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Platonisme latin médiéval

 Introduction

D’un rivage à l’autre, le platonisme a emprunté, depuis l’Antiquité tardive et tout au long du Moyen Âge, des chemins tortueux, d’Athènes à Byzance, Rome, Alexandrie, Apamée, Pergame, Antioche, Bagdad, Chartres, Tolède, Paris, Strasbourg, Florence, s’adaptant de manière souple aux différents paysages culturels et religieux (Cf. Garin, 1958 ; Gilson, 1976 ; Faes de Mottoni, 1976 ; Chenu, 1976 ; de Libera, 1993 ; Benakis, 1997 ; D’Ancona, 2005 ; ead., 2007 ; Bertolacci, 2014, chap. 3). Cependant, trois traits en marquent la diffusion D’abord, le platonisme se développa en une philosophie, le néoplatonisme, qui tout en prétendant "sauver Platon" présente des thèses inédites et étrangères à Platon (comme le primat de l’hénologie sur l’ontologie, la détermination des hypostases, Intellect, Âme et Nature, se déployant dans le cycle de manence-procession-conversion). Dès lors, platonisme et néoplatonisme se recouvrèrent, celui-ci orientant souvent la lecture de celui-là. Car le néoplatonisme fut caractérisé par un ensemble cohérent de problèmes et de solutions "endogènes" à ses coordonnées de pensée. La tendance interne à la doxologie, en particulier chez Proclus, témoigne de la conscience de constituer une tradition de pensée unitaire. La multiplicité des "écoles", à Athènes, Rome, Apamée, Alexandrie, Pergame ne conduisit point à une dissipation de l’identité conceptuelle du néoplatonisme, mais en assura l’extraordinaire survie et diffusion. Le primat de l’interprétation néoplatonicienne de Platon fut d’autant plus déterminant dans l’Occident latin chrétien où les écrits de Platon n’entrèrent qu’au XVe siècle, à Florence quand Marsile Ficin les traduisit en 1484. Un platonisme sans Platon, influencé par le néoplatonisme cette formule abrupte peut résumer les vicissitudes du platonisme médiéval.

Toutefois, l’interprétation néoplatonicienne joua un rôle central également dans les contrées d’Orient, qu’il s’agisse des traductions et des commentaires dans la Syrie chrétienne que dans la falsafa, la tradition philosophique en Islam médiévale. L’école alexandrine imposa sa conception de l’accord fondamental entre Aristote et Platon ainsi que leur relative hiérarchisation, en proposant un curriculum d’étude bien précis, culminant dans la contemplation de l’Un-Bien. Ainsi le second aspect marquant du platonisme médiéval réside-t-il dans la réflexion constante sur les rapports entre Aristote et Platon, leurs affinités ou leurs différends.

Dans ce cadre, l’interrogation sur la théologie ou les théologies d’Aristote et de Platon revêt une signification centrale. À proprement parler, une théologie platonicienne n’existe point, pas plus qu’une théologie aristotélicienne. Proclus justifie son projet de Théologie platonicienne, en affirmant vouloir défendre Platon, accusé de n’avoir consacré aux dieux que de remarques secondaires. Dans la Métaphysique d’Aristote, maints éléments se prêtent à une lecture théologique, mais à part au livre Lambda, une véritable théologie est absente. A cet égard, ce sont deux écrits, que l’on peut définir en quelque sorte des "faux" qui comblèrent cette lacune. La Théologie d’Aristote et le Liber de causis sont des textes composés de passages néoplatoniciens, élaborés dans le cercle d’al-Kindi à Bagdad au IXe siècle, mais attribués à Aristote et considérés comme tels lors de leur introduction successive dans l’Occident médiéval chrétien. Par ailleurs, les controverses sur l’authenticité et la valeur respectives des théologies platonicienne et/ou aristotélicienne furent vivaces à Byzance et eurent un nouvel essor dans la Florence de Côme, puis de Laurent de Médicis, sur le fond des conflits entre l’Église latine d’Occident et l’Église grecque d’Orient.

Dès lors, la question sur la théologie implicite ou explicite de la pensée de Platon, et de sa compatibilité éventuelle avec Aristote, assume une importance cruciale au Moyen Âge, car la tradition platonicienne se trouve confrontée aux trois religions monothéistes. A la différence de tendances monothéistes païennes, les trois religions du Livre introduisent deux directions conceptuelles inédites : l’exigence de penser la constitution de l’univers et de l’homme sous la catégorie de la création ex nihilo, par un commencement dans le temps ; la revendication de l’immortalité de l’âme et de sa divinisation dans un cadre sotériologique qui concerne l’intégralité de la vie humaine et la question sur sa destinée dans un ordre téléologique. De prime abord, ces exigences ne peuvent pas être remplies par la tradition platonicienne ou néoplatonicienne, laquelle conçoit la production du réel comme l’apparaître à la surface de structures préexistantes et ne se pose pas le problème de la venue à l’existence d’un être inédit. La cyclicité du processus, rythmé par la manence-procession-conversion, mais non sa téléologie, caractérise également la thérapie et la possible élévation de l’âme.

Or, d’un rivage à l’autre, l’interrogation sur l’adaptation, d’une part, de la conception néoplatonicienne de la procession/conversion en théorie de la création et, d’autre part, de l’immortalité de l’âme en une expérience religieuse spécifique, reste centrale, bien que les modalités d’intégration et de transformation ainsi que les coordonnées théologiques de départ aient été fort différentes. La question se pose, en tout cas, de savoir si tel ou tel élément platonicien peut encore être considéré tel dans des horizons de pensée qui sont étrangers sinon contradictoires avec les principes fondateurs de cette tradition de pensée. De la sorte, plus que plusieurs platonismes au Moyen Âge, il y aurait eu plusieurs conceptions philosophiques originales dans lesquelles des thèses platoniciennes ou néoplatoniciennes auraient été adaptées et recomposées à l’intérieur d’une tout autre figure de pensée.

 Les Pères de l’Église et le Haut Moyen Âge latin

La transmission directe et indirecte du platonisme et surtout du néoplatonisme prit des chemins multiples puisque les textes circulèrent d’abord, au-delà de l’empire byzantin, dans les contrées qui appartiennent aujourd’hui à la Syrie, à la Turquie, à l’Égypte et à l’Iran.

Toutefois, auparavant, la pensée grecque tardive avait fait une étape à Rome. À cet égard, Cicéron contribua à diffuser les concepts et les problèmes de matrice platonicienne et médio-platonicienne. Car il se proclamait membre de l’Académie platonicienne, restée fidèle au doute de Socrate, de sorte que sa lecture et interprétation de Platon fut fortement influencée par son attitude sceptique. Ainsi Cicéron défendit-il, dans le premier livre des Tusculanes, la thèse de l’immortalité de l’âme en utilisant des arguments manifestement tirés de Platon, tout en reconnaissant aussitôt le caractère seulement vraisemblable et plausible des preuves. Il affirma ainsi préférer "se tromper avec Platon !" qu’avoir raison avec les adversaires (Cicéron, Tusc., I, 40). La tentative cicéronienne de transferre la philosophie grecque à la culture romaine latine le conduisit à reprendre les titres mêmes de deux œuvres de Platon, De Legibus et De Republica, dans des écrits personnels (il fit de même avec les Topica d’Aristote) et à traduire en partie le Timée (Cicero, Timeus, intr. et trad. espagnole d’A. Escobar, Madrid, 1999). On retrouve en outre des extraits platoniciens dans ses œuvres Pour sa part, Sénèque n’hésita pas à discuter avec les écoles philosophiques à partir de sa position stoïcienne, en présentant les thèses des adversaires. À cet égard, la lettre 58 est significative pour comprendre les controverses tardives sur les termes du vocabulaire de l’être, essentia, to on, quod est et la nature de la forme platonicienne (Cf. Gersh, 1986, vol. I, p. 155-195). Progressivement la bibliothèque platonicienne s’enrichit des œuvres d’Apulée, Aulu-Gelle, Macrobe, Martianus Capella, de Marius Victorinus. La perspective platonicienne latine est ainsi d’abord définie par son rapport à la rhétorique et à l’écriture poétique ainsi qu’aux vicissitudes de l’âme, entre ses voyages et ses métamorphoses (Cf. Hadot, 1968 ; Gersh, 1986 ; Fletcher, 2014).

Pourtant, ce fut d’abord le néoplatonisme, né au IIIe siècle de notre ère qui détermina les coordonnées de l’interprétation de la tradition platonicienne. Derrière l’impératif de "sauver Platon", les néoplatoniciens ont introduit une hénologie, une conception de l’âme et de l’intellect ainsi que du cycle de la constitution du réel qui sont étrangères aux textes de Platon. Au-delà des différentes écoles et de leur lieu d’activité (Athènes, Rome, Alexandrie, Apamée, Pergame), les néoplatoniciens se fondèrent sur un ensemble cohérent de problèmes "endogènes" et de solutions logiquement possibles qui furent répertoriés comme telles par la doxographie interne aux écoles néoplatoniciennes, ce qui témoigne de leur conscience de partager une forte unité conceptuelle.

Or, les orientations du platonisme dans le monde latin chrétien furent tracées, outre par Cicéron ou Macrobe, par les Pères de l’Église, notamment par Augustin d’Hippone, Sévérin Boèce et Denis l’Aréopagite. Pourtant, la possible conciliation entre le platonisme et le christianisme fut très problématique. L’accusation de crédulité portée par Porphyre contre les chrétiens s’attaquait aux piliers mêmes de leur foi : les dogmes de l’Incarnation, de la Trinité et de la Résurrection. Porphyre était particulièrement choqué par la croyance en un dieu crucifié, c’est pourquoi il tenait la religion juive pour plus raisonnable (Cf. Gersh, 1986. Voir les témoignages d’Augustin d’Hippone, De Civitate Dei, XIX, 2343-73).

L’interprétation de la Trinité permet de prendre la mesure de l’adaptation des dispositifs néoplatoniciens et de sa difficulté. La Trinité est un mystère et un dogme, supposé se trouver dans l’Écriture (Cf. Gn 15, 1, 1 Co, 24 et 30, Lc 10,21, Jn 14-17 et surtout Mt 28,19) et être connu par révélation. Cependant sa structure logique et ontologique paradoxale a suscité des discussions constantes au point de développer des instruments logiques et des catégories ontologiques nouveaux. Il s’agissait de penser l’unité substantielle de Dieu dans ses trois personnes, le Père, le Fils comme Verbe incarné et l’Esprit Saint. Parmi les Pères de l’Église qui ont eu recours à des dispositifs néoplatoniciens de manière significative il faut nommer Origène, qui connut un renouveau pendant la Renaissance italienne, quand les sources platoniciennes et néoplatoniciennes furent accessibles en latin. Pour Origène (IIIe siècle) le schème néoplatonicien de l’un et du multiple, du déterminé et de l’indéterminé (qui a son origine dans le Philèbe platonicien) peut s’appliquer au rapport du Père et du Fils : le premier est l’Un absolu et simple, le second signifie la multiplicité qui détermine l’indétermination de Dieu.

Dans ce cadre, il y a une inversion de signe : tandis que pour les néoplatoniciens l’indétermination définit une forme de non accomplissement, les chrétiens tendent à concevoir l’indétermination comme la positivité de l’infini. Une telle interprétation souligne cependant la supériorité de la cause première divine sur le Fils, tandis que la Trinité invite à penser le paradoxe d’un Dieu un et trine à la fois. À cet égard, une ressource essentielle se trouve dans la conception néoplatonicienne de la procession. Tous les êtres sont censés dériver d’une cause première ineffable, par une sorte d’effusion ou de diffusion de soi (comme une source lumineuse). La cause transmet la même propriété à la série qui commande, mais elle le fait différemment selon la position de chaque étant dans la séquence. Ainsi un étant ne perd-il jamais sa référence à la cause originaire vers laquelle il peut se retourner et en ce sens se convertir, afin de trouver son propre accomplissement.

La procession néoplatonicienne implique ainsi une logique de relations, structurée par une dialectique de l’identité et de la différence, qui supplée aux difficultés propres à la participation platonicienne ; elle tend à comprendre le rapport entre la forme essentielle et universelle et son instanciation individuelle dans les termes contradictoires du rapport entre le tout et la partie. La catégorie de relation assume ainsi une signification cruciale dans la tentative de comprendre la Trinité. Les Pères cappadociens (Basile de Césarée et son frère Grégoire de Nysse, Grégoire de Nazianze, IVe siècle) reprennent la doctrine de la consubstantialité des personnes de la Trinité, établies par le concile de Nicée (325), et développent la notion de relation (skhesis), à partir de la distinction aristotélicienne entre ousia et hupostasis, comprise comme la différence entre la substance première et la substance seconde, ainsi que le pros ti/ad aliquid des Catégories, VII, 7b15, amplement discutée par Plotin et surtout par Proclus. La Trinité exprimerait ainsi une seule ousia en trois hypostases : le Père lui-même est le nom d’une relation (Cf. Grégoire de Nazianze, Discours, 29, 16 : SC 250. Cf. Daniélou, 1944 ; Moreschini et Menestrina, 1992).

