Après la conquête d’Alexandre le Grand en 333 avant J. C., le bilinguisme gréco-araméen s’est imposé en Orient là où ces deux cultures se côtoyaient. Entre les IIIe et IVe siècles de notre ère, le syriaque, un des dialectes araméens, est devenu la langue de plusieurs communautés chrétiennes en Orient. La pénétration de l’hellénisme dans la littérature syriaque est manifeste au moins dès le IIe siècle dans l’incipit du Livre des lois des pays de Bardesane, qui commence par un dialogue de type platonicien (Brock 2008b, p. 162 163).
Afin de pouvoir participer aux débats théologiques et patristiques animés surtout en grec, les communautés syriaques ont déployé toute une stratégie de traduction. Certes, les textes traduits l’étaient essentiellement du grec, mais il existe aussi des traductions de l’hébreu, du pehlevi, de l’arabe, etc. Cette activité perdure jusqu’au XXIe siècle, avec la traduction en syriaque de la bande dessinée française Tintin aux éditions SEERI en 2000. Cependant dans cet article, nous nous focaliserons sur la période qui va du IIe au XIIIe siècle de notre ère.
Il est utile de noter que l’exercice de traduction dans l’Antiquité n’a pas la même connotation que le métier pratiqué par les interprètes de nos jours. Cette activité s’effectuait généralement dans les milieux chrétiens des écoles et des monastères. Ceux qui traduisaient n’étaient donc pas des traducteurs professionnels, mais des moines, des médecins, des philosophes, des mathématiciens, etc. Par exemple, Sergius de Reš ʿAynā (m. 536) et Ḥunayn ibn Isḥāq (808-873) étaient avant tout des pratiquants en médecine qui ne traduisaient des textes médicaux ou philosophiques – car les médecins suivaient également des études en philosophie –, que par nécessité ou demande. Le seul but de la traduction était en effet de rendre un texte en langue étrangère accessible aux étudiants ou à un commanditaire. Cette pratique pourrait être comparable à celle que les enseignants modernes exercent, en traduisant des textes syriaques dont ils se servent à des fins pratiques d’études.
Corpus épigraphique
Avant de présenter la traduction en syriaque dans la tradition manuscrite, il est intéressant de mentionner les inscriptions bilingues trouvées dans le massif Calcaire en Syrie du Nord et en Turquie, dans lesquelles le texte syriaque est généralement la version originale et le grec la traduction. Le corpus, limité à quelques bilingues souvent brèves, est d’une grande importance, car il témoigne d’un multiculturalisme et d’une maîtrise des deux langues. Certes ce bilinguisme est bien établi en Syrie du Nord, vu le nombre élevé d’inscriptions rédigées en syriaque et en grec trouvées sur la plupart des sites. Cependant, il est rare qu’un même bâtiment porte des inscriptions dans les deux langues. Les bilingues sont généralement constituées d’un texte original syriaque et d’une traduction grecque, bien qu’il en existe quelques-unes présentant deux versions différentes.
La plus ancienne inscription bilingue, rédigée en syriaque édessénien et en grec, remonte à la fin du IIe ou au début du IIIe siècle. Il s’agit d’une épitaphe gravée sur une tombe-tour à côté du monastère Mar-Yaʿqūb dans les environs d’Édesse (Drijvers & Healey 1999, p. 157-159 no As62). La version syriaque est constituée de deux modèles légèrement différents. Le second modèle, qui est une copie du premier avec une légère modification grammaticale, a probablement été gravé à une époque ultérieure, lors de la rénovation du tombeau. En revanche, il est impossible de savoir laquelle des deux versions (syriaque ou grecque) est l’originale :
ΑΜΜΑCCΑΜCΗC CΑΡΕΔΟΥ ΤΟΥ ΜΑΝΝΟΥ ΓΥΝΗ
ܐܡܫܡܫ ܐܬܬܗ ܕܫܪܕܘ ܒܪ ܡܥܢܘ
ܐܡܫܡܫ ܐܢܬܬ ܫܪܕܘ ܒܪ ܡܥܢܘ
« Amašamaš, épouse de Šaredu fils de Maʿnu »
Une autre inscription bilingue, qui consiste en une mosaïque de pavement, a été découverte en 1938 dans la nef centrale de la basilique Est à Qalʿat Semʿān, dans le Ğabal Semʿān au Nord de la Syrie (Donceel-Voûte 1988, p. 234-237). L’inscription comporte une ligne et demi en grec et une demi-ligne en syriaque, écrite en estrangelo cursif, ce qui n’étonne pas sur une mosaïque (voir Healey 2000). Elle commémore la construction de l’enceinte du monastère en l’an 1290 selon l’ère séleucide qui correspond à l’an 978/979 :
1 [……..] ΤΟ ΜΟΝΑCΤΗΡΙΟΝ ΤΟΥΤΟ ΚΑΙ ΑΝΕΝΕΟΘΗ ΤΑC ΕΚ[…………]ΡΙΑΡΧWΝ ΚΑΙ ΒΑCΙΛΕΙΟΥ ΚΑΙ ΚΟΝ[……] ΤΟΝ ΒΑCΙΛΕΟΝ
2 […….] ΤΟΥ ΗΓΟΥΜΕΝΟΥ ΕΤΟΥC ΚΑΤΑ Χ[……]
ܐܬܒܢܝ ܫܘܪܐ [ܕܕܝܪ]ܐ ܗ[ܕܐ ܥܡ ܕ]ܪܬܗ̇ ܘܨܒܬܗ̇ ܒܝܘ̈ܡܝ ܬ[.........]ܐ ܘ[ܓ]ܐܘܪ[ܓܣ ܪܫܕܝܪܐ ܒܫ[ܢܬ] ܐܘܪ̄ܘܨ̄
« A été construite l’enceinte de ce monastère avec sa cour et son décor plastique aux jours de T[.........] et [G]eor[ges] supérieur du couvent en l’a[nnée] 1000 et 200 et [90]. »
Un graffito bilingue (Ve ou Ve siècle), gravé sur un bloc de pierre du mur nord d’une maison située au sud de l’église à Bamūqa dans le Ǧabal Barīšā, témoigne également de ce phénomène du bilinguisme en Syrie du Nord (Briquel Chatonnet 2010). L’inscription syriaque, gravée verticalement – comme la plupart des inscriptions dans le massif Calcaire –, est constituée de trois lignes en écriture estrangelo, alors que le texte grec est gravé horizontalement et comporte deux lignes :
ܡܝܟܐܝܠ Michel / ΙΟΑΝΟC Jean
ܘܚܢܐ et Jean / ΜΙΧΑΗΙΛ Michel
ܐܒܘܗ son père
La version syriaque donne parfois plus d’informations que la version grecque. Tel est le cas de l’inscription bilingue de Bāqirḥa dans le Ǧabal Barīšā datée de l’an 595 selon l’ère d’Antioche qui correspond à l’an 546 (IGLS 2, no 565). Le texte syriaque, en estrangelo, est gravé sur la partie supérieure du linteau de la porte ouest de l’église est, et le texte grec se trouve sur la moulure inférieure du linteau :
ܪ[ܒܫܢܬ ܚܡܫܡ]ܐܐ ܘܬܫܥܝܢ ܘܚܡܫ ܗܘܐ ܗܢܐ ܬܪܥܐ ܕܥܒܕܗ ܫܡܫܐ ܐܘܣܒ ܘܚܢܝܢܐܐ ܠܥܘܕܪܢܐ ܕܢ[ܦܫܗܘܢ]
« [En l’an cinq cen]t quatre-vingt-quinze a été (érigée) cette porte qu’ont faite les diacres Eusèbe et Ḥanināʾā pour le salut de [leurs âmes] ».
♰ ΕΤΟΥC ΕϟΦ M ΔΗCΙΟΥ ΙΒ ΕΓΕΤΩ Ο ΠΥΛ
« L’année 595, Daisios, a été (érigée) cette porte ».
Il semble que le commanditaire de l’inscription n’ait pas jugé nécessaire de mentionner les deux diacres dans la version grecque. Cette omission pourrait être expliquée par le fait que les diacres étaient connus uniquement au sein de leur village et que leur identité n’intéressait pas la population hellène.
