étapes de l’initiation à la philosophie étant fondées essentiellement sur la notion de progrès spirituel. Quant au trivium médiéval, il n’existe pas encore en tant que tel au IIe siècle. Les trois disciplines que sont la grammaire, la rhétorique et la dialectique, ne sont pas encore considérées comme formant un tout. Avec Philon de Larissa, rhétorique et dialectique deviennent des parties de la philosophie, tandis qu’avec Plutarque, Apulée et Maxime de Tyr, la grammaire est considérée à son tour comme une science auxiliaire de la philosophie. Mais c’est seulement au IVe siècle qu’un système, dont on trouve cependant des traces chez Porphyre au IIIe siècle, lie ensemble, d’une part, les trois sciences du futur trivium et, d’autre part, ces trois sciences avec les quatre sciences mathématiques du quadrivium. Ce système est exposé au livre II du traité De ordine d’Augustin : préparée par l’étude de ces sept sciences, la raison se détourne des sens et du sensible pour réfléchir sur elle-même et son essence. Parvenue à ce niveau, l’âme a alors à se dépasser pour tenter de saisir ce qui est au-dessus d’elle. La raison prend conscience de son pouvoir et invente la philosophie. Il est indispensable de connaître les nombres intelligibles pour pouvoir parvenir à la science de Dieu et de l’âme. Contre Alkinoos mais conformément à Proclus, Augustin réintègre les mathématiques parmi les sciences (De ordine, II, 16, 44) : seul l’homme pleinement cultivé (eruditus) peut atteindre la connaissance de Dieu et de l’âme.

Au tout début du Ve siècle Martianus Capella écrit les Noces de Philologie et de Mercure à Carthage en Afrique du Nord. Mercure donne à Philologie comme cadeau de noces sept servantes qui ne sont autres que les sept arts qu’il a voulu étudier pour plaire à Philologie. Les livres III à IX de cette œuvre décrivent chacune des disciplinae, constituant une véritable encyclopédie. Ce que l’œuvre de Capella a de spécifique, c’est que ce n’est pas seulement par l’étude que Philologie libère l’âme, elle pratique aussi la théurgie et la mantique, ce qui n’apparaît évidemment pas chez Augustin. C’est là la seule encyclopédie antique et païenne connue par le Moyen âge chrétien de langue latine.

À l’intérieur de l’Empire romain, l’étendue de l’enseignement du grec diminue peu à peu au cours des siècles, si bien qu’aux Ve et VIe siècles ceux qui sont encore susceptibles d’apprécier les traductions latines des œuvres grecques sont si rares que, comme le dit Pierre Riché, « entre le monde latin et le monde grec, la rupture est maintenant presque achevée » (Éducation et culture dans l’Occident barbare, Paris, 1962, p. 83).

LAETITIA MONTEILS-LAENG

 Bibliographie

Auteurs anciens

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Aristote, La Métaphysique, trad. J. Tricot, Paris, Vrin, 1953.
Aristote, Les Parties des Animaux, trad. J.-M. Le Blond, Paris, Aubier, 1945.
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Aristote, Les Politiques, trad. P. Pellegrin, Paris, GF-Flammarion, 1990.
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Cicéron, De l’orateur, trad. E. Courbaud et H. Bornecque, Paris, Les Belles Lettres, 1971.
Cicéron, Tusculanes, texte établi par Georges Fohlen et traduit par Jules Humbert, Paris, Les Belles Lettres, 1970, 2 vol.
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Épictète, Entretiens, texte établi et traduit par J. Souilhé (I-II), avec la collaboration d’A. Jagu (III-IV), Paris, Les Belles Lettres, 1943-1965.
Épicure, Lettres et Maximes, texte établi et traduit avec une introduction et des notes par M. Conche, Paris, Presses Universitaires de France, 1987.
Nicomaque de Gérase, Introduction arithmétique, trad. J. Bertier, Paris, Vrin, 1978.
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Platon, La République, trad. G. Leroux, Paris, GF-Flammarion, 2002.
Platon, Les Lois, trad. L. Brisson et J.-F. Pradeau, Paris, GF-Flammarion, 2006.
Platon, Politique, trad. L. Brisson, Paris, GF-Flammarion, 2003.
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Pour citer :
Laetitia Monteils-Laeng, « Paideia : éducation et accomplissement humain dans la Grèce antique », in Houari Touati (éd.), Encyclopédie de l’humanisme méditerranéen, printemps 2014, URL = http://www.encyclopedie-humanisme.com/?Paideia