Bien que la pensée de Porphyre, en concevant une triade interne à l’Un, semble fournir des instruments conceptuels adéquats, les triades néoplatoniciennes établissent la supériorité de la cause première sur la séquence de ses effets dans un ordre non chronologique et se laissent difficilement comprendre comme des modèles adéquats de la Trinité. L’exigence de distinguer la création des créatures de la génération interne des personnes de la Trinité (Athanase) ou de suggérer que le Fils est non seulement inférieur au Père, mais aussi non éternel, au sens où il a commencé à exister dans le temps (Arius), témoignent des difficultés de l’adaptation du schème néoplatonicien au dogme chrétien. A ce propos nil faut évoiquer la tentative de distinguer la génération interne par la connaissance du Fils par le Père de l’acte de volonté, la "spiration", qui pose l’Esprit Saint chez Thomas d’Aquin, (Cf. Somme de théologie, Ia, qu. 27-29).

Ce n’est donc pas un hasard si deux difficultés majeures sur le plan philosophique, mais étroitement liées aux dogmes de la Trinité et de la Résurrection, apparaissent dans la tentative de concilier ou d’adapter le platonisme au christianisme : la relation de l’âme à Dieu et le rapport entre la génération et la création. Du point de vue anthropologique et sotériologique, la réflexion sur l’âme d’Augustin d’Hippone (354-430), reprit nombreux éléments au platonisme. Bien que le contexte historique de la prolifération des hérésies, de la chute de Rome ainsi que son rôle central dans l’Église d’Afrique (Hippone fut prise par les Vandales en 430), ait conduit Augustin à se prononcer sur la plupart des sujets propres à la doctrine chrétienne, c’est son interprétation de la restauration de l’âme après le péché et de son rapport privilégié à Dieu qui caractérise son appropriation du platonisme. Avant de se convertir, Augustin bénéficia d’une bonne formation en culture ancienne, par ses études de rhétorique à Madaure, puis à Carthage, ensuite par sa rencontre avec Ambroise. Outre Cicéron, il lut certainement Porphyre, puisque nombre de fragments de ce dernier sont conservés dans la Cité de Dieu.

Beaucoup d’éléments qui, chez Augustin, prouvent la divinité et l’immortalité de l’âme rappellent le Phèdre et le Phédon, dont les arguments majeurs, comme l’auto-motricité de l’âme, constituent une marque de reconnaissance propre à la tradition platonicienne au fil des siècles. Toutefois, tandis que Platon démontre toujours d’abord l’immortalité de l’âme pour envisager ensuite une hypothèse ou un récit vraisemblable qui puisse en faire connaître la nature, Augustin définit l’essence de l’âme en sorte que son immortalité en découle. Car le point de vue cognitif est essentiel pour Augustin pour vaincre le scepticisme (Cf. Augustin d’Hippone, Questio de ideis, éd. et trad. fr. de G. Madec, Revue thomiste 103, 2003, p. 358-362). Bien qu’il cherche à comprendre le mystère de la Trinité lui-même à partir de son image dans l’homme, force est de reconnaître que les analogies établies définissent des structures constitutives de l’âme et non seulement des hypothèses de lecture. Si la charité, dans son rythme ternaire aimant-aimé-amour caractérise la Trinité elle-même, l’âme est une image de celle-ci, composée de mens, notitia, amor (intelligence, connaissance, amour). Elle s’articule également dans les analogies psychologiques de la mémoire, de l’intelligence et de la volonté ou de la mémoire, de la vision intérieure et de la volonté (Augustin d’Hippone, De Trinitate, livres IX-XI ).

L’âme n’est donc pas ontologiquement distincte de ses facultés, si bien que les opérations, les puissances et l’essence forment une implication mutuelle de même que les personnes dans la Trinité. Le dispositif de l’implication mutuelle dépend, d’une part, du modèle de la pensée de Plotin, selon laquelle l’intellect ne pense pas proprement ses pensées, mais il est lui-même ses pensées, d’autre part, de la différenciation interne à l’Un de Porphyre. A cet égard, la reprise de ces schèmes néoplatoniciens par les Cappadociens, afin d’expliquer la double nature du Christ et la Trinité, les conduisit à la conception de la perichorèse. L’expression apparaît chez Grégoire de Nazianze, puis chez Maxime le Confesseur pour signifier que l’interpénétration de la nature divine et de la nature humaine dans le Christ fonde l’échange des propriétés. La périchorèse, en latin circuminsessio, circumincession, définit aussi, notamment chez Jean Damascène, les modalités de compénétration et de distinction entre les personnes et l’unité de la Trinité (Cf. Harisson, 1991, p. 53-63).

Toutefois, au-delà des difficultés liées à l’analogie établie entre la Trinité et la triade néoplatoniciennes de l’âme, comprise comme l’image de la Trinité, c’est le cycle de procession et de conversion qui est transformé. Pour les néoplatoniciens, le réel se déploie dans un cycle de manence, procession et conversion de tout étant vers l’unité et la cause originaire. Ce processus n’est pas temporel et coïncide avec l’accomplissement ontologique des êtres, notamment de l’âme qui, par sa nature médiatrice entre le sensible et l’intelligible, peut remonter la série des effets. La conversion est, selon l’expression de Plotin, une "fuite de seul à seul". Augustin reprend ce dispositif, en cherchant à concevoir la procession dans le cadre de la Genèse. La création implique une venue à l’existence en quelque sorte indéterminée et indigente. Seule la conversion accomplit l’être, plus précisément l’âme, qui trouve ainsi sa véritable forme (Cf. Augustin d’Hippone, De Genesis ad litteram, I, 4, 9).

Pourtant non seulement la conversion de l’âme est prise dans une dialectique de péché, de grâce et de volonté qui est étrangère à l’univers platonicien, mais surtout le cœur, image du Christ et de la Charité, joue un rôle crucial dans le processus d’accomplissement. L’amour est pour les néoplatoniciens le premier, le plus universel, donc le degré le moins élevé de la remontée vers l’Un, alors que la charité et le cœur sont, pour Augustin, l’expression principale de l’élévation et la seule modalité du culte (Cf. Augustin d’Hippone, De Civ. Dei, X, 1-4). La thérapie de l’âme augustinienne est donc incompatible avec la forme de vie néoplatonicienne, dans laquelle la voie privilégiée demeure l’ascension par l’intellect qui est accompagnée et soutenue, dans la tradition post-plotinienne, par les pratiques rituelles et théurgiques. Par conséquent, si l’appel augustinien à l’intériorité renvoie en partie à la conversion néoplatonicienne de l’âme en elle-même ainsi qu’à des motifs stoïciens, il s’agit d’un tout autre intérieur. Augustin introduit, en effet, deux motifs étrangers à la tradition platonicienne : la nécessité de la confession dans le processus d’intériorisation et la découverte, à l’intérieur de moi, d’un tout Autre que je ne suis pas ou plus : un autre "au lieu" de soi (Cf. Marion, 2008).

Une forme d’intériorité qui reprend également des éléments stoïciens et platoniciens se trouve dans la Consolation de Philosophie de Sévérin Boèce (précisément : Anicius Manlius Torquatus Severinus Boethius, 480-524 : cf. Severinus Boethius, De consolatione philosophiae, éd. critique de C. Moreschini, München-Leipzig, 200 ; tr. fr. J. Y. Guillaumin, La consolation de Philosophie, Paris, 2002). Boethius fut conseiller de l’empereur Théodoric, mais il tomba en disgrâce de sorte qu’il fut emprisonné, puis exécuté. Les cinq livres de la Consolation, en prose et en vers, mettent en scène la personnification de Philosophie et Boèce lui-même en prison et traitent de plusieurs sujets, comme le rapport entre la Providence, le Destin et la liberté (IVe et Ve livres), la cosmologie (IIIe livre, où se trouvent les références aux Timée) et surtout de la thérapie de l’âme, laquelle s’est fourvoyée dans la quête des biens secondaires comme la renommée et la richesse- ce qui est un thème stoïcien. Cependant la réminiscence, qui permet de se souvenir des vérités idéales et éternelles, est le dispositif platonicien propre à l’ascension et à la restauration de l’âme purifiée.

La Consolation eut une très large diffusion et, il faut le souligner, fut l’expression d’un chrétien laïque, qui dans ce texte ne mentionne point le Christ. Toutefois, la démarche argumentative de Boethius dépend étroitement du modèle axiomatique qu’il dérive de sa fréquentation assidue d’Aristote (dans le III livre), bien que la recherche de tout étant de son origine divine, l’Un-Bien divin, demeure un élément essentiellement néoplatonicien pour comprendre la création et son accomplissement dans la béatitude divine. Mais l’exigence de penser la bonté des êtants crées dans leur participation à la Bonté en soi conduit Boèce à distinguer l’être (esse) et ce qui est, id quod est (Cf. Severinus Boethius, De Hebdomadibus, Quomodo substantiae in eo quod sint bonae sint cum non sint substantialia bona, dans Opuscula Sacra, éd. C. Moreschini, München-Leipzig, 2000, p. 186-194 ; trad. fr. sur la base de l’éd. Moreschini par A. Tisserand, Traités théologiques, Paris, 2000). Ce qui est, est tel lorsqu’il reçoit la forme de l’être : c’est pourquoi il peut participer à l’être, tandis que l’être ne peut pas participer à quelque chose, parce que la participation se produit quand un quelque chose est déjà là. La marque du platonisme est ici visible, malgré le procédé axiomatique, par la conception de l’être (en tant qu’esse) qui ne renvoie pas tant, chez Boèce, à une existence qu’à une forme (Cf. Gallonier, 1997, p. 311-333).

À ce propos, le processus néoplatonicien manence-procession-conversion et le principe de l’Un-Bien au-delà de tout être furent développés de manière significative par le pseudo-Denys (sans doute un moine syrien écrivant en grec du Ve siècle qui prit le pseudonyme de Denys l’Aréopagite, Corpus dionysiacum I (DN), éd. B. R. Suchla, Berlin, de Gruyter, 1990 ; II (CH, EH, MT, Lettres), éd. G. Heil et A. M. Ritter, Berlin, 1990-1991 ; trad. fr. par M. de Gandillac, Œuvres complètes (PG 3), Paris, nouvelle édition 1980. Cf. Théry, 1932 ; De Andia, 1996 ; Lilla, 2005).

Denys fut largement influencé par Proclus, de sorte qu’il conçut Dieu comme le principe premier ineffable, cause transcendante et incommensurable à toutes ses manifestations, mêmes les plus nobles comme la vérité ou l’amour. Ainsi la théologie est-elle essentiellement négative, ne pouvant jamais saisir l’essence divine. Elle peut cependant être symbolique, au sens où les manifestations et les noms de Dieu en sont une appellation toujours indigente. Par conséquent, Dieu reste une figure inatteignable et énigmatique. Bien que Denys s’efforce de rappeler que la création du monde se convertit à Dieu, lequel est un pôle d’attraction, force est de constater que la réciprocité ou l’alliance entre Dieu et la créature, notamment l’homme, ne suit pas le modèle platonicien de l’amour et de la reconnaissance d’autrui. Ce n’est pas un hasard si les dialogues du Phèdre et du Banquet ne jouent aucun rôle dans la pensée de Denys. Car l’union avec Dieu, l’hénosis, a son modèle dans le moine, non dans l’amant platonicien : elle implique l’entrée dans les ténèbres grâce à une unité indicible et impensable qui suppose toute perte d’identité et de distinction. Par ailleurs, Dieu crée dans un état d’ivresse et de jalousie de lui-même, exigeant l’assujettissent absolu de l’âme humaine.

L’influence du pseudo-Denys fut de longue durée et capillaire, grâce aussi à ses nombreuses traductions. Le corpus dionysiacum fut traduit en syriaque, puis en arménien (Ve-VIIIe siècles), en latin par l’abbé de Saint Denys, Hilduin, à la demande de Louis le Pieux (vers 832), retraduit par Jean Scot Érigène en 852, sollicité par Charles le Chauve, puis par Jean Sarazin et Hugues de Saint-Victor vers 1140. Les commentaires furent nombreux, parmi lesquels se comptent les entreprises d’Albert le Grand et de Thomas d’Aquin, notamment sur les Noms divins. Toutefois, tandis que Denys joua un rôle considérable dans la renaissance du platonisme allemand et dans la tradition mystique rhénane, dans la pensée de Maître Eckhart, dans la tradition italienne, il constitua aussi bien pour Pic de la Mirandole que pour Ficin une autorité significative qui était en mesure de fournir une espèce de vulgata des conceptions néoplatoniciennes les moins incompatibles avec le christianisme.