Le site de Zabad dans le Ğabal Šbayt a livré une inscription trilingue syriaque-grec-arabe datée de l’année 823 des Séleucides qui correspond à l’an 511/512 (Sachau 1882). Elle est gravée sur un linteau de l’église Saint-Serge. Le texte syriaque, qui occupe la partie gauche du linteau, est inscrit verticalement en caractères estrangelo verticaux. Le texte grec, séparé du syriaque par une rosace, est placé à droite. La différence entre ces deux versions est minime : toutes deux mentionnent le 24 septembre 823, jour où les fondations ont été posées, du temps du périodeute Jean. Quant au texte arabe, situé sur la moulure inférieure du linteau, il est nettement plus court que les deux autres, ne mentionnant qu’une liste de noms propres. Il demeure jusqu’à présent le plus ancien texte arabe daté (Macdonald 2015).
Corpus littéraire
Traduction de l’hébreu
Il n’est pas étonnant que la Bible hébraïque ait été la première œuvre traduite en syriaque, compte tenu du fait que la langue syriaque était par-dessus tout celle des chrétiens en Orient. Cette traduction, dite « Peshitta de l’Ancien Testament » a sans doute eu lieu dans le courant du IIe siècle. En revanche, il existe une incertitude quant à l’origine des traducteurs, qui pourraient avoir été de confession juive ou des juifs convertis au christianisme (Dorival 2008, p. 17). En effet, certains livres traduits, comme le Pentateuque et les Chroniques, sont influencés par le style targumique (Joosten 2008), permettant de postuler que l’auteur de la version syriaque était au moins issu d’un milieu palestinien.
La traduction en syriaque du livre de Ben Sira préservée dans plusieurs manuscrits est actuellement le seul témoin sémitique d’un texte dont l’original hébreu est perdu. En effet, avant la découverte de quelques fragments hébraïques à la Genizah du Caire en 1896, le livre de Ben Sira n’était connu qu’à travers des versions grecques, latines et syriaques.
Vers le début du VIIIe siècle, Timothée Ier écrit une lettre adressée à l’évêque Mar Sergius, métropolite d’Elam, dans laquelle il mentionne la découverte d’une grotte qui contient des livres (certainement les manuscrits de Qumrân) dans les environs de Jéricho par un juif converti au christianisme (voir la traduction dans Brock 2008a, p. 240 245). Parmi ces manuscrits, figure la traduction syriaque de certains psaumes davidiques.
Progressivement, la langue hébraïque commence à susciter de moins en moins l’intérêt des syriaques. Par exemple au VIIe siècle, Jacques d’Édesse (m. 708) connaissait l’hébreu sans qu’il l’eût maîtrisé (Brock 2006, p. 20 21 ; 2011a, p. 2347).
Traduction du grec
Le plus grand nombre de textes traduits en syriaque sont des textes grecs, dans la mesure où l’activité de traduction a été exercée pendant au moins une dizaine de siècles. Les premières traductions relèvent du domaine de la religion : le Diatessaron qui est une harmonie des quatre évangiles rassemblés probablement par Tatien dans la deuxième moitié du IIe siècle. Toutefois, il est difficile de savoir si l’original était composé en syriaque ou en grec (Joosten 2017, qui conclut d’après l’analyse des sources du Diatessaron que « Tatien avait conçu sa composition depuis l’origine comme un écrit syriaque destiné à la communauté syrophone » [p. 65]). Il ne subsiste du Diatessaron que des témoignages et des traductions en différentes langues, tel que l’arabe et le latin. Vient ensuite la Vieille version syriaque des évangiles, probablement du IIIe siècle, qui nous est transmise par deux manuscrits datant du Ve siècle, le curetonien et trois palimpsestes sinaïtiques, dont deux fragmentaires (Haelewyck 2017). Cette Vieille version syriaque a été révisée maintes fois, jusqu’à ce qu’elle devienne, dans la moitié du Ve siècle, le Nouveau Testament de la Peshitta (Juckel 2017a). Celle-ci a subi une révision vers les Ve/VIe siècles par Philoxène de Mabboug, afin de rendre la version syriaque plus fidèle au texte grec, mais sa traduction fut également révisée en 615/616 par Thomas de Ḥarqel (Juckel 2017b ; voir le tableau des versions syriaques parmi les versions anciennes du Nouveau Testament dans Debié 2017, p. VIII).
Selon les sources qui ont survécu, les syriaques n’ont commencé à traduire les textes patristiques grecs qu’à partir du IVe siècle. La quasi-totalité de ces textes sont ceux des Pères de l’Église postérieurs au concile de Nicée (325 AD), notamment ceux qui ont vécu entre les IVe et VIe siècles. Parmi ces Pères, nous citons Basile de Césarée (330 379) et Grégoire de Nazianze (329 390), dont les homélies ont été révisées au VIIe siècle (Tannous 2010, p. 329 330 ; 2013).
À partir du Ve siècle, l’attention s’est tournée aussi vers les sciences grecques etdes textes séculiers comme certains ouvrages de Plutarque, de Lucien de Samosate et de Thémistius. Ces derniers auteurs furent traduits en syriaque et adaptés au public chrétien, par exemple, en passant sous silence les dieux païens et les personnages mythiques (Rigolio 2016).
La philosophie aristotélicienne s’est transmise aux syriaques notamment grâce au commentaire des Catégories et à l’introduction à ce même texte composés par le médecin et traducteur Sergius de Reš ʿAynā (m. 536). Ce dernier s’était familiarisé avec les œuvres d’Aristote pendant son séjour d’étude à Alexandrie (Hugonnard-Roche 2004, p. 146 151 ; Fiori 2014, p. 69 72). Les plus anciennes traductions anonymes des Catégories d’Aristote et de l’Isagoge de Porphyre ou Introduction aux Catégories d’Aristote (Brock 1989) remontent probablement à l’époque de Sergius qui a traduit le livre pseudo-aristotélicien De Mundo adressé à Alexandre le Grand (McCollum 2011) et le corpus pseudo-Dionysien (Fiori 2011) révisé par Phocas d’Édesse au VIIe siècle. En tant que médecin, Sergius a fait une traduction du livre Desimplicium medicamentorum temperamentis et facultatibus de Galien (désormais abrégé en Simples), conservé dans le manuscrit BL Add. 14661 (VIe ou VIIe siècle) et dans un palimpseste, dont le texte supérieur date du XIe siècle. Une édition critique du traité des Simplesà partir de ce manuscrit est en cours de préparation dans le cadre du projet européen « Floriental », hébergé au CNRS, sous la direction de Robert Hawley, alors que le palimpseste fait l’objet d’un autre projet européen, hébergé à Manchester, sous la direction de Peter Pormann (Afif et al. 2016).
Dans le courant du VIIe siècle, l’astronomie se trouve au cœur des préoccupations de Sévère Sebokht (m. après 665), qui était entre autres un astronome et un traducteur dans le monastère de Qennešre. Une partie de son Traité sur l’astrolabe est traduite d’un texte grec dont des études récentes ont montré qu’Ammonius d’Alexandrie pouvait en être l’auteur (Villey 2015). Les traités sur la logique d’Aristote ont aussi fait l’objet de traductions ou de retraductions en syriaque : les Catégoriesont été révisées par Jacques d’Édesse et traduites par Georges des Arabes qui a également réalisé la traduction du Peri Hermeneias et des Premiers Analytiques (Ḥugonnard Roche 2007 ; Tannous 2010, p. 330 332 ; 2013).