Or, la figure la plus emblématique du platonisme dans le Haut Moyen Âge latin fut l’Irlandais Jean Scot Érigène (800/810-870), qui enseigna dans l’école palatine de Charles le Chauve. Érigène fut influencé surtout par le néoplatonisme des Pères Grecs, qu’il traduisit : le ps. Denys, mais aussi Maxime le Confesseur (les Ambigua et les Quaestiones ad Thalassium) et Grégoire de Nysse (De homini opificio). Ces lectures enrichirent sa connaissance de la tradition platonicienne, outre les Pères latin, Augustin, Marius Victorinus, Boèce. Il fut sensible aux arts du discours, surtout la dialectique, notamment par sa lecture des Noces de Philologie et Mercure de Martianus Capella et la fréquentation des œuvres qui circulèrent dans le milieu carolingien. Car il ne faut pas oublier qu’avant l’introduction des œuvres majeures d’Aristote au XIIe siècle, les écrits de logique à disposition étaient la Paraphrasis themistana, les Topica de Cicéron et les commentaires de Boèce, l’Isagoge de Porphyre, le De interpretatione d’Aristote, les Institutiones d’Isidore de Séville. (Cf. Leonardi et Mesesto, 1989 et Madec, 1988).

Érigène résout la tension entre la notion de création ex nihilo et la conception de la procession néoplatonicienne, en puisant, d’une part, à la théologie négative et symbolique du ps. Denys, d’autre part, en développant de manière originale la diairesis, la division mise en place par Platon dans le Sophiste ainsi que la déduction des conséquences positives et négatives tirées de l’hypothèse du Parménide  : si l’Un est (et de sa contradictoire, si l’Un n’est pas), deux dispositifs logico-cognitifs que les néoplatoniciens comme Syrianus, Proclus et Damascius avaient interprétés comme des catégories métaphysiques. L’œuvre d’Érigène, le Periphyseon (composé entre le 864-866 et connu plus tard sous le titre De divisione naturae, éd. E. Jeauneau, Turnhout, 1996-2000) présente ainsi les modalités de constitution du réel, par procession et conversion, déployé par les dichotomies propres à la diairesis platonicienne.

À partir du principe inconnaissable et indicible de Dieu, la création, en tant que division, diairesis, se produit comme une série de théophanies (Cf. Courtine, 1980 ; O’Meara, 1988 ; Beierwaltes, 1994 ; McEvoy 2002). La Nature ou principe originaire se divise et se réunifie (ou se déploie dans le cycle d’exitus-reditus, procession et conversion) donc de la sorte : la nature qui n’est pas créée et qui crée, à savoir Dieu qui est cause de ce qui est et de ce qui n’est pas ; la nature qui crée et est créée, à savoir les principes intermédiaires ou les paradigmes créés par Dieu qui constituent l’univers ; la nature qui est créée et qui ne crée pas, le déploiement des effets sensibles de la création, la procession dans ses dernières manifestations ; la nature qui signifie la conversion avec le principe originaire donc la cause finale, car elle ne crée point et n’est pas créée.

Dans cette conception, une place centrale est occupée par la réflexion sur le non-être en raison du caractère problématique de la thèse de la création ex nihilo. Car la notion de nihil, rien ou néant, peut avoir plusieurs significations, de la matière informe et en puissance à l’abîme inconcevable. Cela est d’autant plus compliqué que le non-être platonicien n’est pas un néant, mais le déploiement du non-être de l’un-être (selon les conséquences négatives du Parménide) qui coïncide avec l’impossibilité cognitive de penser quoi que ce soit et les manifestations ultime, les "ombres" de la procession. Somme toute, le non-être fait partie de la procession et de sa continuité. C’est pourquoi la question de Siger de Brabant, reprise par Leibniz : "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que le rien ?" n’est pas une question épineuse pour les platoniciens, qui se poseraient plutôt la question : "Pourquoi les choses sont ainsi et non autrement ?" Ainsi Érigène distingue-t-il plusieurs sens du non-être, tous empruntés à la tradition platonicienne davantage qu’à la théologie chrétienne : le non-être au sens positif, au-delà de tout être, donc comme expression de Dieu, de la matière et des causes essentielles ; le non-être comme négation d’un ordre dans un sens axiologique ; le non-être comme puissance, puis en tant que sensible par rapport à l’intelligible ; enfin le non-être comme étant propre au péché. Dans ces significations, le nihil reste solidement attaché au non-être de l’un, thématisé par les néoplatoniciens.

À cette difficulté s’ajoute la tension entre une procession qui se déploie selon ses modalités propres, donc nécessaire, et une création libre, qui aurait pu ne pas être ou ne pas être ainsi. Que la procession et la création impliquent une effusion de bonté, cela n’ôte point leur césure profonde. On peut certes dire que Dieu crée librement, sans obligation, mais selon nécessité, ce dernier terme s’opposant à contingent  ; mais si la procession est un déploiement des possibilités selon un ordre inévitable, la venue à l’existence comme surgissement d’un individu inédit. Car la question peut se poser en ces termes : Dieu veut le crée, tout dans son ensemble, ou veut-il cet-individu-ci, directement et sans médiation ? C’est justement en soulignant que Dieu est le créateur direct de cet individu-ci, qu’il veut librement, que Thomas d’Aquin (Cf. Somme de théologie, Paris, 1984-, I, qu. 14, art. 11) critique Avicenne et sa conception de la dialectique entre le nécessaire et le possible dans la constitution du réel. Pointant cela, Thomas critique toute forme de dispositif qui ramène la création à une émanation nécessaire.

Les traductions d’Érigène furent plus lues que son Periphyseon, en transmettant la réflexion néoplatonicienne plus débitrice à l’endroit de Proclus et de Denys que de Plotin et de Porphyre. Toutefois, le Peiphyseon a fait l’objet d’une condamnation par le concile de Paris en 1210, reconfirmée en 1225, puisqu’il fut soupçonné de défendre une conception panthéiste, promulguée par Amaury de Bène. De manière plus conséquente, la réflexion d’Érigène se retrouve en partie dans la conception des universaux de Gilbert de Poitiers (1080- ?) et d’Alain de Lille (1128-1203). (Cf. le recueil d’articles édité par Jolivet et de Libera, 1987 ; A. de Libera, 1996).

Somme toute, bien qu’Érigène semble bien conscient de la difficulté de lier la création et l’émanation, opte pour une conception largement dépendant de la tradition néoplatonicienne. Le prix à payer est, de manière prévisible, la mise entre parenthèses de l’individu en tant que tel ainsi que la négation de la causalité directe de Dieu par rapport à tout le crée. Car, d’une part, dans son élaboration de l’Isagogé de Porphyre, Érigène insiste sur la négation entre la substance première et la substance seconde, l’individu et l’espèce. D’autre part, il estime que l’univers est crée par des intermédiaires : les causes qui créent et son créées.

 D’Athènes à Bagdad

Toutefois, trois événements majeurs contribuèrent à déplacer décidément vers l’Orient la diffusion de la tradition platonicienne : l’émigration en Syrie des nestoriens et des monophysites, entrés en conflit avec le christianisme officiel de l’Église d’Orient, après le Concile de Nicée en 325 et le concile de Constantinople en 381 ; la fermeture de l’école d’Athènes en 529 par Justinien et la prise d’Alexandrie par les arabes en 642. D’une part, les chrétiens hétérodoxes monophysites et nestoriens s’installèrent vers la fin du Ie siècle en Syrie (Cf. Bettiolo, 1898), mais dès les conquêtes d’Alexandre le Grand, la culture grecque y avait mis ses racines et le territoire était ensuite devenu un enjeu important pour Rome. La ville d’Edesse, au Nord de la Mésopotamie, fut un centre culturel vivant et un chaînon significatif dans la traduction et la transmission de la culture philosophique grecque (du VIe au IXe siècle. Cf. Drijvers, 1980), notamment en ce qui concerne les œuvres logiques d’Aristote ainsi que l’interprétation de la possible concordia entre le Stagirite et Platon, dans une lignée alexandrine développant la lecture néoplatonicienne d’Aristote. (Cf. Brock (1982), 1984 ; id., 1993, p. 3-18 ; id., 2003, p. 9-28 ; Hugonnard-Roche, 1994, p. 293-312 ; id., 1997, p. 339-363).

D’autre part, Justinien contraignit les néoplatoniciens, comme Damascius et Simplicius, à se réfugier dans l’empire sassanide, à la cour de Khosrô I, puis peut-être à Alexandrie ou à Harrân, en terre byzantine, après la conclusion de la paix entre Justinien et Khosrô (Cf. Meyerhof (1930) ; Tardieu, 1990 ; Lameer, 1997, p. 29ss). A la cour de Khosrô I, Paul de Perse joua un rôle significatif dans la transmission de l’interprétation néoplatonicienne d’Aristote, lecture qui était déjà proposée par l’école d’Alexandrie (Cf. Gutas, 1983, p. 231-167). Enfin, les milieux intellectuels et politiques arabes reprirent à leur compte la culture alexandrine. La prise d’Alexandrie par la dynastie des Umayyades en 642 détermina l’influence du néoplatonisme alexandrin dans la philosophie arabe du IX siècle. Cela conduit aussi à un recentrement de la culture byzantine à Constantinople, où fut fondée l’école supérieure d’Etat, l’école impériale de la Magnaure.

De surcroît, la communauté chrétienne érudite de langue syriaque joua un rôle considérable dans l’acculturation des milieux cultivés de la Bagdad abbaside (750-1258) et dans la constitution de la falsafa (Cf. Hugonnard-Roche, 1991, p. 193-210) à savoir le corpus des disciplines, y compris la philosophie, qui se situaient en dehors de l’étude du Coran, distincte donc du kalam, la science de la parole divine. À Bagdad se développa donc une intense activité de traduction du syriaque et du grec en arabe. A cet égard, le Catalogue (Kitab al-Fihrist) d’Ibn al-Nadim (Xe siècle) fournit un index de tous les livres écrits en arabe, traductions et textes originaux (pour la traduction en anglais, cf. The Fihrist of Ibn al-Nadim. A Tenth-Century Survey of Muslim Culture, éd. de B. Dodge, New York, 1970). L’ouvrage d’al-Nadim est divisé en dix sections et traite aussi bien des sciences du Coran que de la falsafa. Il appert que les auteurs connus en arabe étaient Aristote, Platon, Théophraste, Porphyre, Proclus, Alexandre d’Aphrodise, Thémistius, Olympiodore, Jean Philopon (Cf. Steinschneider, 1960 ; Endress, 1987, p. 400-530 ; Cassarino, 1998). Un autre élément culturel significatif fut la formation des bibliothèques publiques ou semi-publiques auprès du palais du calife, puis liées aux mosquées et aux hôpitaux, qui furent de véritables centres de discussion et en partie d’enseignement. On peut évoquer ici la célèbre Maison de la sagesse (Bayt al-hikma) à Bagdad (Cf. Eche, 1967) ainsi que les bibliothèques du Caire, de Bassora, de Karkar, Jérusalem, Alep (Cf. Micheau, 1997, p. 233-254 ; Touati, 2003 ; Martini Bonadeo, 2005, p. 261-281. Sur l’essor des hôpitaux à Bagdad, Siraz, Samarcanda, Damas et au Caire, cf. Ullmann, 1970).

Bien que le circuit tracé par les routes d’Alexandrie, d’Antioche, de Harrân, puis de Bagdad soit en partie une forme d’auto-représentation et de narration visant à prouver que les véritables héritiers de la philosophie grecque étaient les penseurs musulmans, force est de reconnaître que tels chemins furent effectivement empruntés, non sans des détours et des haltes, chaque œuvre ayant connu des vicissitudes propres (Cf. Meyerhof, 1930, p. 389-429 et les corrections de Gutas, 1999, p. 153-193. Cf. aussi Endress, 2003, p. 42-62).

Parmi les milieux érudits, le cercle d’Al-Kindi (qui mourut vers 870) revêtit une importance cruciale pour la transmission de la philosophie grecque et son adaptation au monothéisme islamique (Cf. Endress, 1997, p. 43-76). En poursuivant la tradition alexandrine, Platon et Aristote furent lus par al-Kindi de manière complémentaire de sorte que la théorie néoplatonicienne de l’Un-Bien et de ses hypostases, l’Intellect, l’Âme et la Nature, fut interprétée comme l’expression de l’unicité, de la simplicité et de la causalité de Dieu. Dans ce cadre, deux textes furent élaborés qui auront une influence décisive dans la philosophie médiévale latine. Il s’agit d’une certaine façon de deux "faux" : la Théologie d’Aristote, ou Discours sur la souveraineté divine et Le Livre d’Aristote sur l’exposition du pur Bien, plus connu sous le titre de Liber de causis. Ces écrits, attribués à Aristote, sont en réalité des compilations issues de la restructuration de sources néoplatoniciennes. La Théologie réorganise les Ennéades IV-VI de Plotin, en reliant les thèses de l’unité imparticipée et de ses hypostases avec le principe aristotélicien de la philosophie comme recherche des causes (Cf. D’Ancona, 1999, p. 9-35) et l’identification du Moteur Immobile avec l’un-Bien. A cet égard, Alexandre d’Aphrodise ou ce qui lui fut attribué joua un rôle significatif (Cf. Endress, 2002, p. 19-74 ; Hasnawi, 1994, p. 53-109). Le Liber de causis, traduit en latin par Gérard de Crémone à Tolède en 1189, reprend de manière axiomatique la traduction arabe des Eléments de théologie de Proclus, en les accordant avec des thèses plotiniennes et des conceptions aristotéliciennes dans une perspective concordiste (Cf. Endress, 1973 ; id., 1991, p. 237-257 ; Gutas, 1986, p. 15-36 ; D’Ancona, 1995 ; Adamson, 2003).