Les activités de traduction atteignent leur apogée à l’époque abbasside, notamment entre la fin du VIIIe et le début du IXe siècle, au cours de laquelle le syriaque a joué le rôle d’intermédiaire entre le grec et l’arabe (Takahashi 2015). En effet, les califes embauchaient des traducteurs chrétiens afin de transmettre les sciences grecques aux arabes. Ceux-là se basaient sur d’anciennes traductions en syriaque le cas échéant, sinon ils traduisaient les textes grecs d’abord en syriaque, ensuite vers l’arabe. Pour illustrer ce phénomène, nous donnons l’exemple du travail de Ḥunayn ibn Isḥāq (808 873) qui était le plus célèbre médecin et traducteur à la cour des califes abbassides. Il a traduit certains traités galéniques en arabe en s’appuyant sur les traductions syriaques faites déjà par Sergius de Reš ʿAynā au VIe siècle, mais il en a repris d’autres qu’il a jugées médiocres (Risāla, § 6, 9, 13, 15, 20, 21, 22, 51, 56). Un autre exemple est la lettre 43 du catholicos Timothée Ier envoyée à Rabban Mar Petion à propos de la traduction du grec en arabe des Topiques d’Aristote commandée par le calife al-Mahdī. Timothée précise que le travail a été achevé avec l’aide d’Abū Nūḥl-Anbārī et qu’une partie a été traduite en syriaque par lui-même, alors qu’Abū Nūḥ a effectué une traduction vers le syriaque et ensuite vers l’arabe (Timothée Ier, Lettres 1, p. 65 68 [trad. Timothée Ier, Lettres 2, p. 47-52]). (Brock 2006, p. 21 24)
Traduction du pehlevi et du persan
Entre les VIe et VIIe siècles, certains textes ont été traduits du pehlevi en syriaque, parmi lesquels se trouvait la collection de contes et de fables connue sous le titre de Kalila et Dimna. Ce livre, d’origine indienne, a connu une diffusion extraordinaire, compte tenu du nombre des langues (pehlevi, syriaque, arabe, grec, hébreu et espagnol) dans lesquelles il a été traduit au cours des siècles (voir Brock 2011b). De ce texte nous sont parvenues trois traductions syriaques. La plus ancienne a été effectuée par le périodeute Budh (Renan 1856) à partir de la version pehlevi du VIe siècle de Burzōy, un médecin à la cour de Khosro Ier (531-579). Il est regrettable que cette dernière version, qui est la plus ancienne traduction de Kalila et Dimna connue jusqu’à présent, n’ait pas survécu. Les deux autres versions syriaques ont été traduites de l’arabe (voir plus loin).
Certains textes hagiographiques, composés en Iran vers la fin de l’époque sassanide et dont les originaux en pehlevi n’ont pas survécu, ont été traduits en syriaque. Tel est le cas des vies de Mar Aba mort en 552 (BHO 595 et Mar-Jabalaha, p. 206 274) et de Saint Grégoire Pirangusnasp mort en 542 (BHO 353 et Mar-Jabalaha, p. 347 394).
Quant à la version syriaque du Roman d’Alexandre du Pseudo-Callisthène, Nöldeke (1890) avait suggéré qu’elle a été faite non pas du grec, mais d’une traduction en pehlevi qui serait perdue. Depuis, cette hypothèse a été mise en question, notamment avec l’avancée des études linguistiques et philologiques du pehlevi. En effet, C. Ciancaglini (2001) a pu démontrer qu’il n’y a pas eu une version intermédiaire entre la grecque et la syriaque.
Le manuscrit ND 53, qui appartient au fonds du monastère Notre-Dame-des-Semences en Iraq, contient une explication abrégée du Peri Hermeneias d’Aristote en syriaque, nommée Élucidation duPeri Hermeneias dans la suscription du texte. Selon celle-ci, ce court traité a été rédigé en persan par Paul le Perse au VIe siècle, et a été traduit en syriaque par Sévère Sebokht (m. après 665). Cet opuscule est d’une très grande importance, non seulement parce que la version persane n’a pas survécu, mais aussi parce qu’on y trouve le nom de l’auteur de cette « Élucidation » ainsi que la langue dans laquelle elle a été composée (Hugonnard-Roche 2013).
Le livre de la loi de Šemʿon de Rev Ardašir a été également traduit du persan en syriaque au VIIe ou au VIIIe siècle par un moine de Beth Qaṭraye, qui correspond à l’actuel Qaṭar, la côte ouest du golf et ses îles. Nous notons toutefois que l’identité de l’auteur de cette œuvre reste incertaine, parce que le traducteur anonyme mentionne deux mār Šemʿon : le premier présenté comme l’évêque métropolitain de Rev Ardašir, et le deuxième comme prêtre et enseignant. Les spécialistes restent prudents quant à l’identification de Šemʿon de Rev Ardašir au métropolite qui s’est révolté contre le catholicos Išoʿyahb III au VIIe siècle, alors que le livre de la loi présente des similitudes avec celui d’Išoʿbokht, métropolite de Rev Ardašir, mort en 779/780 (Brock 1999-2000, p. 94 95).
Certaines œuvres persanes ont continué à être traduites en syriaques jusqu’à la fin du XIXe ou le début du XXe siècle. Tel est le cas des Rubāʿiyyāt de ʿUmar Ḫayyām traduites par Naʿʿūm Elias Palaḫ, connu sous le nom de Naʿʿūm Fāʾiq(Brock 2006, p. 24 25).
Traduction du copte et de l’arabe
Le nombre des textes traduits du copte en syriaque est très limité. Il s’agit en général d’ouvrages hagiographiques consacrés aux saints égyptiens. Vers le début du Xe siècle, un travail de traduction des textes coptes voit le jour au monastère Dayr as-Suryān (monastère des Syriens) dans le Wādī an-Naṭrūn, grâce à l’abbé Yuḥanon bar Maqari. Celui-ci a traduit la Vie des frères romains Maxime et Domèce et la Vie de Saint Macaire « de la langue égyptienne en syriaque » conservée dans le manuscrit syriaque Dayr as-Suryān 30. Une autre version de la vie de saint Macaire a été également traduite en syriaque à partir d’un original copte bohaïrique (Toda 2006). À l’époque de Michel le Syrien (m. 1199), plusieurs vies de saints coptes ont été traduites en syriaque ou révisées, comme celles de Jean le Petit, Šenūte, Maxime et Domèce, dans le but d’associer le monachisme syriaque au monachisme égyptien, considéré comme étant celui des origines (Binggeli 2011).
Avec l’arrivée de la dynastie abbasside au pouvoir, un « mouvement de traduction », dirigé essentiellement par des chrétiens syriaques, émerge à Bagdad. Pendant cette période, un nombre important de textes grecs est traduit d’abord en syriaque puis en arabe. Ḥunayn ibn Isḥāq (808-873) énumère dans sa Risālaenvoyée à ʿAlī ibn Yaḥya en l’an 848, 95 traités galéniques qu’il a traduits en syriaque et 39 autres qu’il a traduits en arabe. En revanche, les ouvrages traduits de l’arabe en syriaque ne sont pas nombreux. Cela peut sans doute s’expliquer par la maîtrise des deux langues à niveau égal par la plupart des savants. Un texte du XIe siècle mettant en scène une discussion entre le vizir Abū l Qāsem al Maġribī et l’évêque Élie de Nisibe (978 1046) montre que l’auteur pensait que les chrétiens syriaques avaient un niveau intellectuel supérieur à celui des musulmans : « (Abū l Qāsem) m’a dit : « Avez-vous des sciences comme en ont les musulmans ? » J’ai dit : « Oui, et bien plus encore ! ». Il a dit : « Et quelle en est la preuve ? » J’ai dit : « la preuve en est qu’il y a chez les musulmans de nombreuses sciences utiles, qui sont traduites de chez les Syriens. Mais il n’y a pas chez les Syriens une science qui soit traduite de chez les Arabes » (Samir 1975-76, p. 634).
Pour traduire les livres en syriaque, Ḥunayn s’est basé en général sur des originaux grecs, en s’appuyant quelques fois sur des versions syriaques plus anciennes. Cependant selon sa Risāla, il a traduit certains livres d’abord en arabe, ensuite en syriaque, comme c’est le cas du traité De ossibus ad tirones (§ 9) à la demande d’Abī Ǧaʿfar Muḥammad ibn Mūsa. Il est fort probable que sa version arabe lui ait servi de support pour préparer la traduction syriaque, bien qu’il ne le précise pas explicitement dans sa Risāla.
Ḥubayš, le neveu de Ḥunayn, a traduit le livre sur les tempéraments de l’âme (§ 129) en syriaque à partir de la traduction arabe que son oncle avait faite pour Abī Ǧaʿfar Muḥammad ibn Mūsa. Il a en outre traduit en syriaque les livres Surle mouvement de la poitrine et les poumons (§ 38) et Surla voix (§ 40), à partir des versions arabes faites par Ḥunayn, pour Yūḥanna ibn Māsawayh.
Par ailleurs, l’ouvrage de Kalila et Dimna, vu sa popularité, a été retraduit en syriaque vers le Xe siècle par l’intermédiaire de la version arabe d’Ibn al-Muqaffaʿ et ensuite par Toma Audo en 1895. Le conte de Sindibād et les septs sages, dont l’original pehlevi est perdu, a été transmis en syriaque à partir d’une traduction arabe, qui n’a pas survécu non plus.
Aux XIIe et XIIIe siècles, un nouveau « mouvement de traduction » apparaît. Il n’est pas étonnant que l’on parle de renaissance syriaque, étant donné le nombre élevé d’œuvres littéraires syriaques et arabes produites à cette époque, témoignant d’un remarquable brassage culturel. En effet, Barhebraeus, un des plus célèbres auteurs du XIIIe siècle, dit : « se sont levés parmi eux (les Arabes) des philosophes, des mathématiciens et des médecins qui surpassent les anciens dans la subtilité de la compréhension. Bien qu’ils ne se soient pas posés sur d’autre base que les fondations grecques, ils ont construit de grands édifices scientifiques au moyen d’un style plus élégant et de recherches très minutieuses, de sorte que nous, grâce auxquels ceux-là avaient reçu la sagesse à travers des traducteurs qui étaient tous syriaques, sommes maintenant obligés à leur demander la sagesse » (Takahashi 2010, p. 28).
Certes Barhebraeus est connu surtout pour ses œuvres rédigées en syriaque, tels le Chronicon et la Grammaire métrique, mais les travaux des auteurs musulmans ont aussi suscité son intérêt, au point d’en traduire quelques-uns, commel’al-Išārāt wa-t-tanbīhāt d’Ibn Sīnā et laZubdat l-asrār d’Abharī. Il a également composé des versions abrégées en syriaque duKitāb ǧāmiʿ l-mufradāt de Ġāfiqī, duMasāʾil fī ṭ-ṭibb de Ḥunayn ibn Isḥāq et peut-être duQānūn fī ṭ-ṭibbd’Ibn Sīnā. En outre, certaines des productions littéraires de Barhebraeussont largement influencées par des œuvres arabes, telles l’Ethiqon élaboré à partir du livre Iḥyāʾ ʿulūm d-dīn d’al-Ġazālī, l’Ascension de l’esprit à partir de laTaḏkīra(t) fī ʿilm l hayʾa(t) d’aṭ-Ṭūsī et les Fables basées sur leKitāb naṯr d-durr d’Abū Saʿd Manṣūr bin l Ḥusayn l Ābī (Takahashi 2005).
Enfin, dans les chapitres 25-30 de sa controverse contre les juifs, les nestoriens et les musulmans, Bar Ṣalibi cite des passages du Qurʾān, qu’il traduit en syriaque (Mingana 1925). Il présente le texte en deux colonnes, la première étant consacrées aux références coraniques et la seconde aux commentaires par lesquels Bar Ṣalibi réfute les théories de l’Islam(Brock 2006, p. 25 26).
Les centres de traduction et d’apprentissage du grec
Les centres d’enseignement se sont formés essentiellement dans des milieux monastiques ou des écoles chrétiennes, parfois dépendant des monastères. Il est possible d’avoir plusieurs établissements scolaires et monastères exerçant des activités culturelles dans un même endroit, organisés selon l’appartenance confessionnelle, mais aussi selon le niveau d’enseignement. Les élites étudiaient généralement dans des écoles installées dans des grandes villes, alors que le niveau dans les écoles de villages était primaire. Les textes hagiographiques qui retracent la vie des saints syriaques orientaux témoignent du développement des écoles dans l’Empire perse : après que l’Église d’Orient s’est trouvée mise à l’écart de l’Église du monde romain, à cause de ses positions christologiques, des écoles se mirent à proliférer en Mésopotamie, destinées à former des élites, savants et clercs érudits susceptibles de défendre la chrétienté des syro-orientaux (Briquel Chatonnet 2008).
Il n’est pas permis de parler de centres culturels sans évoquer le rôle joué par Alexandrie dans la transmission des sciences grecques aux milieux syriaques. Les centres culturels syriaques les plus importants pour étudier les mouvements de traductions sont ensuite ceux de l’École des Perses à Édesse puis de l’École de Nisibe, réputées pour avoir accueilli un public syro-oriental, le monastère de Qennešre réservé aux miaphysites et enfin le centre intellectuel de la Bagdad abbasside caractérisée par l’efflorescence des travaux de traduction.
Alexandrie
Les écoles d’Alexandrie étaient très célèbres dans l’Antiquité tardive pour l’enseignement de la philosophie, notamment de la médecine et des sciences mathématiques. Des savants et des religieux syriaques aussi bien syro-orientaux que syro-occidentaux figuraient parmi les étudiants qui venaient de tous horizons pour s’y instruire. Ce milieu intellectuel rassemblait des étudiants païens et chrétiens dont les relations étaient souvent tendues, notamment vers la fin du Ve siècle.
Sergius de Reš ʿAynā (m. 536) est un des plus célèbres médecins et traducteurs de textes médicaux et philosophiques qui étudia à Alexandrie. De sa biographie ne nous est parvenu qu’un bref paragraphe rédigé par un auteur miaphysite anonyme (pseudo-Zacharie). Il y est décrit comme un « archiatre [c.-à-d. médecin en chef]… éloquent et versé dans la lecture de nombreux livres des Grecs et dans la doctrine d’Origène ». Le biographe, dont on suppose qu’il a vécu au VIe siècle, ajoute que « pendant un certain temps il avait lu l’interprétation des Écritures par l’intermédiaire d’autres docteurs à Alexandrie (mais il était aussi versé dans la langue syriaque, autant parlée que lue) et des livres de médecine… » (Fiori 2014, p. 61).
Sergius a vraisemblablement étudié l’astronomie, l’arithmétique, la botanique, la musique et la géométrie qui faisaient partiedu curriculum philosophico-médical alexandrin. Influencé par les travaux de Galien qui dit que « l’excellent médecin est aussi philosophe », l’archiatre s’est intéressé à plusieurs outils de la philosophie, notamment à la logique, utile pour son raisonnement médical. Aussi est-ce lui qui a introduit la philosophie aristotélicienne dans les milieux syriaques. Sergius a également traduit le livre pseudo-aristotélicien De Mundo adressé à Alexandre le Grand et adapté le traité sur Les causes du tout d’Alexandre d’Aphrodise (Fiori 2010), où se mêlent des questions de physique et de théologie.
Le travail de traduction de Sergius a été à la fois critiqué et loué (Bhayro 2005, p. 152 157) : Ḥunayn ibn Isḥāq considérait que la qualité de sa traduction était médiocre avant qu’il n’ait acquis une meilleure maîtrise de la langue grecque à Alexandrie (Risāla § 16). Nous tentons d’expliquer pourquoi Ḥunayn critiquait Sergius en comparant leur travail respectif plus bas. En revanche, au XIIIe siècle, l’archiatre est associé aux plus grands médecins par Barhebraeus : « Il y avait aussi d’excellents médecins syriaque, comme Sergius de Reš ʿAynā qui était le premier à traduire des textes médicaux du grec en syriaque » (Chronicon 2, p. 21r, col. ii, l. 2-5). (Debié 2014, p. 37 38).
Édesse
Édesse est le royaume dans lequel s’est élaborée la langue syriaque. Des inscriptions pré-chrétiennes rédigées en syriaque édessénien, en grec, mais aussi des textes bilingues (voir plus haut) propagés dans le royaume attestent ce multiculturalisme, avant que la langue syriaque n’ait été adoptée par les chrétiens d’Orient. C’est à partir d’Édesse que le christianisme s’est diffusé en Mésopotamie et c’est là que les premières traductions de la Bible ont été réalisées. La villed’Édesse était un centre d’apprentissage de la langue grecque au moins dès le IIe siècle, comme en témoigne Sozomène dans le chapitre de son Histoire ecclésiastiqueconsacré à Eusèbe d’Émèse (III.6).