Ces "faux" attribués à Aristote, mais reflétant des thèses néoplatoniciennes, comblaient une double lacune, puisque une véritable théologie manquait chez Aristote et Platon. C’est pourquoi Proclus se sentit obligé de répondre, par sa Théologie platonicienne, aux critiques adressées à Platon d’avoir négligé la théologie, se bornant à des remarques éparses sur les dieux. De surcroît, l’hénologie se prêtait à la légitimation philosophique des monothéismes, non seulement musulmane et chrétien, mais aussi juif (Cf. Sirat, 1988 ; Vajda, 1989 ; Zonta, 1996 ; Inglis, 2003 ; Eisen, 2004). A cet égard, al-Kindi introduisit la thèse de la création divine, en s’appuyant sur la démonstration que le corps de l’univers, étant une quantité, ne peut qu’être fini en acte, de même que son temps, car le cosmos ne peut pas être antérieur au temps. (Cf. Al-Kindi, "Métaphysique et Cosmologie", dans R. Rashed et J. Jolivet (éds.), Œuvres philosophiques et scientifiques d’al-Kindi, vol. II, Leiden, 1999, p. 8-99. Sur l’influence des arguments de Philopon contre l’éternité du monde défendue par Proclus et la critique de l’impossibilité aristotélicienne d’un infini en acte, cf. Davidson, 1987, et Bianchi, 1984).

Une telle conception, affirmant que le cosmos a eu un commencement, donc une cause, table également sur la conviction que chaque individu sensible, y compris l’univers, porte en lui la trace ou pour mieux dire l’empreinte de l’Un-Bien divin. Bien que Dieu soit crée à partir du néant, la création est conçue plus comme le déploiement de la force d’unification de l’Un dans un instant intemporel (l’instant du Parménide, lu par les néoplatoniciens pourrait en être le modèle), à partir duquel le monde commence à avoir un être temporel, de même que l’existence, laquelle ne se borne à exprimer un apparaître, mais implique le surgissement d’un être inédit. Cette conception n’est pas étrangère à une inquiétude sotériologique. Or, bien qu’il ne soit pas certain que l’on puisse attribuer à al-Kindi le Liber de pomo, éd. d’E. Acampora-Michel, Frankfurt a. M., 2001, où Aristote est censé reprendre les thèses de l’immortalité de l’âme tirées du Phédon, force est de constater que dans le cercle d’al-Kindi l’exigence sotériologique fut très marquée. De plus, une interprétation alexandrine, néoplatonicienne et en partie influencée par Philopon du De Anima d’Aristote est attestée dans le cercle de traduction d’al-Kindi (Cf. Arnzen, 1998).

Al-Kindi traça ainsi une direction de pensée séminale dans la philosophie en Islam médiéval, mais aussi dans la pensée juive. Car la philosophie juive médiévale se nourrit d’abord de la culture islamique, en adoptant l’arabe, et en puisant aussi bien au kalam qu’à la falsafa. La tradition platonicienne joua, cependant, un rôle crucial et constant dans la pensée juive, émigrant de l’Afrique du Nord en Espagne puis en Provence et en Italie, où la réflexion se fera aux XIVe-XVe siècles essentiellement en hébreu (Cf. Isaac, fils de Salomon, Livres des définitions, éd. J. T. Muckle, AHDLMA 11, 1937-1938, p. 300-340). Dans ce cadre, Isaac Ben Salomon (885-956) semble reprendre à son compte l’enseignement d’al-Kindi et de son cercle. Le livre des définitions (traduit en latin par Gérard de Crémone) décrit la création en termes d’émanation à partir de l’Un-Dieu.

L’ordre des hypostases introduit des éléments originaux. Avant l’intellect et après l’un divin, Isaac, fils de Salomon, situe la Matière et la Forme premières. Cette tentative d’intégrer le rapport aristotélicien entre la matière et la forme dans les hypostases néoplatoniciennes s’explique sans doute par la conviction que la pensée d’Israël s’accorde avec la philosophie gréco-arabe ainsi qu’avec les résultats de la science, comprise dans la lignée aristotélicienne, en cherchant les moments de convergence avec Hippocrate et Galien. Isaac était en effet médecin. Après l’hypostase de l’âme, déployée en âme rationnelle, sensitive et végétative, Isaac introduit un autre élément, la quinte-essence ou la Sphère, qui est une préoccupation constante du néoplatonisme cosmologique et médical.

Dans l’Espagne musulmane, Salomon Ibn Gabirol (1021-1051), poète et philosophe, auteur du Fons vitae, éd. latine de C. Baeumker, BGPhM 1,1982-1895, actif aussi bien à Saragosse qu’à Grenade, Cordoue et Valence, développa le néoplatonisme, influencé par le péripatétisme arabe. Comme pour Isaac, fils de Salomon, les notions aristotéliciennes de matière et de forme universelles occupent dans Gabirol, une place significative dans la conception de l’être, mais en subissant des profondes transformations. L’essence de toute chose est composée d’une matière et d’une forme universelles, mais la première définit plutôt le caractère intelligible de ce qui est en puissance, tandis que la seconde exprime la même unité en tant que l’être est réalisé. Il s’agit donc d’une matière intelligible, mais Gabirol fut accusé par les scolastiques latins de défendre une forme de matérialisme.

En réalité, Gabirol reprend à son compte la théorie de la conjonction de l’âme avec l’intellect agent, mais souligne, dans la lignée néoplatonicienne, la position médiatrice de l’âme et surtout son rôle sotériologique. Par elle, chaque étant se convertit en son origine et retrouve sa plénitude intelligible. Gabirol pense donc la conversion de l’âme dans le cadre de la palingenèse tout l’être. Si le platonisme médiéval fut riche en textes attribués faussement, il commit aussi des erreurs d’identité, car le poète juif fut considéré comme un auteur musulman et appelé Avicebron. La méprise fur réparée en 1846 par Salomon Munk. Il est vrai que La source de vie fut écrite d’abord en arabe, et connue seulement en latin et en hébreux, le texte original ayant été perdu. Le néoplatonisme juif se développa aux siècles XI-XII. Une figure très originale fut Abraham Ibn Ezra (mort vers 1167), lequel chercha à lier la philosophie avec les sciences et la grammaire comprise comme philologie (Cf. Sela, 2003). Quant à Mosheh ben Maymun (1135-1204), Maimonide, bien qu’il discuta avec Al-Farabi ou Avicenne, il tint en piètre estime Platon (Cf. Zonta, 2005).

Dans la lignée d’al-Kindi se situent en partie, dans la culture islamique, Al-Farabi et Avicenne, lesquels ne sont pas des philosophes néoplatoniciens, tant s’en faut, mais reprennent des éléments néoplatoniciens, médiatisés par les commentaires alexandrins et les faux attribués à Aristote, dans leur conception de la métaphysique. Al-Farabi (870-950), actif à Bagdad, puis à Damas, tenta de systématiser la philosophie ancienne et les sciences islamiques, en suivant le modèle de la logique démonstrative d’Aristote. Dans ce cadre, al-Farabi proposa une conception originale de la philosophie première, comprise à la fois comme métaphysique et science divine. Tout d’abord, la métaphysique doit étudier les propriétés des étants en général, dans leur universalité, puis les principes à l’œuvre dans toutes les sciences particulières, enfin le principe commun à tous les étants, à savoir Dieu. La théologie fait donc partie de la métaphysique (Cf. la traduction française d’al-Farabi, Le traité sur les buts de la métaphysique d’Aristote, par Th. A. Druart, Bulletin de Philosophie Médiévale, 24, 1982, p. 38-43). Par conséquent, l’accord entre Aristote et Platon porte sur l’adaptation de la génération de l’univers dans une conception créationniste (Cf. la traduction anglaise, Al-Farabi’s Philosophy of Plato and Aristotle, par M. Mahdi, New York, 1969, 2e édition. Cf. Druart, 1992, p. 127-148). La justification de la création dans les termes de la philosophie grecque s’appuie sur la transformation de certains dispositifs majeurs. La cause efficiente et motrice d’Aristote est conçue comme une cause d’existence : puisque le temps est la mesure du mouvement, l’univers et le temps lui-même ont commencé à exister en même temps, dans un instant intemporel et non par succession.

La cause originaire est ensuite identifiée avec l’Un néoplatonicien, dont la production des étants unitaires n’implique aucune perte de l’unité et de la causalité originaires, selon la modalité propre de la procession par émanation. Un trait original de cette lecture est l’adaptation de l’émanation et de la causalité à la cosmologie et notamment aux sphères célestes. Le premier principe ne produit pas tant par la profusion de sa bonté (ce qui est le modèle du ps. Denys), mais par l’activité de surabondance due à son auto-contemplation. Car le premier principe est considéré, en s’inspirant de la Métaphysique Lambda, comme le premier intellect, qui produit ainsi un second intellect, lequel se retournant sur soi par contemplation en engendre un autre et ainsi de suite jusqu’au monde sublunaire, régit par l’Intellect agent. Dans cette conception opèrent l’influence de la réflexion aristotélicienne sur l’intellect et sur le Moteur Immobile ainsi que la conception du nous néoplatonicien ainsi que le modèle néoplatonicien d’une émanation qui procède nécessairement selon des modalités internes de déploiement (Cf. la traduction française d’al-Farabi, Epître sur l’Intellect, par D. Hamzah, Paris, 2002. Cf. Davidson, 1992 ; Hasse, 2000 ; Bertolacci, 2006).

Dans la lignée d’al-Farabi se situe en partie Ibn Sina (Avicenne), dont les sources sont cependant multiples : la philosophie païenne grecque, la tradition islamique, les textes de matrice néoplatonicienne attribués à Aristote (Cf. Gutas, 1988 ; Hasnaoui, 1991, p. 227-244 ; Rashed, 2004, p. 107-171). Les éléments platoniciens apparaissent, dans la lignée d’al-Kindi et d’al-Farabi, en particulier dans la conception de la création et dans la réflexion sur le rapport de l’âme au corps.

Car Avicenne considère que le sujet de la métaphysique est l’étude de ce qui existe et de ses propriétés, tandis que son but est l’interrogation sur les causes premières et, partant, sur Dieu. La méthode est rigoureuse, démonstrative, inspirée par les Secondes Analytiques d’Aristote. Comme telle, elle établit aussi les principes de toute science et le réseau conceptuel commun (les notions de multiple, d’unité, de différent…qui constituent le vocabulaire ontologique). La thèse centrale, qui oriente toute la réflexion sur la philosophie première, est la conception originale de la "chose". Il faut, pour Avicenne, distinguer l’existence objective de la chose qui est en elle-même indifférente à l’universalité et à l’individualité. Il s’agit de l’essence qui est destinée à se manifester sous la forme d’une existence, puisqu’elle trouve sa réalisation comme concept de l’intellect qui peut se référer à une multiplicité d’individu (Cf. Avicenna latinus, Liber de Philosophia Prima sive Scientia divina I-IV, éd. crit. S. Van Riet, introd. de G. Verbeke, Leiden-Louvain, 1977 et V-X, 1980, ici I, 1-6 et V, 3-8). Pourtant, le statut de la chose et du couple existence/essence chez Avicenne est très débattu et sujet à controverse (Cf. Druart, 2001, p. 125-142 ; Jolivet, 1984, p. 11-28).

Ainsi Dieu est-il l’Existent nécessaire, dont l’essence implique l’existence, tandis que tous les autres existants sont seulement possibles. Dans ce cadre, la création est considérée comme un processus d’émanation néoplatonicienne à partir de Dieu comme cause motrice. Mais la cause nécessaire divine, dans son unicité et simplicité, ne peut faire venir à l’existence qu’une seule chose. La création est donc accomplie par un système d’intelligences cosmologiques dont la dernière est l’intellect actif qui est dator formarum. Il ne se borne pas à produire les formes du monde physique, mais aussi les formes intelligibles de l’âme rationnelle humaine (Cf. Marmura, 1981, p. 65-83 ; Hasnawi, 1990, p. 966-972 ; D’Ancona, 2003, p. 206-207). À cet égard, il est significatif de rappeler les critiques adressées par Thomas d’Aquin à cette conception d’Avicenne, afin de souligner les résistances que les dispositifs néoplatoniciens opposent à la théorie de la création. Car Thomas estime que Dieu ne veut pas le monde de manière nécessaire, comme le processus de la procession l’impliquerait, mais il crée par un acte de volonté et de liberté. Par conséquent, on ne peut pas supposer que Dieu crée une seule chose et ait besoin d’intermédiaires (Cf. Thomas d’Aquin, Summa, I, qu., 19, art. 3 et qu. 45, art. 5 ; Contra Gent., I, chap. 81).

L’autre aspect saillant dans lequel des éléments néoplatoniciens œuvrent est la conception de l’âme humaine, mais dans le but précis de contrer les conséquences fâcheuses de la notion d’entéléchie. Car si, comme le remarque Aristote, l’âme est l’acte d’un corps qui a la vie en puissance, elle semblerait exercer la fonction d’une disposition ou d’une propriété liée au corps, qui rendrait problématique son statut de substance immatérielle et séparée. Les néoplatoniciens s’étaient déjà confrontés à ce problème, en supposant ou bien l’existence d’un corps en quelque sorte déjà formé ou bien la multiplicité de différents corps spirituel. Dans ce cadre, Avicenne estime que l’âme est intimement attachée au corps, par lequel elle est même attirée, en vue de réaliser sa propre perfection. Ensuite, une telle perfection ne dénote pas la dépendance de l’âme par rapport au corps, mais exprime une exigence propre à l’individuation de l’âme, laquelle s’attache à ce corps-ci et non à un autre. Finalement, la notion de la relation définit le lien de l’âme et du corps, qui ne contredit pas le fait que celui-ci soit l’instrument de celle-là.

Pour Avicenne, la définition de l’âme comme perfection du corps détermine une certaine relation au corps, mais non l’essence de l’âme (Cf. Druart, 2000, p. 259-273). Or, la sixte section du ’Livre de la guérison’, à savoir ’Le livre de l’âme’ (Kitab al-Nafs) composé d’une introduction et de cinq traités, dont la source principale est le ’De Anima’ d’Aristote, fut traduite en latin pendant le XIIe siècle (Cf. Avicenna Latinus, Liber de Anima seu Sextus de Naturalibus, I-III éd. S. Van Riet, intr. G. Verbeke, Louvain-Leiden, Peeters-Brill, 1972 ; IV-V, Louvain-Leiden, Peeters-Brill, 1968). Ainsi la contemplation platonicienne des idées est-elle une hypothèse contradictoire, puisque l’âme serait parfaite, si elle avait déjà contemplé le monde intelligible. Toutefois, comme le montre l’expérience mentale de "l’homme volant" (Cf. Marmura, 1986, p. 383-395 ; Hasnawi, 1997, p. 283-291. On s’imagine soi-même comme si l’on avait été créé d’un seul coup, tombant dans l’air ou dans le vide), son véritable « soi-même » surgit comme l’attestation d’une existence distincte du corps. Avicenne vise à montrer que le "moi" véritable et, partant, le noyau de l’identité personnelle de l’homme se situe dans une présence indubitable et intuitive à soi-même. Or, la réception d’Avicenne marqua fortement la philosophie persane de l’illumination, à partir de Shihab al-Din Suhrawardi (Cf. Ziai, 1996, I, p. 465-496).

 De Tolède à Strasbourg

Quoique les sources, à savoir les dialogues de Platon et les textes significatifs du néoplatonisme, fussent introduites tardivement dans l’Occident latin chrétien, un certain Platon et un certain platonisme y circulèrent, quoique de manière tortueuse. Si la connaissance directe fut indigente, la transmission indirecte fut riche et variée (Cf. Steel, 1990 ; Lemoine, 1996 ; McEvoy, 1997). Une contribution essentielle fut apportée par la culture arabe en el-Andalus, notamment via Cordoue et Tolède (Cf. Urvoy, 1990 ; Santiago Otero, 1994). L’Espagne wisigothe fut conquise par les berbères en 7011, en demeurant formellement liée à Damas. Après la révolution abbasside et l’extermination des Umayyades en 750, se forma à Cordoue un khalifat fondé par un rescapé Umayyade, Abd al-Rahman. Cordoue demeura un centre culturel essentiel jusqu’à l’année 1031. Ensuite, l’Espagne musulmane se divisa en plusieurs petits royaumes en concurrence entre eux. Les Almoravides, provenant de l’Afrique du Nord, vainquirent Alphonse Vi de Léon et Castille et prirent possession de l’Andalousie. Toutefois, les Almoravides furent supplantés par les Almohades en Maroc (1147), puis en Andalousie (1150). La bataille de Las Navas de Tolosa en1212 marqua la victoire du roi Alphonse VIII sur les Almohades. Progressivement l’Espagne fut reprise par les rois catholiques (Cordoue en 1236, Séville en 1246). Le petit royaume de Grenade resta musulman jusqu’en 1492

Dans ce contexte, au XIIe siècle, Raymond de Sauvetat, archevêque de Tolède, encouragea le travail de traduction et la conséquente translatio studiorum que la conquête musulmane avait suscités. Le péripatétisme arabe, une forme de néoplatonisme alexandrin révisé, entra alors en Occident. Le premier écrit introduisant une conception émanationniste, inspirée d’Avicenne, est Le livre des cercles (Kitab al-Hada’iq, Il libro dei cerchi, texte arabe et trad. it., intr. de M. Jevolella, Milano, 1984) d’Ibn al-Sid al-Batliyusi (1052-1127), qui fut actif à Badajoz, Teruel, Tolède, Zaragoza, puis Valencia (Cf. Bertolacci, 2013, p. 242-269). Dans la lignée d’Avicenne se situe Ibn Tufayl (mort en 1184 ; cf. Gutas, 1994, p. 222-241). Domingo Gonzales (Domenicus Gundissalinus), archidiacre de Ségovie, participa à plusieurs traductions ci-dessus citées, mais il s’adonna seul à la traduction de la Métaphysique d’Avicenne. Par Gundissalinus l’Avicenne latin devient donc une pièce centrale de la tradition philosophique dans l’Occident latin : son propre écrit De anima, sur l’âme, est une tentative de concilier la cosmologie avicennienne des intelligences cosmologiques avec la conception chrétienne des anges, doués cependant d’un rôle plus significatif que dans l’orthodoxie.

Dans ce milieu, un autre "faux" célèbre fut produit : il s’agit du Liber Avicennae in primis et secundis substantiis et de fluxus entis, une collection de passages tirés du ps. Denys, d’Augustin, d’Érigène et d’Avicenne. Il présente donc les orientations principales de ce que l’on a pu appeler l’augustinisme avicennien : les théophanies du principe divin, le rôle médiateur des causes ou des intelligences produites par le premier principe, le recouvrement entre la création et l’émanation du flux, la théorie augustinienne de l’illumination et de l’intériorité combinée avec la réflexion de la philosophie en Islam sur l’intellect d’Aristote, l’idéal de vie du sage, en tant que philosophe contemplatif. Car la réflexion sur le philosophe, sage isolé ou engagé dans la cité, demeura un thème central de la réflexion musulmane en Andalousie (Cf. Ibn Bagga (Avenpace), mort en 1139 à Fez : Tadbir al-mutawahhid, El regimen del solitario, éd. de J. Lomba, Madrid, 1997 ; cf. Zainaty, 1979).

Dans l’Occident latin, outre la tradition platonicienne indirecte transmise par Cicéron, Sénèque, Martianus Capella, Aulu-Gelle, Apulée et Marius Victorinus et la présence considérable des Pères de l’Église grecque et latine, la tradition directe fut très indigente. Henri Aristippe de Catane traduisit du grec au XIIe le Ménon et le Phédon, mais ses versions furent peu lues. Le dialogue platonicien plus connu fut une partie du Timée (17a-53c), traduit et commenté au IVe siècle par Chalcidius, Timaeus a Calcidio translatus comentarioque instructus. Plato Latinus, vol. IV, éd. crit. de J. H. Waszink, London-Leyden, 1962 (la graphie Calcidius est aussi parfois utilisée), centré sur la Providence, le Destin et la conception cosmologique de l’Artisan et l’Âme du Monde. Les commentateurs néoplatoniciens d’Aristote, comme Ammonius, Simplicius et Jean Philophon ainsi qu’Alexandre d’Aphrodise et Thémistius et l’Avicenne latin, vinrent à faire partie progressivement des bibliothèques des érudits dans l’Occident chrétien latin. L’accès à Proclus en latin fut rendu possible au XIIIe siècle par Guillaume de Moerbeke, archevêque de Corinthe. Bien qu’il s’adonnât essentiellement à la tâche de traduire toutes les œuvres d’Aristote ou d’en réviser les traductions existantes, Guillaume traduisit aussi l’Elementatio theologica à Viterbe en 1268, Les trois Opuscules à Corinthe en 1280 et le commentaire du Parménide, qui s’interrompt toutefois au texte platonicien Parm. 142a8 (Cf. Aristoteles latinus, Corpus Latinum Commentatorium in Aristoteles Graecorum, Louvain, Leiden, 1957). Avant la traduction intégrale de Ficin, une version du Parménide fur donnée seulement par Trébizonde en 1459, commissionnée par le Cusain (Cf. Ruocco, 2003).

Or, le platonisme dans l’Occident latin demeure caractérisé, du XIIe au XIVe siècle, par une philosophie qui, tout en se réclamant de Platon, ignore presque toutes les œuvres de son fondateur, et donne lieu cependant à une tradition de pensée cohérente, établie sur un réseau constant de problèmes et de solutions endogènes. Cette force structurale permet au platonisme deux opérations fondamentales. D’abord, il peut intégrer, en les repensant à partir de ses conditions conceptuelles, des éléments hétérogènes venant de traditions différentes, comme le péripatétisme arabe ou l’hermétisme. D’autre part, ses dispositifs logiques et ontologiques offrent des ressources inédites pour poser les termes de problèmes qui lui sont également extérieurs, provenant notamment des trois religions du Livre.

Dans les deux démarches, l’identité et la cohésion des procédés et des thèses platoniciennes sont également mises à dure preuve, parfois jusqu’à leur point de rupture. C’est pourquoi le platonisme, dans le Moyen Âge latin occidental, non seulement a parcouru de multiples chemins, de Tolède à Chartres, à Catane, puis à Paris et Oxford, jusqu’à Strasbourg et Cologne (pour ne citer que quelques périples), mais il a été élaboré selon trois modalités principales : comme élément d’une pensée qui lui est étrangère ; comme composante dans une philosophie qui assume et transforme de manière critique certaines thèses de la tradition platonicienne ; comme fondement principal d’une théorie cohérente. Au lieu de parcourir pas à pas les chemins du platonisme/néoplatonisme latin, avant la découverte des sources platoniciennes au XVe siècle, ce qui suit tente de présenter ces trois modalités dans des figures concrètes de pensée.

Pour les néoplatoniciens, la nature est animée par les dieux et les démons de manière cachée : elle revêt des formes sensibles qui l’enveloppent, la rendent énigmatique, bien que l’œil avisé du savant puisse déceler la divinité à travers les voiles. C’est dans ce contexte que l’on pouvait parler, d’une "théologie physique" positive, bien qu’elle fût subordonnée à la théologie divine. La nature était considérée comme le lieu où les dieux se manifestent aux hommes de manière symbolique, à savoir cachés ou voilés mais réellement présents dans les rites théurgiques. Dans ce cadre, on citait le dicton héraclitéen : "La nature aime à se cacher" ou l’on interprétait le récit de Calypso séduisant Ulysse comme une image de la nature (Cf. Dillon, 1976, p. 247-262 ; Hadot, 2004.) Cette conception de la nature fut transmise en particulier par Macrobius, Commentarii in Somnium Scipionis, éd. et trad. fr. par M. Armisen-Marchetti, 2 vol., Paris, 2003 I, 2, 17-19 (Cf. Caiazzo, 2003).

Or, la version latine du Timée eut une large diffusion et fut un des textes principaux de la philosophie chartraine du XIIe siècle. Bien qu’il soit problématique d’affirmer la réalité effective de l’école de Chartres, force est de reconnaître entre des figures diverses comme Bernard Silvestre, Guillaume et Thierry de Chartres un intérêt commun pour le Timée dans la tentative de fonder philosophiquement et sur des présupposés platoniciens la "théologie physique". Ce n’est fut cependant pas une lecture exclusive. Les Opuscula sacra de Boèce, l’Enéide de Virgile et Martianus Capella, Les Noces de Philologie et de Mercure furent également des textes largement fréquentés. Cela signifiait surtout l’exigence d’étudier de manière relativement autonome par rapport à l’ordre divin la nature comprise comme le domaine des causes secondes, sans contredire le récit de la Genèse (Cf. Gregory, 1995 ; Speer, 1995 ; Leinkauf et Steel, 2006).

Les néoplatoniciens chrétiens de Chartres au XIIe siècle ont donc revendiqué l’unité structurelle et interne de la nature, en délaissant ses enveloppements symboliques. Guillaume de Conches (1094-1154, Glosae super Platonem, éd. crit. et intr. d’E. Jeauneau, Paris, 1965), en particulier, exprima la nécessité d’abandonner l’interprétation fabuleuse de la nature, afin d’étudier celle-ci selon ses propres principes. Il serait néanmoins fourvoyant de penser que cet intérêt pour la légalité de la nature traduisait une exigence scientifique poussée. Le platonisme du XIIe siècle ne prit pas radicalement congé des fables (Cf. Dronke, 1975) : d’une part, il resta débiteur à l’égard de l’interprétation théologique, en cherchant par moments à identifier l’Âme du monde, à savoir le principe cosmologique de la vie, avec la troisième personne de la Trinité ; d’autre part, il utilisa la forme poétique pour allégoriser la nature elle-même. Surtout, les deux tendances, théurgique et naturaliste, du néoplatonisme ont également affirmé le primat accordé au savoir astrologique, qui conçoit l’unité de la nature comme étant constituée par des réseaux de ressemblances et d’attraction réciproques.