De l’époque chrétienne, l’école d’Édesse, nommée école des Perses dans les sources postérieures à sa fermeture en 489, reste la plus célèbre (Becker 2006, p. 41 76). On y étudiait la philosophie grecque, en particulier la logique d’Aristote et on y traduisait des ouvrages du grec en syriaque. Par exemple, nous savons que Hiba a contribué à la traduction des livres de Theodore de Mopsueste, pendant qu’il y enseignait. Dans sa lettre adressée aux saints du monastère Mar-Bassus, Jacques de Saroug dit : « C’est pourquoi je crois devoir dire à Votre Révérence, qu’il y a quarante-cinq ans, lorsque j’assistais aux lectures des livres saints dans la ville d’Édesse, à cette époque même, on traduisait du grec en syriaque les livres de l’impie Diodore. Or, il existait dans la ville une école des Perses qui tenait l’enseignement de l’idiot Diodore en grande estime. À cause de cette école, tout l’Orient était corrompu… Puis à l’époque même où on traduisait ces impies livres du grec en syriaque, j’étais comme un enfant qui avait besoin d’apprendre » (trad. revue de la Lettre 14, Martin 1876, p. 220-221 [texte], 224 225 [trad.]). Cette lettre, qui est la plus ancienne source mentionnant l’école des Perses, témoigne de l’activité de traduction qui s’y exerçait et fait référence à la dispute qui éclata entre les miaphysites et les nestoriens, dont Diodore de Tarse faisait partie. En effet, Édesse était le théâtre de violences qui enflammèrent ces deux partis en raison des controverses christologiques du Ve siècle. Après la condamnation des définitions christologiques de Nestorius et de Théodore de Mopsueste au concile d’Éphèse en 431 et l’expulsion des nestoriens hors d’Édesse, l’empereur Zénon ordonna la fermeture de l’école en 489.
L’école des Perses est certes la plus connue à Édesse, mais elle n’était pas le seul centre d’enseignement de la région. Plusieurs établissements scolaires se sont concentrés à Édesse, tels que l’école des Arméniens, celle des Syriens et des monastères qui assuraient, entre autres, l’enseignement de la théologie et de la langue grecque.
Nisibe
L’école de Nisibe, fondée avant l’an 489 par les nestoriens exilés d’Édesse, fut l’école syro-orientale la plus illustre de son temps. Elle est considérée comme le centre intellectuel ayant assuré la continuité avec l’école des Perses. On y enseignait essentiellement la théologie, la médecine et la philosophie grecques. Le curriculum médical y était suffisamment important pour que le directeur, Abraham de Bet Rabban (510 569), ait fait construire au sein de l’école un hospice (xenodocheion) afin de soigner les étudiants malades. Bien qu’aucune source ne le mentionne explicitement, le grec, qui était essentiel à la maîtrise de disciplines comme la médecine et la philosophie, était certainement enseigné au sein de l’établissement.
L’école de Nisibe a établi des statuts – conservés en syriaque et en arabe – en 496 ensuite en 602, à l’époque où l’institution prospérait. L’école était dirigée par un directeur, appelé en syriaque rabban mpašqānā « notre seigneur le commentateur (ou l’interprète) » (Statuts, p. 35), qui occupait la « chaire d’interprétation » kursyā mpašqānutā (Barḥadbešabba, p. 390). Il existait sans aucun doute d’autres écoles et centres d’enseignement à Nisibe. Deux interprètes (mpašqānā), Abimelek de Qardū et Abraham de Behqawad, sont par exemple mentionnés par Išoʿdnaḥ dans le Livre de la chasteté (§ 41-42) pour avoir étudié à l’époque d’un certain Mar Abraham qui aurait enseigné au sein de l’école syro-orientale de Bet Sahdē installée à Nisibe (Becker 2006 ; Debié 2014, p. 43 45).
Le monastère de Qennešre
Le monastère miaphysite de Qennešre, fondé après 531, est situé au nord de la Syrie sur la rive orientale de l’Euphrate. On y enseignait la philosophie dans toutes ses branches. Compte tenu des controverses christologiques qui ont éclaté dans le courant du Ve siècle, une place importante a été réservée à l’enseignement de la langue grecque. Un « mouvement de traduction » du grec en syriaque s’est ainsi développé entre les VIe et VIIe siècles, caractérisé – surtout dans le courant du VIIe siècle – par une technique qui consiste à calquer la source grecque et par l’hellénisation des textes syriaques (voir plus bas).
D’illustres érudits et savants sont venus se former dans ces murs, tels Thomas de Ḥarqel, qui a révisé la traduction syriaque de Philoxène du Nouveau Testament exécutée en 615/616 à Alexandrie, et Sévère Sebokht (m. après 665). Le patriarche Athanase II de Balad (m. 687), disciple de Sévère Sebokht, était un traducteur réputé pour ses adaptations en syriaque de textes philosophiques grecs. Il traduisit notamment une introduction à la logique dont l’auteur grec est inconnu, certaines lettres de Sévère d’Antioche et il révisa la traduction de l’Isagoge de Porphyre. Jacques d’Édesse (m. 708), qui a reçu probablement une partie de sa formation dans ce milieu de Qennešre avant son séjour à Alexandrie, s’est intéressé à la fois aux textes religieux et séculiers. Il a entre autres préparé une révision de l’Ancien Testament en s’appuyant sur la version syro-hexaplaire (Salvesen 2008) et arévisé la traduction ancienne des Catégories d’Aristote (Hugonnard-Roche 2004, p. 39 55 ; 2008, Debié 2014, p. 38 39)
Bagdad
Le changement du climat politique, religieux et linguistique dans la Bagdad abbasside a contribué à un développement et à une ouverture culturels sans précédent. Le nombre élevé des travaux scientifiques apparus au cours de cette périodelui a valu d’être qualifiée de « Renaissance abbasside ». Ce mouvement doit son émergence à la curiosité intellectuelle et philosophique des califes, qui prêtaient attention à la littérature et aux sciences grecques. Par conséquent, Bagdad est devenue la capitale de la culture, attirant philosophes, scientifiques et intellectuels de tous horizons. Les califes firent appel à des traducteurs chrétiens, dont le savoir-faire dépendait d’une tradition séculaire et reconnue. Des traductions ont été effectuées du grec en arabe, le plus souvent par l’intermédiaire du syriaque, mais aussi du grec en syriaque.
Ḥunayn ibn Isḥāq al ʿIbādī (808-873) était le plus éminent médecin et traducteur à la cour des califes abbassides, surtout à l’époque d’al-Mutawakkil (r. 847-861). Il est né dans une famille appartenant à l’Église de l’Est de Ḥirta (al-Ḥīra), située sur la rive droite de l’Euphrate au sud-est de Naǧaf. Ḥunayn maîtrisait les langues arabe et syriaque dès son jeune âge, et a ensuite mené des études approfondies en grec et en persan. Ayant sans doute hérité sa passion pour la médecine de son père qui exerçait le métier d’apothicaire, il suivit une formation en médecine à Bagdad, sous la direction du fameux médecin chrétien Yūḥannā ibn Māsawayh (m. 857). Ce sont ses œuvres de traduction – notamment de textes médicaux – du grec en syriaque, du grec en arabe et du syriaque en arabe, qui lui valent son renom. On peut parler de Ḥunayn et de « son école de traduction », puisqu’il a rassemblé autour de lui certains de ses étudiants, parmi lesquels figurent son fils Isḥāq ibn Ḥunayn, son neveu Ḥubahyš ibn al-Ḥasan, ʿĪsa ibn Yaḥya et Isṭifān ibn Bāsīl. Selon sa Risāla, Ḥunayn a traduit 95 traités galéniques en syriaque et 39 autres en arabe. D’autres savants ayant traduit des textes grecs sont aussi mentionnés dans la Risāla de Ḥunayn, parmi lesquels le philosophe et médecin Job d’Édesse (m. vers 835) qui appartenait à l’Église de l’Est. Ce dernier aurait exercé son activité à Bagdad au début du califat abbasside et aurait traduit, selon Ḥunayn, 36 traités de Galien en syriaque ; quant à Thomas d’Édesse, Ḥunayn lui attribue la traduction d’un ouvrage de Galien en syriaque qu’il aurait réalisée à la demande de Boḫtišoʿ bar Gabriel bar Boḫtišoʿ(Watt 2004 ; Debié 2014, p. 48 51).
Techniques de traduction
Les techniques de traduction en syriaque ont évolué à travers les siècles selon les besoins et les modes. La langue de départ joue également un rôle dans le choix de la méthode de traduction vers le syriaque : une langue non sémitique, le grec par exemple, ne peut pas être traitée comme une langue sémitique, tel que l’hébreu ou l’arabe.
Le traducteur devait choisir une méthode de traduction, à savoir « orientée vers le lecteur », c’est-à-dire une traduction libre, ou « orientée vers la source », c’est-à-dire une traduction littérale. Doit-il fournir une interprétation du texte original, ou respecter la grammaire de la langue ? Le choix devient encore plus dur dans le cas du grec par exemple, où le traducteur se heurte à des difficultés linguistiques, étant donné que les langues sémitiques et le grec ne partagent pas les mêmes particularités syntaxiques ni morphologiques(Brock 1979 ; 1983 ; 2007). Contrairement au grec, le syriaque n’a pas de système casuel ni d’article – celui-ci étant rendu en syriaque par l’état emphatique -ā –, qui ne correspond pas toujours aux articles grecs. La langue grecque est plus riche en adjectifs que le syriaque, notamment entre les IIe et Ve siècles, par exemple :
Luc 2,13 : στρατῖας οὐρανίου / "armée céleste ".
Peshitta : ḥaylāwāṯā sagiyā da-šmayā / "grande force du ciel ".
Ḥarqléenne : pālḥuṯā šmayānāytā / "armée céleste".
En revanche, la conjonction de coordination syriaque w, dont le sens est plus vaste qu’en grec, peut être interprétée différemment selon le contexte. Ces deux langues ne partagent pas non plus les mêmes particularités verbales (Brock 1977, p. 83-84).
Même les traducteurs modernes rencontrent de pareils problèmes morphologiques. En commentant la traduction des Homélies de Philoxène de Mabbug faite par Lemoine, Gribomont (1957, p. 419) note ceci : « le génie et l’histoire des langues française et syriaque, si différents, font que les mots ne se recouvrent guère, possédant des aires d’extension très diverses ». Il explique également la confusion que peut susciter la traduction du terme syriaque talmidutā : « “Discipline” sert souvent de synonyme pour marquer la vie monastique ; traduction ingénieuse, puisque talmîḏûtâ veut dire l’état du disciple, l’imitation de la vie des apôtres par la renonciation au monde et la marche à la suite du Christ ; mais les résonances du mot français ne suggèrent guère la spontanéité, la liberté intérieure du concept syriaque » (Gribomont 1957, p. 425).
IVe-Ve siècles
Les plus anciennes traductions en syriaque semblent être très ouvertes et ne répondent pas à une technique précise. Le travail est effectué à partir d’une phrase dans le cas des textes bibliques, mais le traducteur est même libre de rendre tout un paragraphe grec en syriaque, sans qu’il prenne en compte le système grammatical de chacune des deux langues.
Tous les ouvrages traduits durant ces deux siècles s’inscrivent dans un mouvement où l’attention est « orientée vers le lecteur » : c’est le cas des Homélies de Basile de Césarée traduites au Ve siècle, de l’ouvrage de Titus de Bostra Contre les manichéens (préservé dans le manuscrit BL Add. 12150 daté de 411 traduit à Édesse), de l’ouvrage de Cyrille d’Alexandrie à l’empereur à propos de la vraie foi traduit probablement par Rabboula d’Édesse et des ouvrages d’Eusèbe de Césarée dont une partie n’a pas survécu en grec.
Les traducteurs des IVe-Ve siècles étaient en quelque sorte les promoteurs du « mouvement de traduction » des textes grecs. N’ayant pour modèle que l’adaptation du Nouveau Testament en syriaque, leur connaissance en matière de traduction était restreinte. Il ne faut pas oublier en outre les différences syntaxiques et morphologiques entre les deux langues qui représentaient sans doute aussi un obstacle supplémentaire à surmonter. Le choix de la traduction libre, c’est-à-dire non littérale, à cette époque, s’explique probablement du fait de ces difficultés (Brock 1983 p. 10 11 ; 2007 ; Taylor 2007).
VIe siècle
Le VIe siècle est considéré comme une époque de transition entre les siècles précédents durant lesquels les traducteurs ont utilisé une méthode « orientée vers le lecteur » et le VIIe siècle caractérisé par la technique « orientée vers la source ». Bien que le littéralisme n’ait pas encore gagné du terrain, la technique de traduction a subi un changement considérable. L’introduction du néologisme dans la langue syriaque et l’emprunt de certains mots grecs ont favorisé le développement de cette activité. Les traducteurs s’engagent dans l’uniformisation de leurs textes, en attribuant à un mot grec particulier un sens précis en syriaque. Vers la fin du VIe siècle, les particules grecques commencent également à être rendues de manière standardisée, par exemple μέν = man et δέ = den. Les adjectifs formés avec le suffixe āyā, tel pāruqāyā « sauvé », deviennent communs à cette époque (Brock 2010).
Ce changement de mode de traduction est dû surtout aux controverses christologiques. Celles-ci ont poussé les auteurs à revoir certaines traductions du Nouveau Testament dont l’exactitude était l’objectif essentiel. Pour illustrer ce propos, il convient de citer Philoxène de Mabbug qui explique dans son commentaire johannique l’importance de mener un tel projet, car les anciens ayant traduit du grec comme bon leur semblait, ils ont aussi donné la possibilité aux hérétiques de mal comprendre le sens des mots (Philoxène de Mabbog,Commentaire 1, p. 51 §23 [trad. Philoxène de Mabbog, Commentaire 2, p. 50]).
Il ajoute que « ceux qui ont traduit les livres auparavant ont beaucoup fauté, soit intentionnellement soit par ignorance… c’est pourquoi maintenant, nous aussi faisons un effort pour que les livres saints du Nouveau Testament soient traduits à nouveau du grec en syriaque » (Philoxène de Mabbog,Commentaire 2, p. 52 53). Bien qu’il critique les versions précédentes, sa technique de traduction reste très proche de la précédente notamment lorsqu’il n’y a pas d’enjeu politico-religieux. Nous prenons comme exemple Héb. 1, 1 :
NT grec : Πολυμερῶςκαὶπολυτρόπωςπάλαιὁθεὸςλαλήσαςτοῖςπατράσινἐντοῖςπροφήταις
Peshitta : b-kul mnawwān wa-b-kul demwān mallel ʾallāhā ʿam ʾabbāhayn ba-nbiʾē men qdim
Philoxène : b-saggi mnawwātā wa-b-saggi znayyā mallel ʾallāhā men qdim l-abbahātā ba-nbiʾē
Il est clair que la version philoxénienne rend le texte grec d’une façon plus fidèle que la Peshitta, en remplaçant kul par saggi qui est plus proche au grec πολυ- et demwān par znayyā qui rend mieux le grec -τροπ-. L’emplacement de la locution men qdim est modifié, pour que la construction de la phrase syriaque corresponde davantage à la version grecque.
L’attention des traducteurs se retourne également vers les textes scientifiques grecs. La traduction de l’ouvrage des Simples de Galien faite par Sergius de Reš ʿAynā (m. 536) remonte à cette époque-là. Ce traducteur et commentateur est le mieux connu du VIe siècle grâce à Ḥunayn ibn Isḥāq qui cite les travaux de Sergius et les commente dans sa Risāla. La version syriaque des Simples est très importante car elle nous fournit le premier glossaire gréco-syriaque des noms des plantes. Au début de chaque livre, Sergius a dressé une liste des phytonymes grecs, parfois glosés par des explications en syriaque (Bhayro & Hawley 2014, p. 296 297). La traduction de Sergius peut être décrite comme assez littérale sans qu’elle soit figée, ni mécanique. Lorsque l’idée dans le texte grec n’est pas facile à rendre littéralement en syriaque, il la développe, comme dans ce passage tiré du paragraphe dédié à une plante nommée « grand σύμφυτον » :
Galien : οὐ μὴν γλυκὺ γευομένοις οὐδὲ εὐῶδες ὀσμωμένοις φαίνεται (Kühn XII 134,17) / "Il ne paraît pas néanmoins doux au goût ni parfumé à l’odeur".
Sergius : ʾelā lā meṯḥzē d-ḥālē l-aylen d-ṭāʿmin leh w-lā tub d-rāḥen l-aylen da-mrayḥin beh / "Mais il ne paraît pas doux à ceux qui le goûte, ni parfumé à ceux qui le sentent".
Sergius est parfois capable d’ajouter des éléments à la version syriaque, pour qu’elle soit mieux conçue. Tel est le cas de la phrase extraite du paragraphe consacré au σφόνδυλος :
Galien : χρὴδὲπεριξύσανταςἐντιθέναι (Kühn XII 135,8) / "Mais il est nécessaire d’appliquer (la racine) sur les écorchures".