Si le Timée ne sembla pas avoir suscité une attention particulière dans la tradition byzantine médiévale, sa large diffusion dans l’Occident latin poussa l’émigré byzantin Michel Marulle Tarcaniote (1453-1500) à composer les Hymni Naturales (1497, éd. et trad. fr. de J. Chomarat, Hymnes naturels, Genève, 1996) où il tenta d’articuler le "mythe" cosmologique du Timée de Platon avec le poème naturel de Lucrèce (Cf. Mariani Zini, 2000, p. 200-233). Car la découverte récente du De Rerum naturae de Lucrèce par Poggio Bracciolini en 1473 et sa rapide diffusion dans la péninsule italique avaient renouvelé la compréhension de la nature, en concomitance avec la lecture intensive du Sur la nature du monde et de l’âme de Timée de Locres, qui était probablement un néoplatonicien du Ier siècle de notre ère, ou bien un alexandrin opérant dans un milieu péripatéticien (Cf. Baltes, 1972).

Mais la composante platonicienne est essentielle, au-delà de la "théologie physique", dans deux directions de pensée très distinctes : dans la tradition franciscaine et augustinienne de Bonaventure de Bagnoregio, au XIIIe siècle, et dans l’école dominicaine allemande, au XIVe siècle. La distance géographique, temporelle et religieuse ainsi que les différences théoriques n’effacent pas l’intention commune de penser à nouveaux frais les coordonnées de la théologie et de son rapport à la philosophie à partir des ressources conceptuelles du platonisme, notamment de la tradition s’inspirant de Proclus. Bonaventure de Bagnoregio (1217-1274), de son vrai nom Jean Fidenza, prit le nom de Bonaventure, en entrant dans l’Ordre des Mineurs à Paris en 1243, lesquels avaient leur siège depuis 1219 au couvent des Cordeliers (Cf. Bonaventure de Bagnoregio, Opera Omnia, Firenze, 1882-1902, X vol. Cf. Gilson, 1924 ; Falqué, 2001 ; Cullen, 2008 ; Hammad, Leiden, 2004. Cf. aussi les nombreuses publications éditées par le Centro di Studi su Bonaventura di Bagnoregio).

Bonaventure suivit l’enseignement d’Alexandre de Hales et par lui, eut accès au néoplatonisme des Pères de l’Église grecs. Bien qu’il fût élu ministre général de l’Ordre (1257), puis évêque de Lyon, où il mourut, Bonaventure cultiva toujours une forme de religiosité pieuse, humble, profondément enracinée depuis sa guérison inattendue d’une grave maladie enfantine. Peu enclin aux arguties intellectuelles, il quitta même sa chaire à l’université de Paris pour se consacrer à son ordre. Bonaventure considère la Trinité comme un principe divin. Dieu est un et trine : il n’exprime pas seulement unité indicible au-delà de tout être. Il considère donc la Trinité selon les dispositifs néoplatoniciens de la communication et de la relation. Car la Trinité est créatrice : elle se communique comme relation amoureuse interne, se développant selon trois modalités : comme toute-puissance en tant que Père ; comme sagesse par le Fils et comme bonté par l’Esprit. Une telle unité se déployant n’a pas besoin d’intermédiaires. La plénitude de la source (plenitudo fontalis) par laquelle le Père produit les deux autres personnes de la Trinité est la même qui crée toutes les créatures. À cet égard, Bonaventure emprunte une autre conception significative de la tradition platonicienne : l’image ou la copie comme miroir. Le monde est le miroir de Dieu et le Verbe incarné en est la cause exemplaire, justement par sa double nature humaine et divine. Du point de vue ontologique, il faut donc présupposer que l’âme est à fois forme et hoc aliquod (substance), en se joignant à un corps en quelque sorte déjà doué d’une forme propre ; du point de vue cognitif, l’illumination divine est la véritable connaissance, laquelle implique une thérapie de l’âme et sa conséquente élévation.

Ainsi Bonaventure ne souligne-t-il pas seulement la procession du réel, mais aussi la conversion, la reductio de la créature au créateur. Bien que l’âme humaine signifie une relation privilégiée, en tant que miroir et image du Verbe, le monde extérieur n’est pas méprisé au nom de l’intériorité augustinienne. Le monde lui-même se reflète dans l’âme et il est restauré par elle dans son unité originaire. Bonaventure exploite donc la conception platonicienne médiatrice de l’âme, sans se borner à la concevoir comme l’accès principal à la compréhension de l’être (ce qui est en un certain sens la position de Proclus), mais comme le dispositif ontologique majeur de la restauration de tout le créé. Avec Bonaventure, la nature positive de la procession, la perméabilité des niveaux ontologiques et la conversion de tout l’être par l’âme, l’expérience religieuse de l’élévation qui ne renonce point à l’exercice intellectuel, tous ces éléments qui caractérisent les modalités propres au platonisme post-plotinien, trouvent une formulation chrétienne rigoureuse (Cf. Baffioni, 1996, p. 5-25).

On prend bien la mesure de la distance du platonisme de Bonaventure d’avec la tradition aristotélicienne de la scolastique médiévale, en évoquant un point crucial de dissension avec Thomas d’Aquin (qui enseignait à Paris en même temps que le franciscain italien) : la conception de l’illumination. Car, pour Thomas, l’âme fait le corps (facit corpum) et l’illumination ne présuppose point que l’homme connaisse les choses dans les idées divines. Dieu a doué l’homme des facultés de connaître et de former des concepts par lesquels les choses sont connues, bien que la saisie de l’individualité ne revienne qu’à Dieu (Cf. Thomas d’Aquin, Somme de Théologie, I, qu. 84, art. 5). Pour Bonaventure, cette approche ôte aux idées divines leur caractère exemplaire. L’intellect divin n’est donc que la cause efficiente de notre savoir, de sorte que notre rapport à Dieu ne diffère pas des autres modalités de dépendance dans la nature (Cf. Bonaventure, Quaestiones disputatae de scientia Christi, qu. IV ).

Outre que dans la tradition franciscaine, l’influence de Bonaventure est patente dans la Teutonie du XIIIe siècle, grâce au Compendium theologicae veritatis d’Hugues Ripelin de Strasbourg (Cf. Putallaz, 1997). Dans le territoire de la Teutonie, se développa l’école dominicaine allemande, à partir de l’enseignement d’Albert le Grand (de son vrai nom Albert von Lauingen : 1200-1280), lequel après avoir étudié à Padoue et à Cologne, se forma à Paris. Il enseigna au studium dominicain de Cologne, puis devint évêque de Ratisbonne. La pensée rhénane ne comporte pas tant un système de doctrines partagé qu’une tentative de penser à nouveaux frais la théorie de l’intellect propre au péripatétisme arabe, et à sa composante néoplatonicienne, par l’intégration des ressources conceptuelles introduites par la connaissance de Proclus, outre l’héritage de Denys, des Pères cappadociens et d’Augustin. Car la traduction de l’Elementatio theologica fut complétée par Guillaume de Moerbeke en 1268 et du Commentaire sur le Parménide en 1286. Guillaume traduisit aussi les commentaires de Themistius en 1267 et de Philopon sur le De anima en 1268 (Cf. Brams 1989). Une autre source important fur le recueil, élaboré au XIIe siècle, des commentaires byzantins à l’Ethique à Nicomaque d’Aristote, parmi lesquels Eustrate de Nicée et Michel d’Ephèse. Il fut traduit du grec par Robert Grosseteste en 1246-1247 avec le texte d’Aristote lui-même.

Or, le sujet transmis par Albert aux dominicains allemands est à la fois métaphysique et éthique, puisqu’il concerne la détermination de la véritable sagesse, par laquelle l’homme peut se diviniser, devenir comme dieu. Pour Albert, l’âme devient divine en entrant en conjonction avec l’Intellect Agent, selon les termes du péripatétisme arabe. La réalisation de cette conjonction ou union se fait dans l’intellectus adeptus ou acquis, mais elle implique un chemin de purification et d’élévation de l’âme jusqu’à la contemplation des réalités séparées, qui emprunte aux modalités néoplatoniciennes d’ascèse. Pourtant, l’assimilation par la conjonction ou la continuation de l’intellect Agent en l’intellect acquis est interprétée, dans la lignée du ps. Denys, comme une modalité d’hénosis, de l’unitio, d’union ineffable par la contemplation, qui dépasse le dicible et le visible (Cf. Zimmermann, 1981 ; Hoenen et de Libera, 1995 ; de Libera, 1996 ; Sturlese, 1996). La transformation de la conjonction en union et de la métaphysique de l’intellect et de son rapport à l’être en hénologie est, dit en termes succincts, le sens du parcours entrepris depuis Albert.

Son élève, Ulrich de Strasbourg (1225-1277) développe, dans son œuvre inachevée De summo bono, (cf. Livre I, éd. de B. Mojsisch, Hamburg 1989 ; livre II, 1-4, éd. d’A. de Libera, Hamburg, 1987 ; livre IV, 1-2, 7, éd. de S. Pieperhoff, Hamburg, 1987). L’enseignement albertien, notamment le modèle théophatique de la sagesse, en tant que science affective (scientia affectiva) attribué par le ps. Denys à son maître Hiérothée. Dietrich de Freiberg, à savoir Theodoricus Teutonicus (1240-1320 ? Cf. Opera Omnia, Hamburg, 1977-1985. Cf. Mojsisch, 1984 ; Flasch, 2007 ; Biard, 2009) identifie l’intellect agent de la tradition péripatéticienne arabe avec le fonds secret de l’âme (adbitum mentis) d’origine augustinienne, dans une conception qui reprend la conception de la procession propre à Proclus. Toutefois, deux éléments restent étrangers à la tradition néoplatonicienne. D’une part, Dietrich transfère le pouvoir d’unification que Proclus attribuait aux hénades (les premières manifestations divines de l’Un, productrices de l’unification, qui ne peut pas directement unifier (sinon elle perdrait son unité indicible) à Dieu, qui est intellect premier, duquel procèdent les intelligences séparées, les âmes célestes et l’intellect agent dans l’être humain. D’autre part, bien que Dietrich reprenne à son compte l’exigence proclusienne d’établir une médiation entre deux extrêmes, dans laquelle ces derniers puissent se convertir comme dans un centre, l’Intellect Agent est mis par Dieu directement dans l’âme humaine, il en est la cause essentielle.

La psychologie n’est donc plus simplement un accès privilégié à la métaphysique, ce qui était le point de vue de Proclus, mais la position médiatrice de l’âme, dans son fond secret et unitif avec l’Intellect Agent, assure le fondement de la connaissance dans l’intellect producteur des formes essentielles. Si Eckhardt von Hochseim, dit Maître Eckhart (1260-1328 ; Cf. Traités et sermons, éd. et trad. fr. d’Alain de Libera, Paris, 1993. Cf. de Libera, 1999 ; Flasch, 2008 ; Hackett, 2013), développa l’union de l’âme à Dieu dans une conception originale, où l’élévation de l’âme est comprise comme un détachement par rapport à tout le crée (ce qui rappelle des motifs stoïciens) dans une dialectique où les contraires donnent forme à l’affirmation d’un nouveau genre, puisque Dieu s’abaisse en même temps dans l’homme, ce fut avec Berthold de Moosburg, Expositio super Elementationem theologicam Procli, Hamburg et Rome, 1974-2004 (Cf. Führer et Gersch, 2014) que l’hénologie s’affirme sur la métaphysique de l’assimilation à l’intellect, en puisant à Proclus.

Pour Berthold, l’union avec le premier principe advient par l’un de l’âme, unum animae, qui ne peut pas se réduire à une modalité de l’intellect. Par conséquent, Berthold trace une nette différence entre la philosophie d’Aristote, se consacrant à l’interrogation sur l’être en tant qu’être et sur son rapport avec l’intellect et l’intelligibilité de l’être, et la tradition platonicienne, qui défend la supériorité de l’Un imparticipable sur l’être. La divinisation de l’âme se fonde donc sur l’hypersagesse platonicienne (supersapientialis scentia platonica). La dialectique de la coïncidence des opposés, tirée en partie du ps. Denys et de Proclus est un élément qui se retrouve également dans l’œuvre de Nikolaus Krebs (Nicola Cusano, 1401-1464. Cf. Flasch, 2007).