Sergius : zādeq den da-nšapew(hy) w-hākwāṯ nsimiw(hy) b-gaw ḥudre d-SRWGʾ / "Mais il est nécessaire de la (la racine) purifier et ainsi l’appliquer à l’intérieur des cercles des fistules".
Sergius a estimé nécessaire d’expliquer à son lecteur qu’il faut purger le σφόνδυλος avant son utilisation et de décrire clairement la modalité de son administration. Nous notons aussi l’usage du terme SRWGʾ emprunté au grec συρίγγων « fistule ».
D’autre part, il peut omettre des mots grecs s’il les juge inutiles :
Galien : ὑγρὰμὲνγὰρμᾶλλονὑπάγειτὴνγαστέρα, ξηρὰδ’ ἵστησιμᾶλλον (Kühn XII 23,12 13) / "Car lorsqu’il (le fruit) esthumide, il relâche plus le ventre, mais (lorsqu’il) est sec, il arrête plus (le ventre)".
Sergius : ʾelā mā d-rāgen mayten yatirāʾiṯ karsā mā d-yabišin den mqaymin leh / "Mais lorsqu’ils sont humides, ils font venir excessivement le ventre (c.-à-d. ils sont laxatifs), mais lorsqu’ils sont secs, ils l’arrêtent".
Dans ce fragment pris du passage à propos du caroubier (κερατωνία), de ses fruits et de ses gousses, Sergius n’a pas traduit le deuxième adverbe μᾶλλον, car il est probable qu’il ait considéré le superlatif comme étant suffisamment explicite d’après le contexte (Calà et al., à paraître).
Les exemples ci-dessus montrent bien la volonté de modifier l’ancienne technique de traduction sans que les traducteurs calquent les textes grecs ou tombent dans le pur littéralisme, qui caractérise d’ailleurs le VIIe siècle (Brock 1983 p. 11 12 ; 2007 ; Taylor 2007).
VIIe-VIIIe siècles
La traduction « orientée vers la source », fidèle au modèle grec, et l’hellénisation des textes syriaques atteignent leur apogée au VIIe siècle. Le traducteur remplace chaque terme grec par son équivalent syriaque, en prenant en compte la syntaxe et la morphologie. La méthode employée au VIIe siècle consiste tout simplement à traduire mot à mot le texte grec, en y apportant le moins de modifications possible, comme l’explique le traducteur d’une lettre grecque rédigée par Théodose d’Alexandrie (Lettres, p. 40), que nous tentons, nous aussi, de traduire mot à mot du syriaque : « A été traduit et interprété ce memrā du grec en syriaque autant que possible mot à mot sans altération, afin d’indiquer non seulement le sens, mais par des mots les mots en grec, et comme en grande partie, je n’ai ajouté ni omis aucun caractère, à moins que la nécessité de la langue (l’) empêche ».
Le lexique continue à s’enrichir d’emprunts grecs et de néologismes, comme le montre une lettre de Jacques d’Édesse (m. 708) adressée à Georges, évêque de Saroug, concernant l’orthographe syriaque. Il lui demande de ne pas modifier des termes empruntés au grec, tel teʾologiya (θεολογία) et d’accepter d’autres néologismes, comme hikadhiyutā, qui dénote hi kad hi, même si les copistes ne le connaissent pas (Phillips 1869, p. ḥ et 7 [trad.]) et ʾaynāyutā qui correspond à ποιότης, que Sergius traduisait par znā.Il faut noter également que les formes adjectivales en -āyā, tel kyānāyā, se multiplient aux VIIe-VIIIe siècles (Brock 2010).
Cette période est connue pour la révision des anciennes traductions syriaques des Ancien et Nouveau Testaments. La première (Syro-hexaplaire) a été effectuée par Paul de Tella dans la première partie du VIIe siècle (Law 2008) : Ex. 18, 16 :
LXX : ὅταν γὰρ γένηται αὐτοῖς ἀντιλογία καὶ ἔλθωσι πρός με, διακρίνω ἕκαστον καὶ συμβιβάζω αὐτοὺς τὰ προστάγματα τοῦ θεοῦ καὶ τὸν νόμον αὐτοῦ
Peshitta : w-mā d-hāwē l-hun petgāmā ʾāten lwāt(y) w-dāʾen (ʾ)nā bet gabrā l-ḥabreh mḥawē (ʾ)nā l-hun puqdānaw(hy) d-allāhā w-nāmusaw(hy)
Syro-hex. : ʾemat(y) ger d-nehwē l-hun ḥeryānā w-niʾtun lwāt(y) dāʾen (ʾ)nā l-kul ḥad wa-mḥawē (ʾ)nā l-hun puqdānaw(hy) d-allāhā w-nāmusā d-ileh
La traduction de Paul de Tella reflète bien la technique du mot à mot du VIIe siècle. Il remplace mād- qui prête à confusion, car il peut être interprété différemment, par ʾemat(y) qui n’a qu’un seul sens et qui correspond mieux au grec ὅταν. La particule γὰρ est traduite par son équivalent formel ger et αὐτοῦ est rendu par d-ileh. Au lieu de petgāmā, il utilise le terme ḥeryānā dont le sens reflète plus celui du grec ἀντιλογία.
Thomas de Ḥarqel s’est occupé, quant à lui, de la révision du Nouveau Testament en l’an 615/616. Nous reprenons comme exemple le verset biblique Héb. 1, 1, en comparant la version de Ḥarqel avec celles des anciens traducteurs :
NT grec : Πολυμερῶςκαὶπολυτρόπωςπάλαιὁθεὸςλαλήσαςτοῖςπατράσινἐντοῖςπροφήταις
Peshitta : b-kul mnawwān wa-b-kul demwān mallel ʾallāhā ʿam ʾabbāhayn ba-nbiʾē men qdim
Philoxène : b-saggi mnawwātā wa-b-saggi znayyā mallel ʾallāhā men qdim l-abbahātā ba-nbiʾē
Ḥarqel : kad b-saggiʾut mnawwātā wa-b-saggiʾut znayyā men qdim mallel ʾallāhā l-abbahātā ba-nbiʾē
Si déjà au VIe siècle, comme nous l’avons déjà noté, la traduction de philoxène était assez fidèle autexte grec, celle de Thomas de Ḥarqel est littérale. Il traduit le texte mot à mot en respectant, autant que possible, l’ordre des mots du verset grec (voir Juckel 2017b, p. 151 153).
Il est intéressant d’observer également le changement des techniques de traduction dans des textes philosophiques, tel l’Isagoge de Porphyre, dont deux traductions en syriaque nous sont parvenues. La première est conservée dans deux manuscrits, le BL Add. 14658, où le texte est complet, et le BL Add. 14618 qui en contient un fragment. Le traducteur de cette version est anonyme, mais elle a été attribuée à tort à Sergius de Reš ʿAynā, car le manuscrit BL Add. 14658 contient un commentaire sur la logique aristotélicienne fait par celui-ci, dans lequelil cite des passages de l’Isagoge.La deuxième traduction, conservée dans le manuscrit Vat. sir. 158, a étéréalisée par Athanase de Balad en l’an 645. Dans notre comparaison des différentes versions de l’Isagoge, il nous semble intéressant de présenterun passage citéégalement par Sergius dans son commentaire, puisqu’il n’a pas utilisé les mêmes termes que l’on trouve dans la version anonyme.Bien évidemmentl’intention de Sergius n’étaitpas de traduire le textede Porphyre mais de le commenter en lui empruntant quelques citations.(Brock 1989) :
Porphyre p. 12, l. 24 25 : συμβεβηκὸς δέ ἐστιν ὃ γίνεται καὶ ἀπογίνεται χωρὶς τῆς τοῦ ὑποκειμένου φθορᾶς
BL Add. 14658 (Sergius, comm. Isagoge) : gedšā ʾitaw(hy) haw mā d-hāwē b-medem w-metpašar meneh kad lā mḥabbel leh
BL Add. 14658 (Anony.) : gedšā den ʾitaw(hy) haw mā d-hāwē wa-mraḥeq sṭar men ḥbālā d-haw mā da-hwā beh
Vat. sir. 158 (Athanase) : gedšā den ʾitaw(hy) haw d-hāwē w-bāṭel sṭar men ḥbālā d-haw d-sim
Cette comparaison montre que, premièrement, la version de Sergius est plus « orientée vers le lecteur », alors que les deux autres sont plus proches de la source et que, deuxièmement, la traduction d’Athanase est une révision de la version effectuée par le traducteur anonyme. Le terme χωρὶς, que Sergius rend par metpašar, est traduit par sṭar dans les deux autres traductions. En revanche, la fin de la phrase diffère dans les deux autres traductions :
Porphyre : ἀπογίνεται τοῦ ὑποκειμένου
Anonyme : wa-mraḥeq d-haw mā da-hwā beh
Athanase : w-bāṭel d-haw d-sim
Par ailleurs, haw d-sim traduit τό ὑποκείμενον dans les traductions des Catégories d’Aristote faites par Jacques d’Édesse (m. 708) et par Georges des Arabes (m. 724). Pour résumer la technique utilisée dans le courant des VIIe et VIIIe siècles, nous pouvons dire que les traducteurs cherchent à reproduire exactement les textes grecs en syriaque, en prenant même en compte les particules et dans certains cas, les éléments – notamment les préfixes – qui constituent un mot grec(Brock 1983 p. 12 14 ; 2007 Taylor 2007).