Pourtant, bien qu’Albert ait inspiré un mouvement de pensée qui changea progressivement la définition de la divinisation de l’homme, de l’assimilation avec l’intellect à l’union avec Dieu par l’un de l’âme, il cultiva des rapports critiques avec la tradition platonicienne, ou du moins avec une certaine tradition platonicienne, recouverte par l’hermétisme. Le platonisme est donc, pour Albert, une composante intégrée et transformée dans un horizon de sens qui lui reste en partie étranger. En particulier, Albert critique la thèse attribué au platonisme de l’induction des formes. Car l’induction des formes néglige la césure et, partant, la hiérarchie entre le créateur et la créature, puisqu’elle postule une continuité et une causalité univoque qui ne tient compte ni de la diversité des effets, ni de la transcendance du premier principe (Cf. Albert le Grand, Metaphysica, Pars I : libri 1-5, éd. B. Geyer, Alberti Magni Opera Omnia, tomus XVI, pars I, Münster, 1960 ; Pars II : Libri 6-13, éd. B. Geyer, Alberti Magni Opera Omnia, tomus XVI, pars II, Münster, 1964). Toutefois, Albert n’est pas hostile à la conception de l’émanation, qu’il tire d’Avicenne et du péripatétisme arabe. L’émanation doit être comprise comme la surabondance et la diffusion du Bien propre à un premier intellect, caractérisé par son actualité éternelle (Cf. Nardi, 1969, p. 69-101 ; de Libera, 1996, p. 127-177 ; Müller, 2002, p. 318-370). La forme séparée de la matière doit être considérée comme motrice, au sens où elle fait passer à l’acte la puissance qui est dans la matière, mais elle ne l’induit point. Par conséquent, le rôle des dieux célestes secondaires dans la génération, qui est un point cardinal du néoplatonisme, notamment chez Proclus ainsi que la fonction du Donateur des formes, cruciale chez Avicenne, sont critiqués par Albert.

Toutefois, la thèse défendue par Albert de l’inchoatio formae, de l’éduction des formes, à savoir la possibilité d’actualiser les formes latentes de la matière, présente un genre de causalité qui n’est pas inconciliable avec l’émanation du premier principe, d’autant plus que le multiple est unifié dans l’advocatio boni (l’appel du bien) lequel désigne l’appel ou l’attrait exercé par le Bien, compris à la fois comme le premier principe et la cause finale (Cf. Albert, Ethica, I, 2, 6, éd. J. Müller, 2002, p. 366). Ici l’influence du Ps. Denys est patente et peut être interprétée dans le cadre d’un "antiplatonisme sans Platon", comme le suggère de Libera, 1996, p. 178sq., ou bien comme un "néoplatonisme sans Platon", étroitement lié à un second commencement de la philosophie éthique, selon Müller, 2001, p. 305-397. Ce n’est pas donc un hasard si l’enseignement d’Albert se transmit aussi au belge Henri de Gand (1217/1218-1293. Il étudia à Cologne et à Paris et devint archidiacre de Tournai) dont l’œuvre est fortement marquée par le platonisme (Cf. Pickavé, 2007).

Néanmoins, deux aspects font toucher du doigt l’incompatibilité de la pensée d’Albert avec les fondements du platonisme. D’une part, le souci de continuité, qu’Albert reproche à la figure mythique d’Hermès et à un certain platonisme, est justement l’une des préoccupations majeures de la tradition qui se réclame de Platon et un obstacle majeur à toute conception de la création. D’autre part, l’inchoatio est dans la pensée d’Albert étroitement liée au dispositif acte/puissance, tandis que dans une perspective plus augustinienne, et partant platonicienne, il faut présupposer des semences, qui servent d’intermédiaire entre la forme et la matière.

L’hypothèse d’une médiation entre la matière et la forme transcendante n’est pas seulement motivée par le souci de continuité, mais aussi par la tentative de comprendre la nature de la forme immanente à la matière et l’individualité de celle-ci, acquise par ses qualités et son extensionalité, à savoir sa tridimensionnalité..Somme toute, l’actualisation des formes latentes dans la matière selon le modèle aristotélicien de la puissance et de l’acte néglige la différence essentielle entre les deux extrêmes. Car, comme le reconnaît Aristote lui-même, si le changement impliquait un intervalle entre deux contraires ainsi que la possibilité de la transition de l’un à l’autre, alors les contraires signifieraient plus la négation ou la privation d’une forme qu’un opposé proprement dit (Cf. Aristote, Cat., 5, 3b24). Il serait donc possible de dire les mêmes choses selon la puissance et l’acte (Cf. Aristote, Phys., I, 8, 191b27). Cette capacité de devenir ce qui est déjà sous forme latente efface la différence constitutive entre la matière et la forme, ce qui se heurte à une conviction fondamentale du néoplatonisme.

Si Albert intègre de manière critique la composante platonicienne et son "école" en fait, grâce à la lecture de Proclus, un dispositif majeur pour prendre congé de la théorie péripatéticienne et arabe de l’intellect, le platonisme et le néoplatonisme, surtout du ps. Denys, peuvent être un élément de réflexion dans un tout autre horizon de sens. C’est le cas de Thomas lequel, lorsqu’il reprend des thèmes ou des ressources conceptuelles platoniciennes, il en change radicalement la signification. Cela est manifeste dans sa conception de l’analogie, laquelle est un motif originairement platonicien (Cf. Chiaradonna, 2002). Pour Thomas, tandis que Dieu possède toutes les perfections, comme la bonté, les créatures sont marquées par une indigence constitutive. De la sorte, les propriétés prédiquées de la créature et de Dieu ne sont ni univoque, ni équivoque, mais établissent une analogie proportionnelle. Toutefois, à la différence de la tradition platonicienne, où l’analogie implique une forme d’unité au moins focale qui justifie la relation entre les termes, Thomas, Somme, I, qu. 13, art. 2 et 3, souligne que l’analogie définit un rapport de dépendance causale et non une nature commune (Cf. Courtine, 2005).

 De Byzance à Florence

Il faut le souligner : Platon entra très tardivement dans l’Occident chrétien latin. Il provint de Byzance et son lieu d’apparition ne fut pas l’université médiévale, mais la cour humaniste des Medici à Florence, dont le mécénat servait le désir d’asseoir un pouvoir culturel dans la péninsule. L’intégralité des dialogues de Platon ne fut traduite par Marsile Ficin qu’en 1484 (Cf. Editio princeps des Platonis opera, Florence, Lorenzo Veneto et alii, auprès des bénédictins de San Jacopo di Ripoli). Le ms. Grec, provenant de Byzance fut acheté par Cosimo de Medici pendant le concile de Florence-Ferrare en 1438-1439. Cosmo chargea alors Ficin de le traduire en 1463. Il s’agit du ms. Laur. 49 (Cf. Carlini, 1999, p. 3-36 et id., 2006, p. 25-64). L’editio princeps de Platon par Aldo Manuce, Venise est en 1513 (Cf. Schmitt, 1970, p. 211-236 ; Monfasani, 2013, p. 47-62).

Toutefois, pour Ficin lui-même, être platonicus signifiait se reconnaître dans une tradition de pensée qui ne distinguait pas entre la réflexion de Platon et la philosophie néoplatonicienne. Il s’agit, pour lui, de même que pour les commentateurs anciens, de "sauver Platon" et de suivre le développement d’une tradition sapientiale unitaire qui intègre, par sa propre nature, de multiples courants et suggestions, formant une philosophia perennis et une prisca theologia, où l’exercice de la réflexion n’exclut point les pratiques cultuelles et rituelles ni le souci eschatologique. C’est pourquoi Ficin traduisit aussi les quatorze premiers traités du Corpus hermeticum en 1463, dont l’Asclepius avait été bien connu au Moyen Âge, ainsi que les Ennéades de Plotin. Ficin travailla sur la copie transcrite en 1460 par Johannes Scutariotes (le Parisinus gr. 1816) du ms. Laur. 87, 3. La traduction, commencée en 1484 fut terminée en 1486 et publiée en 1492 (Cf. Ficin, Opera, Bâle, 1561, II, 1537-1800. Cf. Saffrey, 1990, p. 277-293 ; Förstel, 2006, p. 65-88). L’activité de commentateur se porta aussi bien sur les auteurs du néoplatonisme que sur Platon lui-même, constituant des œuvres de référence jusqu’à Hegel (Cf. M. Ficino, Commentaria in Platonem, 1494. Cf. Kristeller, 1973).

La lecture des textes originaux de Platon et de la pensée néoplatonicienne s’insère donc dans une histoire exégétique consolidée où les traditions sapientiales comme l’hermétisme, les Oracles chaldaïques et les structures conceptuelles empruntées à l’histoire de l’aristotélisme ou aux commentateurs néoplatoniciens d’Aristote ainsi qu’à la présence toujours significative du stoïcisme sont à chaque fois pensées à nouveau frais et intégrées dans une réflexion cohérente (Cf. Fowden, 1993 ; Athanassiadi et Frede, 1999 ; Lucentini, 2007 ; Seng, 2009 ; Monfasani, 2013, p. 179-202). Cependant, il est indubitable que la connaissance directe des sources changea les coordonnées de pensée de ce que l’on pouvait entendre par "platonisme", proposant de nouveaux dispositifs de pensée dans les différends hérités non seulement de la pensée tardo-antique, mais aussi de la philosophie médiévale (Cf. Mariani Zini, 2014).

Bien que la langue et la culture grecques ne fussent pas inconnues, surtout dans l’Italie méridionale, les délégués byzantins apportèrent, à partir du Concile de Florence-Ferrare (1438-1439), consacré à la tentative d’unir les Églises orthodoxe et catholique, un nombre impressionnant de manuscrits grecs et la compétence pour apprendre à les déchiffrer (Cf. Sabbadini, 1906 ; Cammelli, 1941 ; Reynolds et Wilson, 1974 ; Cortesi et Maltese, 1990 ; Monfasani, 1995 ; Konstantinou, 2006). Si Pétrarque regrettait de ne pas connaître le grec pour lire le manuscrit d’Homère qu’un ambassadeur de Byzance lui offrit (Ambros. I 98 inf.), la situation commença de changer vers la fin du XIVe siècle, lorsqu’un autre diplomate byzantin, Manuel Chrysolora donna régulièrement des cours de grec aux humanistes, notamment à Leonardo Bruni, lequel traduisit le Phédon, le Gorgias, le Criton, L’Apologie de Socrate, ainsi que les Lettres et le discours d’Alcibiade dans le Banquet (Cf. Berti, 1988). Pour sa part, Guarino Guarini, se rendit même à Constantinople pour mieux apprendre la langue. L’apport des manuscrits grecs conduisit à s’interroger sur l’organisation du savoir, notamment sur les critères d’agencement des bibliothèques. À cet égard, il faut mentionner la célèbre bibliothèque du Cardinal Bessarion (1403-1472. Cf. Kardinal Bessarion als Theologe, Humanist und Staatsmann, éd. de L. Mohler, 3 vols., Padeborn, 1923-1942=reprint 1967). Bessarion participa au Concile de Ferrare-Florence et fut nommé évêque par le Pape. Après la prise de Constantinople par l’empire ottoman en 1453, il tenta de sauver le patrimoine grec, en offrant en 1468 sa riche collection de manuscrits grecs (environ 500) à la République de Venise, constituant ainsi le cœur de l’actuelle Bibliothèque Marciana (Cf. Cosuccia, 2009 ; Bianca, 1999). Bessarion œuvra également pour faire copier les manuscrits et classer les œuvres de manière ordonnée, en établissant par exemple un système de cotes et d’indications écrites sur les pages de garde. De surcroît, Bessarion et le pape Niccolò V firent traduire dans un latin élégant les œuvres grecques scientifiques et pas seulement philosophiques ou littéraires.

Or, bien qu’on ne puisse pas réduire la lecture byzantine d’Aristote à l’Organon, il est vrai que l’intérêt pour la logique y occupa une place centrale. Aussi bien Scholarios que Bessarion se formèrent à l’école de Jean Chortasmémos, qui transmit les commentaires néoplatoniciens et alexandrins de l’Organon, copiés par Néophytos Prodromènos, qui avait vers la moitié du XVe siècle œuvré à réorganiser le corpus logique (Cf. Duffy, 1988, p. 207-216). À cet égard, l’enseignement d’Argiropoulos à Florence et à Rome transmit la tendance byzantine à représenter les déductions syllogistiques par des figures géométriques, visant à en simplifier la complexité et à en favoriser l’appréhension mnémotechnique (Cf. Vasoli, 1968).

Toutefois, l’apport le plus significatif des émigrés byzantins dans l’Italie du XIVe concerna le platonisme et le néoplatonisme bien que le rapport de la culture byzantine avec cette tradition de pensée fût plus complexe, puisqu’il fut étroitement lié aux vicissitudes parfois conflictuelles des instances de pouvoir. Toutefois, la censure ne fut pas moins sévère avec Jean l’Italien, vers 1055, condamné pour avoir cherché á appliquer la logique d’Aristote à la théologie, notamment la Trinité et la double nature du Christ. Mais Jean l’Italien cultive également le néoplatonisme de son prédécesseur comme hypatos à l’école platonicienne de Constantinople, Psellos, et fut condamné aussi en tant que tel de même que son disciple Eustrate de Nicée, dont l’aristotélisme doit beaucoup aux commentaires de Simplicius et du pseudo-Denys.