IXe siècle abbasside
Au cours de la période abbasside à Bagdad, la technique de traduction évolua compte tenu du changement politique et religieux dans la région. L’intérêt du traducteur n’étant plus de revendiquer un attachement hellénistique, comme c’était le cas au cours des siècles précédents, la traduction redevint « orientée vers le lecteur ». Ḥunayn ibn Isḥāq dit dans sa Risāla § 9 : « en le traduisant (De ossibus ad tirones), j’ai cherché à rendre ses idées (Galien) avec une extrême lucidité et clarté ».
Des traductions faites par Ḥunayn du livre sur les Simples de Galien, seule la version arabe a survécu. Néanmoins, certains passages des Simples ont survécu dans sa compilation sur les propriétés des aliments conservée en arabe et en syriaque. Comme le livre des Simples a aussi été traduit par Sergius de Reš ʿAynā au VIe siècle, nous proposons de comparer sa méthode de traduction à celle de Ḥunayn, considérée comme caractéristique du IXe siècle. La comparaison de leur technique est d’autant plus intéressante que Ḥunayn critiquait le travail de Sergius dans sa Risāla : « Sergius de Reš ʿAynā avait traduit ce livre (Sur la méthode thérapeutique) en syriaque. (Il a préparé) la traduction des premiers six livres lorsqu’il était encore faible et n’était pas fort en traduction. Ensuite, il a traduit les huit livres restants, après qu’il s’est entraîné et que sa traduction est devenue plus exacte que celle des premiers livres. Salmawayh m’a demandé de lui corriger cette deuxième partie, en espérant que ce soit plus simple que de le traduire et meilleur. Il a rassemblé avec moi certaines (parties) du livre VII. Il avait le syriaque, j’avais le grec et il me (le) lisait. Dès que je tombais sur quelque chose contredisant le grec, je le lui disais. Il a ainsi commencé à corriger, jusqu’à ce que la situation le dépasse, et il s’est aperçu que traduire (le texte grec) serait plus utile, plus précis et plus ordonné. Ainsi, il m’a demandé de traduire ce livre, je l’ai donc fait dans sa totalité (§ 22) ».
Nous donnons trois exemples qui reflètent différentes méthodes de traduction des Simples utilisées par Ḥunayn en comparaison avec celles établies par Sergius :
1. Technique du « copier-coller », qui consiste à recopier mot à mot la traduction de Sergius. L’exemple est extrait du livre VI des Simples, du paragraphedédié à l’olivier et ses fruits :
Galien : ὁδ᾿ἄωροςστυπτικώτερόςἐστικαὶψυχρότερος (Kühn XI 868,3-6) / "Mais celui (le fuit) qui n’est pas mûr est plus astringent et plus froid".
Sergius : hānon den d-lā bšilin yatir mṣarpin w-qaririn / "Mais ceux qui ne sont pas mûrs sont plus astringents et froids".
Ḥunayn : hānon den d-lā bšilin yatir mṣarpin w-qaririn
2. Technique de « retraduction » de la version de Sergius. L’exemple est tiré du paragraphe consacré aux graines du gattilier dans le livre VI :
Galien : ἄφυσος δὲ κατὰ γαστέρα (Kühn XI 807,5-810,8) / "Mais il ne donne pas du vent dans le ventre".
Sergius : lā den mnapaḥ karsā la-gmār / "Mais il ne gonfle pas du tout le ventre".
Ḥunayn : w-tubʾāp yatir šāre ruḥā / "Et aussi, il (fait) relâcher le gaz".
3. Correction de la version de Sergius. L’exemple est pris du livre VII, du paragraphe dédié aux pignons de pin :
Galien : ἐξ ὑδατώδους τε καὶ γεώδους οὐσίας κεκραμένον, ἀερώδους δ’ ἥκιστα μετέχον (Kühn XII 55,6-18) / "Mélangé d’une substance aqueuse et terreuse, mais ayant de l’air (en quantité) très faible".
Sergius : mmazeg men kyānā mayānā w-arʿānā ʾāʾarāyā den la-gmār layt beh / "Il est mélangé d’une substance aqueuse et terreuse, mais il n’y a pas du tout (une substance) aérienne en lui".
Ḥunayn : mzig den men kyānā mayānā w-men kaynā ʾarʿānāyā kyānā ger ʾāʾarāyā ṭāb
bṣirāʾit ʾit beh / "Mais il est mélangé d’une substance aqueuse et d’une substance terreuse. La substance aérienne est en effet très faible en lui".
Le fait que Ḥunayn a copié mot à mot la phrase de Sergius dans certains cas montre que la technique de traduction du IXe siècle ne différait pas de celle du VIe siècle, c’est-à-dire qu’elle est orientée vers le lecteur. Le signifié (le sens) prime alors sur le signifiant (la forme).
La retraduction des passages de Sergius par Ḥunayn peut être expliquée ainsi : il ne faut pas oublier que trois siècles séparent les deux traducteurs, pendant lesquels les modes de traduction ont sans doute changé, intégrant des néologismes et de nouvelles règles grammaticales fixées (Brock 1991 ; 2004). Il est probable que la différence entre le style linguistique du VIe et celui du IXe siècle ait poussé Ḥunayn à traduire de nouveau certains passages de Sergius, bien que ces derniers aient été plus proches de la version grecque. Dans l’exemple 2 présenté plus haut, Ḥunayn explique les mots de Galien au lieu de les traduire, alors qu’il aurait pu copier la version de Sergius, d’autant qu’il utilise très souvent le terme mnapaḥ (Brock 2004 ; Taylor 2007).
Conclusion
Il n’est pas étonnant que l’activité de traduction ait été considérablement exercée dans les milieux multiculturels (gréco-syriaque et gréco-arabo-syriaque) qui constituaient le monde syriaque. En revanche, les traducteurs n’étaient pas des « interprètes assermentés », mais des religieux ou/et des scientifiques (médecins, astronomes, mathématiciens, philosophes, etc.) qui maîtrisaient bien leurs métiers et qui, par conséquent, pouvaient comprendre un texte grec portant sur leur domaine de prédilection. Ils se formaient dans des écoles – le plus souvent dans des monastères-écoles –, ou dans des centres culturels, comme à Alexandrie. Les objectifs de la traduction et les techniques mises en œuvreont varié selon la période : entre les IVe et Ve siècles, le besoin de rendre les textes bibliques accessibles au public syriaque étant une priorité, il était nécessaire d’utiliser un style simple et « orienté vers le lecteur ». À partir du VIe siècle, où s’ouvre une époque de transition entre une traduction libre et une traduction fidèle à l’original grec, la littérature scientifique grecque commence à susciter l’intérêt des syriaques. Quant à la méthode de traduction « orientée vers la source » qui caractérise le VIIe siècle, elle a probablement vu le jour à cause des tensions politico-religieuses et du fait que les traducteurs syro-orientaux aient cherché à rendre mot à mot le texte grec sans apporter aucune modification. À l’époque islamique, la traduction du grec en arabe de textes scientifiques était en particulier commanditée par les califes. Dans ce cadre, des traducteurs chrétiens de langue syriaque ont été sollicités pour traduire des textes du grec en arabe. Ilsont utilisé le syriaque comme intermédiaire entre le grec et l’arabe et la méthode employée était davantage « orientée vers le lecteur ».
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