A cet égard, l’encyclopédie anonyme connue sous le titre de Souda (le Rempart), compilée dans la deuxième moitié du IX siècle, fut un texte précieux pour la diffusion du néoplatonisme, puisqu’ elle contient des passages de la Vie de Proclus de Marinus, des Vies des philosophes de Diogène Laërce, et surtout beaucoup de fragments de la Vie d’Isidore de Damascius. Auparavant Phôtios qui avait enseigne sans doute à l’Ecole de Magnaure avait rédigé des textes encyclopédiques, en résumant le contenu des nombreuses œuvres chrétiennes et païennes, notamment dans la Bibliothèque et dans les Réponses aux questions d’Amphilochios.

Mais le véritable renouveau du platonisme revient à Michel Psellos (ca. 1018-1078. Cf. Michaelis Pselli Philosophica Minora I : Opuscula logica, physica, allegorica, alia, éd. J, M. Duffy ; II. Opuscula psychologica, teologica, daemonologica, éd. D. J. O’Meara, Stuttgart/Leibniz 1989-1992), érudit célèbre de la cour de Constantin I, hypatos, professeur de philosophie à l’école platonicienne fondée par Jean Mavroupos en 1028, qui commenta la Physique d’Aristote, mais se disait davantage admirateur de Platon que de ses commentateurs. Psellos se situe donc dans le sillage du néoplatonisme post-plotinien, proche de Proclus et de Jamblique, en cherchant à lier la réflexion philosophique et la théurgie et à montrer comment cette tradition sapientiale n’est pas incompatible avec le christianisme (Cf. Moore, 2005).

À cet égard, une contribution essentielle au rayonnement du néoplatonisme au-delà des sentiers battus, en Géorgie, en partie la mythique Colchide de la toison d’or, fut donnée par Joane Petritsi, ou Petrizi (Cf. Ioane Petrizi, Kommentar zur Elementatio theologica des Proklos, éd. de L. Alexidze et L. Bergemann, Amsterdam/Philadelphia, 2009) au XIIe siècle. Le philosophe géorgien étudia sans doute à Constantinople avec Psellos, puis fut actif dans l’Académie de Gelati, édifiée par le roi David. Petritsi ne traduisit pas seulement en géorgien l’Elementatio theologica de Proclus, mais produisit aussi un commentaire de cette œuvre, en mettant l’accent sur la conception inédite du rapport de l’un et de la multiplicité ainsi que sur l’originalité de la conception de cause comme valeur -deux aspects qui distinguent clairement la philosophie de Platon de celle d’Aristote (Cf. Iremadze, 2004 ; Alexidze, 2014, p. 229-247).

Pour sa part, Georges Pachymère (1242-1307), un haut prélat de la hiérarchie ecclésiastique et palatine, non seulement copia de sa main des dialogues de Platon, mais aussi Proclus dont il chercha à rédiger la "continuation" de son Commentaire sur le Parménide (Cf. Commentary on Plato’s Parmenides, éd. et tr. angl. de Th. A. Gadra et al., intr. de L. G. Westerink, Athènes, 1989). Une telle fréquentation du platonisme n’impliqua cependant pas un désintérêt pour l’aristotélisme. Toutefois, deux remarques s’imposent. D’une part, de même que dans le néoplatonisme, à Byzance également les œuvres de Platon furent lues en concomitance avec ses commentateurs néoplatoniciens et aristotéliciens (Cf. Blumenthal, 1996 ; Perkams, 2008). En particulier, les byzantins copièrent les commentateurs néoplatoniciens alexandrins comme Olympiodore, Élias, Pseudo-Élias, David. D’autre part, étant donné la solidité des institutions byzantines, l’exercice de la philosophie put se poursuivre même après la chute de Constantinople en 1453 sous les Ottomans.

Or, sur le plan conceptuel, les émigrés byzantins contribuèrent à développer le débat sur deux sujets principaux : le conflit entre les traditions "théologiques" aristotélicienne et platonicienne et le rapport entre la philosophie, les traditions sapientiales et l’attente sotériologique. Les émigrés byzantins exportèrent le conflit entre Aristote et Platon, qui se traduisit par l’opposition entre une tradition latine de la théologie, s’appuyant sur l’héritage de la pensée aristotélicienne, et une culture théologique byzantine, revendiquant le legs de la philosophie platonicienne. L’horizon de ce différend fut la cour humaniste, notamment l’interrogation propre aux cercles érudits sur quelle tradition philosophique est plus à même de répondre non seulement aux prétentions de la théologie comme science, mais surtout aux espérances eschatologiques qui caractérisent les inquiétudes religieuses des communautés citadines en Italie (Cf. Vasoli, 1988 ; id., 2006 ; Martines, 2006). Le néoplatonisme post-plotinien, ayant déjà intégré l’hermétisme, les Oracles et les rites théurgiques, semblait plus apte à proposer un parcours d’initiation spirituelle, étranger aussi bien au modèle monastique qu’à la félicité mentale des universitaires.

Ainsi les émigrés exportèrent en Italie un conflit déjà bien enraciné dans la philosophie byzantine. Car Pléthon (ca. 1360-1452 : De différences entre Platon et Aristote, éd. et trad. fr. de B. Lagarde, Paris, 1976 ; id., Traité des lois, éd. de Ch. Alexandre et tr. fr. d’A. Pellissier, Paris 1858=reprint partiel Paris 1982) fonda à Mistra une Académie platonicienne et écrivit en Italie, pendant sa présence au Concile, un ouvrage sur les différences entre Platon et Aristote, prenant résolument parti pour le premier (Cf. Tambrun, 2008). Georges Scholarios, Gennadios II (ca. 1385-1474 : Œuvres complètes, éd. de L. Petit et al., Paris 1928-1936), très influencé par Thomas d’Aquin, rédigea une réfutation de la position de Pléthon. Scholarios fut un adversaire tenace de Pléthon, puisqu’il en avait déjà fait détruire et interdire l’œuvre majeure, Les Lois en tant que patriarche orthodoxe de Constantinople, nommé par le sultan après la chute de la ville. La polémique continua par une réponse de Pléthon, une défense soutenue de Platon par le Cardinal Bessarion, In Calumniatorem Platonis libri IV, mais aussi par la revendication de la supériorité d’Aristote par Georgios Trapezountios (dit Trapezuntius ou Trebizontius, Comparationes philosophorum Aristotelis et Platonis Venezia, 1523 =Frankfurt a. M. 1965). Par ailleurs, Argyropoulos, élu professeur de philosophie aristotélicienne au Studio florentin, renouvela l’ancienne distinction entre un Aristote logique et physique et un Platon, maître de théologie, selon un schéma ascensionnel traditionnel dans les écoles néoplatoniciennes.

De surcroît, les émigrés byzantins, partisans de Platon, en soulignaient le pouvoir concordiste et irénique sur les plans philosophique, politique, religieux. Car non seulement la "théologie" néoplatonicienne comme dialectique et science suprême, évoquée dans la République de Platon, s’accorderait avec la philosophie première d’Aristote, mais elle serait aussi conforme à la pensée chrétienne. À cet égard, le philosophe byzantin Pléthon proposa une lecture de l’ancienne sagesse hellénistique, notamment du néoplatonisme, non seulement comme une forme de théologie compatible avec le christianisme, mais aussi comme une conception politique pouvant concilier le "monothéisme" du monarque avec le "polythéisme" des pouvoirs locaux.

À ce propos, il faut rappeler que la société byzantine était théocratique, de sorte que l’empereur était censé reproduire l’ordre divin sur terre. Toutefois, des études récentes ont souligné la nature politique du projet néoplatonicien, qui ne devrait pas être réduit à l’ascèse solitaire du sage. Dans la lignée de Pléthon, le Cardinal Bessarion tenta d’établir, par la voie du néoplatonisme, un accord entre les Latins et les Grecs, en soulignant que la méthode démonstrative d’Aristote pouvait s’appliquer au monde de la nature, tandis qu’une forme d’intuition intellectuelle platonicienne était plus conforme à la saisie de la divinité. À cet égard, il ne faut pas oublier que les Byzantins se sont toujours considérés comme les héritiers légitimes de Rome, à partir de la décision de Constantin le Grand, en 324, de transférer la capitale de l’Empire à Byzance. C’est pourquoi, Bessarion supposait que, sur ce point, les différences entre l’Église orthodoxe et l’Église romaine pouvaient être surmontées.

Pourtant, les critiques acerbes de Trapezuntius aux partisans de Platon et à leur projet irénique et concordiste en révèlent un aspect inquiétant, à savoir la profonde inspiration païenne. Certes, il est difficile de déterminer le périmètre exact de l’orthodoxie avant le Concile de Trente, mais les accusations d’hérésie ou d’absence de conformité avec l’Église chrétienne frappèrent aussi bien Lorenzo Valla que Marsilio Ficino (Cf. Celenza, 2004). Quoi qu’il en soit, force est de reconnaître que Trapezuntius aperçut le danger réel que le retour de Platon fût aussi le retour du paganisme. Ses propos sont sûrement outrecuidants, puisqu’ils retracent une généalogie douteuse : Platon, Épicure, Mahomet et Pléthon appartiendraient à la même famille de mécréants. Dans ce cadre, l’idéal de la "concordia" byzantine conduirait à la réduction de la spiritualité chrétienne au "matérialisme" oriental. Dans sa véhémence, Trapezuntius pointe trois difficultés. D’abord, malgré les affirmations revendiquant la conciliation entre le platonisme et le christianisme, il est aussi légitime d’en souligner l’incompatibilité. Ensuite, les généalogies extravagantes élaborées en particulier par Pléthon, retraçant une "prisca theologia" ainsi qu’une "philosophie éternelle", à savoir une tradition spirituelle et religieuse comprenant par exemple Zoroastre, Platon, Moise, sapent en profondeur la spécificité de la théologie chrétienne. Enfin, l’introduction des rites initiatiques, symboliques et théurgiques entrent en conflit avec le pouvoir causal et sémiotique des sacrements, qui ont été considérablement analysés au Moyen Âge.

Du point de vue ontologique, les nouvelles sources néoplatoniciennes, transmises par la tradition byzantine, révèlent aussi l’écart qui sépare l’idéal de la divinisation de l’homme, atteinte par la jonction avec l’intellect, propre aux averroïstes universitaires, de la conversion vers l’Un originaire. Le néoplatonisme souligne, en fait, la priorité de l’Un sur l’Être ainsi que le rôle médiateur de l’âme dans la connaissance et dans la constitution de l’ordre ontologique. C’est pourquoi une théologie néoplatonicienne tend à mettre l’accent sur la communication des étants avec l’unité transcendante davantage que sur la distinction entre l’être premier et l’étant en général. C’est justement là la conviction la plus originale du néoplatonisme, partagée par Ficin, à savoir le refus d’identifier l’Un avec l’Être, une identification encore soutenue par Pic de la Mirandole dans son Sur l’être et l’un, qui était plus dépendant des sources platoniciennes et aristotéliciennes médiévales.

 Conclusion

Le platonisme médiéval a été paradoxal, puisqu’il s’est construit sur une tradition se revendiquant d’un auteur quasi inconnu, Platon, mais forte dans sa structure conceptuelle, présentant un réseau de problèmes et de solutions endogènes, qui lui permit d’intégrer et de transformer, en suivant ses propres exigences de pensée, des suggestions multiples provenant par exemple de l’aristotélisme, de l’hermétisme, du stoïcisme. La rencontre avec les religions du Livre mit à dure épreuve sa structure de sorte que la question se pose de savoir si le platonisme, avec son histoire néoplatonicienne, n’offre pas lui-même sa propre philosophie et sa propre religion qui résistent, malgré toutes les tentatives d’adaptation, aux monothéismes.

Le platonisme médiéval a surtout eu l’âme vagabonde, non tant par goût du voyage que pour avoir été souvent adopté par des âmes en fuite : chrétiens hétérodoxes rompus à l’exil, musulmans soumis aux vues capricieuses des différents souverains, juifs chassés de toutes parts. Si la mélancolie fut le sentiment du génie aristotélicien, le platonicien a cultivé la nostalgie (Cf. Jankelevitch, 1974), la douleur du retour, n’ayant souvent pas de véritable chez soi, aspirant à une patrie originaire dont il n’a jamais eu le souvenir, mais dont il construisit le concept. Il a cependant résisté vaillamment aux cataclysmes de l’histoire, car il ne s’est pas seulement replié sur lui-même et sur son intelligence acérée, mais s’est accroché à ce monde divin unitaire que son âme lui suggérait d’imiter. Il l’a souvent retrouvé, en suivant rigoureusement l’impératif de Plotin : Aphele panta ! Élimine tout  !

FOSCA MARIANI ZINI

 Bibliographie

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Pour citer :
Fosca Mariani Zini, « Platonisme latin », in Houari Touati (éd.), Encyclopédie de l’humanisme méditerranéen, mai 2015, URL = http://www.encyclopedie-humanisme.com/?Platonisme-latin